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Avis d’expert : la minéralité, qu’est-ce que c’est ?

Auteur

Joëlle
W. Boisson

Date

16.03.2016

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Minéral, minéralité : ces termes apparaissent de plus en plus dans les descriptifs des vins. Mais que signifient-ils au juste ?

La dégustation n’est pas une science exacte, ou plus précisément, c’est une science dont tous les contours n’ont pas été définis. Pour preuve, la minéralité, notion qui n’apparaît pas dans le codex de dégustation œnologique, et qui pourtant jalonne les commentaires des grands dégustateurs.
Qu’est-ce que la minéralité ? C’est une notion subjective, une perception qui apparaît plutôt en milieu et fin de bouche, une sensation tactile sur les papilles, complexe et positive. Un vin minéral est droit, pur, non fuyant ; il ne s’avachit pas mais au contraire s’élève tout au long de la dégustation. Certains dégustateurs la décrivent comme une forme de dynamisme en bouche.

La minéralité est différente de l’acidité, même si les deux notions semblent corrélées et souvent évoquées dans le cas de vins blancs de vignobles septentrionaux : Loire, Alsace, Champagne, Bourgogne.

La minéralité est différente des seuls arômes dits « minéraux » même s’ils se retrouvent fréquemment dans les mêmes vins : le silex du sauvignon à Sancerre ; les notes hydrocarbures des grands et vieux rieslings alsaciens, l’embrun « coquille d’huître » des chardonnays champenois grands crus, etc.
Enfin la minéralité est souvent associée à une sensation salivante. Même si l’on s’est beaucoup gaussé de cette image, elle donne l’impression de « lécher un caillou ».

Sol et minéralité
Les experts se disputent souvent sur cette question : il y a-t-il une relation entre les minéraux dans un sol et la minéralité d’un vin ? Spécialiste de la dégustation, biologiste et géologue, Geoffrey Orban a « tracé » la minéralité des différents types de craie champenoise, allant jusqu’à déguster les roches en solution et les vins issus des parcelles correspondantes. L’expert est formel : « je me suis rendu compte de manière répétée qu’il y a des corrélations tactiles, voire aromatiques, entre le sol et le vin. »

Pourtant, l’absorption racinaire, la photosynthèse puis la fermentation sont des processus biochimiques tellement puissants et complexes qu’ils transforment et rebattent entièrement les cartes des molécules qu’ils embarquent.

Denis Dubourdieu, vigneron et célèbre professeur à la faculté d’œnologie de Bordeaux, a identifié la molécule codant pour l’odeur « pierre à fusil » des vins blancs. Ce « benzenemethanediol », composé extrêmement odorant, apparaît au moment de la fermentation où il est clairement identifié, mais il est absent dans le moût, et a fortiori dans le sol.

De nouvelles voies scientifiques
La minéralité n’a pas livré tous ses mystères. Et pourtant, les travaux du chercheur universitaire David Lefebvre pourraient ouvrir une nouvelle voie. Le scientifique souligne en effet que les vins sont très riches en composés organiques, mais aussi en minéraux : magnésium, calcium, fer, sodium, oligo-éléments, etc. Or les consommateurs d’eau minérale – gazeuse ou non – le savent bien : les composés minéraux ont un lien direct avec la dimension saline de l’eau qu’ils boivent.

Ces minéraux, composés extrêmement stables, perdureraient donc du sol au verre au travers de la vinification, mais en s’exprimant plus ou moins ouvertement. Ils ne peuvent pas passer à l’état de gaz, en revanche, ils interagissent avec des composés organiques qui, eux, ont une odeur perçue au nez et en bouche.

Ainsi, par ses actions œnologiques et les équilibres biochimiques qu’il induit, le vinificateur pourrait influencer l’expression des minéraux présents dans le vin. Un discours qui ne manque pas de sel !