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[VINISUD] L’Abbé Dîne, nouvelle vague à Châteauneuf

La vigneronne Nathalie Reynaud avec sa maman à Vinisud

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

30.01.2017

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Présente à Vinisud dans l’espace « Nouvelle Vague » du hall Vallée du Rhône qui fait la part belle aux néo-vignerons, Nathalie Reynaud présente ses vins délicats et racés. Rencontre avec un jeune talent à suivre de près.

Parmi les nouveautés de cette édition 2017 de Vinisud, qui se tient au Parc Expo de Montpellier jusqu’à demain soir, l’espace « Nouvelle Vague » réservé aux jeunes vignerons, veut donner un « coup de pouce » pour dynamiser la filière, avec une mise en avant des acteurs de demain. Belle idée, et belles rencontres au programme, comme dans le hall des vins de la Vallée du Rhône : Nathalie Reynaud y présente ses vins du Domaine l’Abbé Dîne, de petites pépites à découvrir de toute urgence.

Bien que sa famille soit installée dans la région de Châteauneuf-du-Pape depuis cinq générations, c’est avec l’arrivée de Nathalie aux manettes que le domaine s’est émancipé de la cave coopérative pour mener son propre destin. Pourtant, Nathalie n’avait pas initialement projeté de marcher dans les traces de ses parents : « je voulais devenir institutrice, puis je me suis dirigée vers l’audit, mais finalement la vie en entreprise ne m’a pas épanouie, alors je suis rentrée au bercail, avec le projet de suivre une formation agri ». Elle se forme donc aux pratiques viti-vinicoles, apprend son métier sur le terrain, et s’installe à son compte en 2010. Dans un premier temps, elle continue d’approvisionner la cave coopérative, avant de reprendre une cave particulière (« 100 m2 pour vinifier et stocker, heureusement on a doublé la superficie depuis ») en 2012, l’année de la naissance de sa fille. Reste à trouver un nom au domaine : la première vigne ayant appartenu à la famille en 1880 – déjà acquise par une femme, Marie Argoud – est installée sur le lieu-dit « Les Bédines », qui sera classé en 1936 en appellation Châteauneuf. L’histoire raconte qu’un bon abbé aimait y faire ripaille, voilà comment « L’abbé dîne » est devenu « Les Bédines ». Retour à l’envoyeur, le domaine de l’Abbé Dîne est né.

A la tête de 18 hectares produisant quelque 30 000 bouteilles, Nathalie a à cœur d’explorer au plus près la diversité des terroirs dont elle dispose, en laissant s’exprimer le fruit avant tout. « Quand j’ai commencé à vinifier mes vins, j’ai voulu isoler chaque terroir dans chaque cuve afin d’en faire ressortir l’identité ». Sables, safres, galets roulets, la mosaïque castelpapale s’exprime à travers des vins d’une sidérante délicatesse. Il est à noter que la vigneronne est suivie depuis ses débuts pas le fameux œnologue Philippe Cambie, une référence dans la région.

Dégustation

Le côtes-du-rhône blanc 100% clairette (7,80 €), vinifié intégralement en cuve inox, est très joli sur le millésime 2015, franchement épatant en brut de cuve 2016, fruit charnu et souple, beaux amers en finale. « Nous vendangeons en plusieurs fois, à la main, c’est un peu de la couture », sourit Nathalie.

Le châteauneuf-du-pape blanc 2015
, 70% grenache blanc, 28% roussanne, le reste en clairette et bourboulenc, est la seule cuvée du domaine à intégrer un peu de bois dans l’élevage. A dose homéopathique : seule la moitié des jus y est élevée, et encore en vieilles barriques de 7 ans. Autant dire que le vin n’est pas du tout marqué, mais s’exprime sur un très joli équilibre entre gras et tension, vibration, salinité. Ce blanc produit à 1500 bouteilles (prix indicatif 25,50 €) a obtenu le diplôme d’honneur de la Fête de la Saint-Marc 2016, une très belle distinction parmi tous les crus de Châteauneuf.

Le côtes-du-rhône rouge 2016, également en brut de cuve, illustre à merveille le potentiel de ce millésime : juteux, sanguin, salivant, souligné par une touche de poivre et de réglisse, cet assemblage de grenache (80%), syrah (18%) et mourvèdre (2%) est un pur vin de plaisir à 7,80 €. Le 2015, bien que plus patiné, se révèle un peu plus en retrait, mais tout aussi charmeur.

On passe aux choses très sérieuses avec le côtes-du-rhône villages 2014. 80% grenache 20% mourvèdre, que de la cuve béton, pas une note de bois, sur un terroir de galets roulés. Un joli nez camphré et floral, un jus ciselé, sur la cerise, le tabac blond, une matière ciselée et soyeuse… C’est la Bourgogne dans le Vaucluse. A 10,70 € la bouteille, il serait avisé d’en remplir sa cave. Le millésime 2015, plus tannique et solaire, exprime davantage la typicité du grenache, sur un fruit noir très mûr, mais toujours soutenu par une jolie fraîcheur. A attendre néanmoins.

On remonte aux origines de la famille avec le châteauneuf rouge, dont les vignes âgées de 120 ans, jouxtent celles de Château Rayas (notez bien que Nathalie Reynaud n’a aucun lien de parenté avec Emmanuel Reynaud, du fameux domaine voisin). Confirmant l’impression du côtes-du-rhône villages dégusté précédemment, le millésime 2014 se révèle tout en velours, à la fois musclé et élancé comme un sprinter, réglissé à point, une merveille d’équilibre. Le 2015 affiche un profil bien différent, plus sphérique, concentré, compact, tout en gardant une belle trame acide et des épices électrisantes. A 24,80 € prix propriété, on est en présence d’un châteauneuf de grande classe à prix très doux. N’attendez pas pour vous précipiter sur les vins de Nathalie Reynaud, on va beaucoup parler d’elle.