Accueil [Des paroles et du vin #2] Crémants de Bordeaux : quelles perspectives?

[Des paroles et du vin #2] Crémants de Bordeaux : quelles perspectives?

Auteur

Laura
Bernaulte

Date

25.09.2016

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Après le succès du premier petit-déjeuner-débat de la filière viticole en février dernier, « Terre de Vins » remet le couvert pour un second rendez-vous jeudi matin prochain à 8h30 à la Cité du Vin (Bordeaux), avec comme thème : « Rosés, Blancs, Crémants… Où en sont les Bordeaux ? » A quatre jours de l’événement, focus sur les bulles de Bordeaux, les crémants.

Seulement 0, 8% de la production totale de Bordeaux, mais un segment en croissance notoire. Les statistiques de progression sur dix ans des crémants de Bordeaux parlent d’elles-même. En surface, de 155 ha en 2005 à 669 ha en 2015 (+332 %). Et côté volume récolté, de 10 290 hL en 2005 à 44 918 en 2015 (+337 %)*. A l’aune de ces statistiques, il semble bien que les crémants de Bordeaux ne sont qu’au début de leur expansion. Quelles perspectives d’évolution ont-ils pour les années à venir?

Réponses croisées de Lionel Lateyron, viticulteur au château Tour Calon (Montagne Saint-Emilion) et président de la fédération des crémants de Bordeaux, et de Philippe Hébrard, œnologue et directeur des caves de Rauzan, première unité de vinification de vin d’appellation en France, dont 5 % du chiffre d’affaires est représenté par les neuf cuvées de crémants.

Y a-t-il une place plus importante à prendre pour les crémants de Bordeaux?

Lionel Lateyron : Indéniablement. Parmi les huit appellations françaises de crémants, ceux de Bordeaux ont une place prestigieuse à prendre, pas encore assez développée. Ils ont un très fort potentiel. Le terroir est exceptionnel, les vignerons font un boulot extraordinaire, on a des sites d’élaboration très qualitatifs, un cahier des charges très rigoureux, et la notoriété de Bordeaux qu’on nous envie. Des crus prestigieux en rouge se mettent à faire du crémant. Et plus généralement, ce sera le même mouvement que celui de ces producteurs bordelais de régions traditionnellement rouges qui, de plus en plus nombreux, se mettent à produire des blancs. Dans quelques années, ces gens feront également leurs vins effervescents. On a de très belles perspectives, à condition de cesser ce snobisme qui consiste à dénigrer le crémant parce qu’il n’est pas « champagne ».

Philippe Hébrard : Oui. Les autres régions productrices de crémants ou équivalents sont au maximum de leur production. Il n’y a plus de vignes à convertir pour faire du crémant. Or, la catégorie des crémants progresse, les opérateurs qui distribuent du crémant dans le monde entier sont en recherche de crémant. A Bordeaux, il y a encore une marge de progression en terme de volume. Et à l’international, le crémant de Bordeaux jouit d’une grande notoriété. Quand ces opérateurs présentent des crémants de Bordeaux à l’international, ça parle aux gens.

La demande de la part des consommateurs en faveur des crémants est-elle plus forte qu’auparavant?

Lionel Lateyron : Je suis ravi de voir qu’aujourd’hui il y a une hausse spontanée de la demande par le consommateur. Il veut des bulles. Il s’intéresse et découvre les crémants. C’est grâce à cela qu’on a le vent en poupe. On constate aussi que les cavistes jouent bien leur rôle de relais auprès des particuliers. Le crémant est vraiment un produit alternatif au champagne, avec une consommation plus facile car plus accessible. Il faut le servir de façon décomplexée.

Philippe Hébrard : La demande des consommateurs augmente sur toute la catégorie des vins effervescents. Le vin est de moins en moins un produit de consommation alimentaire et de plus en plus un produit festif. Les consommateurs sont de plus en plus éduqués et exigeants. Ils trouvent dans les crémants leur compte avec de très bons rapports qualité prix.

