Accueil Loudenne est une fête

Auteur

Jean-Charles
Chapuzet

Date

06.04.2018

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Voilà ressurgir le Château Loudenne, cette propriété « rose » de Saint-Yzans qui a traversé l’histoire du Médoc et qui est désormais détenue par le groupe de spiritueux chinois Kweichow et la maison Camus Wines & Spirits.

Qu’on le croise dans le bac qui vogue vers le Médoc ou à la bonne table du Saint-Seurin, Patrick Léger parle de son nouveau bébé avec quelques trémolos dans la voix. Et pour cause, le Directeur Général de la maison de cognac Camus a la tâche de faire renaître un château mythique. « Lorsqu’on arrive à Loudenne, on éprouve un mélange de fascination et d’admiration, et on comprend alors pourquoi ce château a provoqué tant de passions au fil des siècles, note-t-il. Avec sa silhouette d’une autre époque et sa grâce romantique, le château touche ses visiteurs d’une nostalgie particulière. La vue extraordinaire sur les jardins et les bateaux de l’estuaire laisse un souvenir mémorable ».

L’héritage

Il est certain que tous les ingrédients sont réunis pour séduire les amateurs de vins et d’histoire – l’un va d’ailleurs rarement sans l’autre. La grande et les petites histoires… La grande, c’est celle de son édification vers les années 1670, une heureuse chartreuse avec son vignoble, ses dépendances, son parc et son port privé sur l’estuaire. Un rose pâle viendra l’immortaliser, incarnant du même coup toutes les petites histoires nocturnes qui s’écriront en ce lieu. Lorsque les frères Gilbey s’en emparent au XIXème siècle, plus sûrement en 1875, Loudenne devient le lieu des raouts à l’élégance toute british. A la tête d’un empire célèbre, notamment connu pour ses gins, mais aussi propriétaires d’une société de distribution d’alcools, les Gilbey font de ce lieu une « fête ». Conjointement, ils font construire un chai victorien toujours debout aujourd’hui. Les générations se succèdent et Loudenne continue dans les années 60 et 70 ses soirées homériques, sorte d’état anglais dans la péninsule médocaine. Mandaté par les Gilbey, le maître des lieux s’appelle alors Martin Bamford, un petit bonhomme aux épaisses lunettes, jamais très loin de son chat qu’il nommait Cat ; ça ne s’invente pas. Il est de bon ton d’être sur sa liste d’invités. La table est somptueuse, la cave dantesque, on y chante et on danse jusqu’à pas d’heure. Les privilégiés s’appellent Tari, Borie, Sichel, Lillet, Moueix, Cazes, Hugh Johnson, la jeune Jancis Robinson ou le photographe Michel Guillard qui immortalisa Bamford (cf. photo ci-dessous).

La résurrection

Durant les vendanges de l’année 82 – gigantesque millésime – Martin Bamford est retrouvé mort dans son lit. Âgé de 42 ans, il a succombé à une crise cardiaque. Sans y chercher de causes à effets, la propriété perd de sa superbe dans les décennies suivantes. En 2000, elle tombe entre les mains de l’homme d’affaires Jean-Paul Lafragette. Désormais sous pavillon cognaco-chinois, Loudenne entend renouer avec son passé et gagner en précision à l’endroit de ses vins. « 2018 sera l’année de la renaissance pour Château Loudenne, prévient Patrick Léger. Un nouveau chapitre s’ouvre pour le fameux “Château rose” avec l’objectif de le replacer à son juste rang parmi les grands vins du Médoc. Un plan d’investissement et de restructuration a commencé en 2016 et va se poursuivre pendant plusieurs années. Il porte sur le vignoble, la modernisation des chais historiques et le rajeunissement de l’image de Loudenne. La nouvelle identité de marque, évocatrice des “Années Folles” et des fêtes mémorables organisées au Château, est un hommage à l’Art Nouveau et à la période de gloire historique de Château Loudenne ». Sur les 62 hectares que compte la propriété, la certification bio est envisagée à l’horizon de 5 ans, du petit verdot va progressivement venir soutenir le cabernet sauvignon et le merlot. Le blanc de Loudenne – produit depuis 1880 – continue son aventure avec sa dominante de sauvignon blanc et l’apport à venir de sauvignon gris. Un nouveau directeur a été nommé à l’automne dernier pour piloter cette résurrection en la personne de Philippe de Poyferré… Le soir, dit-on, dans ce coin perdu du Médoc, on entend déjà de la musique qui résonne au-dessus de Saint-Yzans-en-Médoc. Loudenne is back.

www.chateau-loudenne.com