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[VINISUD] Les AOC soufflent leurs 80 bougies

Auteur

Anne
Serres

Date

16.02.2016

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Les Appellations d’Origine Contrôlée fêtent leurs 80 ans. Elles furent 75 au départ, en 1936, elles sont plus de 350 aujourd’hui, pour les seuls vins (l’AOC s’applique aussi à d’autres produits et notamment aux eaux-de-vie et aux fromages…) Ces dames très respectables savent faire preuve d’un beau dynamisme et elles font danser Vinisud en soufflant leurs 80 bougies !

Après la crise viticole qui a suivi le phylloxéra au début du siècle, une première démarche de reconnaissance d’Appellation d’Origine avait été mise en œuvre en 1905, pour faire face aux fraudes causées par le manque de vin. Le système protégeait insuffisamment les vignobles les plus cotés et la crise de 1929 a contraint les autorités à remettre l’ouvrage sur le métier, à l’initiative de Pierre Le Roy de Boiseaumarié, dit le baron Le Roy, vigneron à Châteauneuf-du-Pape, et de son ami Joseph Capus, parlementaire de Gironde et ministre de l’Agriculture de 1923 à 1925.

Les vignobles de Châteauneuf et de Bordeaux (mais aussi de Bourgogne) étaient confrontés à des problèmes de tromperie sur la marchandise, lorsque des producteurs et/ou négociants peu scrupuleux et manquant de vin, en faisaient venir d’autres régions moins cotées.

Le baron Le Roy et Joseph Capus purent rapidement compter sur Edouard Barthe, député de l’Hérault, fondateur en 1929 de l’Office International de la Vigne et du Vin et, en 1931, du « Comité National de Propagande en faveur du Vin », au nom délicieusement suranné. En 1932, le baron prit la tête d’une Section des Grands Crus, créée au sein de la Fédération des Associations Viticoles de France. En 1933, il obtenait par décision de justice une délimitation de l’appellation Châteauneuf-du-pape. Enfin, par décret-loi du 30 juillet 1935, rédigé par Edouard Barthe s’appuyant sur les travaux du baron Le Roy et de Joseph Capus, était créé le Comité National des Appellations d’Origine des vins et des eaux-de-vie » (qui devint l’INAO en 1947).

Dès 1936, furent reconnues 76 AOC vinicoles, dont un tiers en Bordelais et un tiers en Bourgogne et Beaujolais (qui vit ainsi la reconnaissance de quatre crus : Chénas, Chiroubles, Moulin à Vent et Morgon). Les AOC Champagne, Jura et Château Châlons furent aussi créées à cette occasion, ainsi que neuf appellations en Val de Loire. Pour le Sud de la France, on compte l’AOC Cassis en Provence, Château-Grillet, Châteauneuf-du-Pape, bien sûr, Saint-Péray et Tavel pour la Vallée du Rhône, Banyuls, Frontignan et Muscat de Frontignan dans le Languedoc-Roussillon, et enfin, pour le Sud-Ouest : Bergerac, Côtes de Bergerac, Jurançon et Monbazillac.

Un modèle envié, parfois critiqué mais jamais égalé

En 2016, l’appellation d’origine contrôlée porte un enjeu mondial : le développement des échanges internationaux va de pair avec un risque accru de fraude et une vigilance de tous les instants de la part des représentants de la production. Les AOC Champagne et Châteauneuf-du-Pape sont particulièrement active dans la protection de leur nom.

Depuis 2009, la règlementation française s’inscrit dans un cadre européen qui a fait des AOC des AOP (avec la possibilité de conserver le terme AOC sur les étiquettes) et des Vins de Pays des IGP. Il a alors fallu réécrire les cahiers des charges des AOC et faire la preuve du « lien au terroir », ce qui a posé la question de la définition de ce fameux terroir, de son rapport avec le(s) cépage(s) dans son expression, de l’incidence de l’action humaine… Ce débat passionnant a démontré que les AOC n’avaient rien perdu de leur actualité !

En Languedoc-Roussillon et en Vallée du Rhône, la pyramide qualitative des AOC évolue à son sommet avec des appellations Villages qui revendiquent des noms de communes ou Crus, les dernières reconnues étant Terrasses du Larzac en Languedoc en 2014 et plus récemment Cairanne en février 2016.

Lors de Vinisud, les appellations Arbois, Cassis, Châteauneuf du Pape, Montbazillac et Tavel fêteront leurs 80 ans lors d’une soirée aux Grands Enfants, le restaurant du Nuage, désigné par Philippe Starck à Montpellier. Nous avons goûté les vins pour vous et décerné quelques coups de cœur :

Arbois Blanc Tradition Chardonnay – Savagnin 2009, Domaine Rollet, 14 € sur le site du domaine : Ce vin élevé en mode oxydatif est une porte d’entrée vers le vin jaune : il en a les arômes de noix et mêle harmonieusement complexité, densité et fraîcheur. Un vrai régal avec les comtés AOP !

Cassis, le Clos Sainte-Magdeleine, Bel-Arme 2014, 22 € au domaine, s’il en reste : Un très beau vin produit en bio à base de Marsanne (60 %), Ugni Blanc (20 %), Clairette (15 %) et Bourboulenc (5%), pas de bois, que du fruit pour un vin tendu sur des arômes de tilleul, de verveine et de fines notes salines.

Châteauneuf du Pape, Clos du Caillou, Les Safres, Blanc, 2015 (infos prix) : Assemblage de Roussanne (40 %), Grenache Blanc (30 %) et Clairette (30 %), ce vin connaît le bois quatre mois à peine dans des barriques de plusieurs vins qui lui apportent de la complexité mais pas d’arômes boisés. L’expression est très droite, entre fruit jaune et notes minérales de craie et de caillou mouillé, le tiers de Clairette apporte une touche acidulée canaille.

Monbazillac, Château Cluzeau, Bois Blanc, 16, 50 € : Anita et Gérard Benoît ont repris le Château Cluzeau en 2015, « après 30 ans dans l’agroalimentaire, un monde sans pitié, très concentré, où on vend du prix entre peu de fournisseurs et peu de clients, tous coupés du produit, j’ai voulu faire du vin car c’est un domaine où chacun donne son empreinte à sa production et trouve sa place sur un marché foisonnant de distributeurs », explique Gérard Benoît, « Vigneron, c’est un métier qu’on peut encore faire avec son cœur. »
Sur les 14 hectares du domaine, exploité en bio, ils produisent toute la gamme des vins de Bergerac et ce Monbazillac issu de Sémillon botrytisé , gourmand, généreux de fruits exotiques avec une longue finale fraîche.
« Il faut réapprendre aux gens à boire du Monbazillac ! Ça va avec tout, on le limite à l’apéritif ou au foie gras, il faut le goûter sur les fromages et les desserts ! », précise Gérard Benoît.

Tavel, Moulin la Viguerie, Les Falaises de Braise, 2015, 10-12 € selon les distributeurs : Aux antipodes du style des rosés de Provence, très très clairs, les rosés de Tavel sont à mi-chemin entre rosé et rouge et sont surnommés « rosés de gastronomie » pour la variété des acoords mets-vins qu’ils permettent. Ce Moulin de la Viguerie fait preuve d’autant de gourmandise (fruit rouge entre framboise et groseilles, notes florales de pivoine) que de fraîcheur sur une finale enlevée.