Crémant devrait-il rimer plus largement avec « bio » ?

Lionel Lateyron : Beaucoup de producteurs bios se mettent au crémant. Ce n’est pas étonnant, quand on est en bio, on est habitué à accorder une attention plus importante au vignoble, parce qu’on est pas protégé chimiquement des maladies. Pareillement quand on fait des crémants, il faut être très attentif et minutieux. Pour les producteurs bio, ce n’est pas une charge de travail tellement plus importante de suivre le cahier des charges rigoureux des crémants.

Philippe Hébrard : La préoccupation du bio doit se retrouver à un moment dans le crémant. Il est possible qu’assez rapidement, il y ait une niche spécifique de crémants de Bordeaux bios qui émerge. En terme de demande et de faisabilité technique, ce n’est pas facile pour le moment. Le bio requiert une traçabilité, avec la nécessité d’isoler les vignes, de vinifier, élever et conditionner séparément. Or en crémant, on est sur de faibles volumes, et isoler de très petits lots n’est pas simple. Le bio n’est pas la priorité pour les crémants, il faut d’abord développer la notoriété de la catégorie générale des crémants de Bordeaux.

Pour accentuer le développement des crémants de Bordeaux, faut-il jouer d’abord la carte nationale ou internationale?

Lionel Lateyron : On s’est bien implantés à Bordeaux. Il reste encore quelques réticences, mais le plus gros du travail a été fait. Par exemple, depuis quelques années, l’appellation Saint-Emilion fait une grande place aux crémants de Bordeaux, tout comme la mairie ou les institutions bordelaises. Mais c’est toujours un travail en cours et ça prendra encore du temps. En Alsace ou en Bourgogne, ça a mis vingt ans, mais aujourd’hui vous arrivez et spontanément on vous ouvre une bouteille de crémant. En France, il nous reste encore du travail. Il faut d’abord être connu au national avant d’aller à l’international. A l’export, c’est le champagne qui doit ouvrir la voie, surtout sur les marchés asiatiques.

Philippe Hébrard : En terme de développement, il y a une vraie carte à jouer en priorité à l’international. En France, le crémant de Bordeaux est surtout connu dans la région bordelaise, peu dans les autres régions. Ca risque de ne pas changer énormément, car les gens sont un peu chauvins, chacun consommant le crémant de sa région. A l’export en revanche, « crémant de Bordeaux », c’est porteur. On a une capacité à intéresser les marchés internationaux avec le nom « Bordeaux » derrière « crémant ». « Bordeaux » est connu à l’international, il induit une connotation positive, donne de la crédibilité.

* Chiffres CIVB-Economie & Etudes/ Source : Douane.

INFORMATIONS PRATIQUES
Le 29 septembre de 08h30 à 10h30
La Cité du Vin, 33300 Bordeaux
Achetez vos billets ici

PRÉSENTATION
Cet événement est gratuit !
Pour la deuxième édition de son rendez-vous « Des Paroles et du Vin », débat public (et petit déjeuner) entre acteurs de la filière viti-vinicole, « Terre de Vins » vous convie le jeudi 29 septembre 2016 au salon La Fayette de la Cité du Vin, à Bordeaux.
Thème de cette 2ème édition : « Rosés, Blancs, Crémants… Où en sont les Bordeaux ? »
Intervenants :
– Jean-Philippe Code, directeur du service économique du CIVB.
– Olivier Cornuaille, directeur de Carrefour Market Caudéran et Mérignac Montesquieu.
– Hervé Grandeau, Château Lauduc (Bordeaux – Bordeaux Supérieur).
– Céline Lannoye, directrice générale des crémants Celene.
– Jérôme Plantey, directeur général de Cash Vin.
Débat animé par Rodolphe Wartel (Terre de Vins) et Bruno Béziat (Sud-Ouest).