Mardi 1er Juillet 2025
© Millésima
Auteur
Date
08.04.2016
Partager
L’équipe de dégustation de “Terre de Vins” se déploie dans le vignoble bordelais pendant toute la Semaine des Primeurs. Tous les commentaires de dégustation seront à découvrir dans le numéro de mai-juin mais voici les coups de cœur du jour, en avant-première.
Jean-Charles Chapuzet
Clos des Quatre Vents (Margaux)
“L’ultima favorito” dans cette folle semaine des dents noires sera pour le Clos des Quatre Vents et son hectare de vieilles vignes. Pour le Médoc, c’est un potager. Dans tous les cas, ce Clos n’est pas passé à côté du 2015. A offrir absolument à Claude Evin pour qu’il cède à l’idée que le vin ne soit que du plaisir. Car il est d’une grande pureté, soyeux et complexe. L’épanouissement des arômes de fruits rouges témoigne d’une maturité parfaite de la vendange. C’est magnifique. Ce 2015 joue dans la cour des – plus – grands. Chapeau bas et jambon beurre !
Sylvie Tonnaire
Château Lilian Ladouys (Saint-Estèphe)
Le fruit frais est ici ! Viennent ensuite le zan et le cuir fin mais tout en délicatesse. Tanins très délicats mais présents, affirmés en finale pour un avenir prometteur. “On a récolté al dente, et le soleil de juillet nous a évité le goût végétal, c’est toujours un challenge ici, mais cette année, avec cette météo, la date de vendange était facile à trouver” témoigne Vincent Bache-Gabrielsen, directeur technique. Le résultat dans le verre, avec ses 62% de merlot, 33 de cabernet sauvignon, 3 de petit verdot et 2 de cabernet franc, est un cas d’école de gourmandise, enthousiasmant, et d’un prix encore très abordable.
Yohan Castaing
Château Lafaurie-Peyraguey (1er Grand Cru Classé, Sauternes)
Eric Larramona poursuit son travail de longue haleine sur ce cru. La qualité du travail à la vigne, l’intelligence du millésime, le sens du liquoreux, tout concoure pour faire de Lafaurie-Peyraguey un cru majeur de l’appellation.
Trame aromatique dynamique, fraîche, noble, pure. Grosse densité soutenue par une fraîcheur racée, de l’allonge et un bel équilibre. Superbe liqueur. Un sauternes brillant et magnifique.
Anne Serres
Château l’Evangile (Pomerol)
Il est des rencontres avec des vins qui confinent à l’expérience mystique. La dégustation en primeurs est un exercice exigeant fait d’évaluations objectives de la qualité des tanins, de leur équilibre avec l’acidité, de mesures de complexité et de précision aromatiques… Rien de très poétique, même lorsque les vins sont bons ou très bons, ils sont surtout très prometteurs. Et puis il y a les grands. Et à leur approche s’ouvrent des parenthèses enchantées entre lesquelles il n’est plus question d’évaluer ou de mesurer. Parmi ces moments hors du temps qui jalonnent les primeurs, je retiens celui passé en compagnie de Jean-Pascal Vazart au Château l’Evangile, propriété du baron Eric de Rothschild à Pomerol.
“Ce vin va être un bonheur” résume Jean-Pascal Vazart, “comme un gamin génial dont on regarde se faire l’éducation et qui réagit bien à tout. L’élevage c’est l’éducation du vin. Mais bien sûr qu’il n’est pas prêt. Nous faisons des vins de garde et nous les goûtons à six mois. Vous vous imaginez demander à un parent “Il a six mois, le gamin, il marche pas ?”. ”
Il ne marche pas mais il parle une langue incroyable de profondeur et de velouté. Expressif, il se livre avec générosité sur des arômes de cerise noire nimbés d’une fraîcheur d’orange sanguine et relevés de très élégantes notes fumées. Alors que je m’attarde sur la qualité soyeuse des tanins, Jean-Pascal Vazart sourit. “Eric de Rothschild me dit toujours “Faites du Pomerol, surtout ! Faites du Pomerol”.
Laure Goy
Clos Marsalette (Pessac-Léognan)
Le Clos Marsalette, dans le giron des vignobles Neipperg s’est exprimé avec beaucoup de personnalité et de grâce. Composé à 60% de cabernet sauvignon, 35% de merlot et 5% de cabernet franc en 2015, les vignes se situent à Martillac, en Pessac-Léognan. Dense et noir, le vin affiche une puissance aromatique de fruit bien mûr et de nombreux tanins, mais déjà une belle finesse de structure, de la fraîcheur dans le verre. Epicé au nez, le bois ressortait légèrement dans cet échantillon, mais rappelons qu’à ce stade, le vin ne fait que commencer son élevage. A la fois dense, doux et gourmand, ce Clos Marsalette 2015 sera un très beau vin sur table dans ses jeunes années, et s’exprimera parfaitement, après avoir été oublié une décennie en cave. Un grand rouge !
Mathieu Doumenge
Château Cheval Blanc (1er Grand Cru Classé A, Saint-Emilion)
Terminer le passage en revue des crus classés de Saint-Emilion par les deux monuments que sont Ausone et Cheval Blanc est à la fois un privilège et un exercice de haute voltige. Disons-le tout net, chacun dans son registre (et l’on sait que les deux vins ont leurs aficionados), la réussite est au rendez-vous. Coup de chapeau, ici, aux équipes de Cheval Blanc qui ont fait le pari de ne pas produire de Petit Cheval et d’intégrer 90% de la production 2015 dans le premier vin (les 10% restant sont dévolus au saint-émilion générique). Cette sélection s’est faite au prix d’un travail de haute couture, permis par le cuvier parcellaire du nouveau chai et par les efforts investis à la vigne.
Au final, dans le verre : un nez immédiatement captivant, aux douces notes de violette, à la minéralité subtile, presque fumée. En bouche, une matière veloutée et gourmande : plus d’intensité que de puissance, de longueur que d’amplitude – du muscle et de la grâce, on est davantage en présence d’un danseur étoile que d’un sprinteur. Une dentelle de tanins, et une finale tout en fraîcheur délicatement réglissée, qui se déploie longtemps en bouche. Quelle persistance…
Articles liés