Jeudi 12 Juin 2025
Mathias Belmon ©FHermine
Auteur
Date
10.06.2025
Partager
« En vieillissant, les rouges truffent et les blancs salinent » résumait Matthias Belmon à la tête du domaine éponyme cadurcien (un t en plus) en commentant la dégustation d’une verticale des cuvées en blancs et en rouges dans les caves du Petit Sommelier à Paris. L’occasion de découvrir les vins atypiques de ce domaine bénéficiant d'une forte renommée et qui s'est enfin résolu à élaborer des cuvées parcellaires en rouge, après les lieux-dits en blancs.
En 1993, l’architecte cadurcien Christian Belmon rêve, avec sa femme Françoise, alors dans l’immobilier, de renouer avec la tradition familiale et de replanter des vignes sur les hauteurs de la vallée du Lot. Ils demandent à Lydia et Claude Bourguignon, le célèbre couple d'œnologue-agronome spécialistes des sols, de mener une étude du terroir. Elle révèle des calcaires du Kimmeridgien, comme à Chablis : ils plantent donc du chardonnay, à une époque où le blanc n’a que peu droit de cité dans le vignoble de Cahors. Mais Christian rêve aussi d’un grand vin rouge d’assemblage. Son ambition « à la Trévallon » le pousse à choisir de la syrah pour la marier à du cabernet franc. Un encépagement original au pays du malbec et du merlot mais qui range d'office les vins en Côtes-du-Lot. Ce choix n’avait pas manqué à l’époque d’étonner, voire de susciter la polémique.
Le néo-vigneron replante à Goujounac, dernière commune du Lot avant la Dordogne, sur les terres de son grand-père. Les vignes avaient été arrachées dans les années 60-70. Les parcelles sont pensées avec une précision géométrique : 2,30 hectares de syrah, 2,30 hectares de cabernet franc et 1,6 hectares de chardonnay. Les sols brun-rouges sont dédiés aux cépages rouges, les sols argilo-sableux au calcaire affleurant réservés aux blancs. Il baptise le domaine Belmont avec un t, sans doute pour lui offrir plus de relief.
Christian Belmon poursuit ainsi sa quête d’excellence sur trois hectares au lieu-dit Dolmen, puis trois autres en 2000 sur Montaigne. Il s'impose comme l'un des pionniers du bio dans la région bien que non certifié et travaille même avec son propre compost. «Dolmen est sur un plateau sidérolithique très argileux et riche en fer qui résiste bien aux contraintes hydriques et se révèle plus tardif les années pluvieuses » détaille Matthias Belmon, le fils de Christian. « Il apporte beaucoup de puissance, de texture et de chaleur aux vins. Montagne sur un coteau très pentu (à 20%) de cailloutis calcaires, planté à haute densité, est plus drainant mais à faible réserve hydrique les années chaudes, comme souvent sur les causses cadurciens. Mon père avait une vision à la bourguignonne pour le blanc et à la bordelaise pour le rouge ».
Les vignes sont vendangées à la main après dégustation des baies pour évaluer avec précision le jour de ramassage et en sélection parcellaire. Les parcelles pentues orientées Sud et Sud-Est, culminent à une altitude de 240 m. « Cela donne de grands vins blancs chablisiens mais aussi des rouges profonds et minéraux » affirme le critique conseil Michel Bettane, ami de la famille et qui a suivi l’aventure depuis le début. « Les terroirs sidérolithiques auraient été parfaits pour élaborer de grands malbecs mais Christian n’en démordait pas et voulait absolument de la syrah qui a été remplacée ensuite par de la serine du Rhône nord, plus qualitative ». Elle entrait dans l’assemblage à hauteur d’environ 30% dans les années 2000; elle redescend autour de 10-12% à partir de 2015. « Il y a 25 ans, le cabernet franc plutôt tardif avait besoin d’être accompagné de la syrah », précise Simon Blanchard. « La donne a changé avec le réchauffement climatique ».
« Les cabernets francs avec une semaine de décalage de maturité entre les deux terroirs ont toujours été ramassés, vinifiés et élevés séparément avec un assemblage de cépages à la fin », souligne Michel Bettane. « La cave était d’ailleurs construite pour travailler en parcellaire. Mais Christian ne voulait pas entendre parler de cuvées parcellaires ». Même les conseils à partir de 2003 de Stéphane Derenoncourt puis de son associé Simon Blanchard et du vigneron bourguignon Pierre Morey (de Meursault) ne le feront pas changer d’avis. Il faudra attendre la disparition brutale du propriétaire en 2010 et la fin d’une période dramatique et chaotique au domaine pour voir réapparaître l’idée de cuvées parcellaire en rouge, le premier millésime ne datant que de 2022. Les cuvées parcellaires en blanc avaient été initiées pour le millésime 2011. Matthias Belmon a par ailleurs lancé la certification bio à partir du millésime 2019.
Belmont rouges
2009 : Des arômes de liqueur de cassis, épices, cèdre, paprika, terre mouillée, prolongés de notes de truffes. Onctueux sur des tanins resserrés
2011 : Des vendanges précoces qui donnent un vin droit, serré, minéral, épicé sur les fruits noirs, le paprika et des tanins plus fondus. Un grand millésime sur la typicité de Belmont.
2015 : Des arômes de cassis, mûre, myrtille, truffes sur des épices douces et une légère amertume, quelques tanins asséchants.
2016 : Un nez plus ferme sur les fruits noirs, les groseilles, des tanins fondus et veloutés.
2019 : Des arômes de bois de cèdre, tabac blond, fruits mûrs, une trame acidulée et des tanins encore serrés mais moins d’extraction. Le début de la vinification en vendange entière en partie sur le cabernet franc et un peu sur la syrah.
2020 : Cassis, cèdre, fruits noirs sur des arômes racinaires. Un vin terrien aux tanins serrés.
Belmont rouges parcellaires
Dolmen 2022 : Premier millésime en parcellaire, à 100% cabernet franc, élevé en barriques de 400 l. à 20% neuves. Puissant et raffiné, minéral et frais sur des fruits rouges et des épices douces, des tanins enrobés (2000 bouteilles)
Montaigne 2022 : Les meilleurs cabernets francs avec un élevage toujours en 400 l. mais pour moitié en barriques neuves. Une trame plus saline, un vin élégant et profond aux tanins soyeux sur les fruits noirs, le cèdre (2000 bouteilles).
Le bonus Belmont 2003 : Issu d’un deuxième tri de cabernet franc. Terreux et truffé sur des arômes de cassis, mûres, cèdre, des tanins enveloppés et une finale juteuse.
Belmont blancs parcellaires
Montaigne blanc 2022 : Élevé 8-10 mois en 400 l. Stockinger (30% neufs). Des fruits blancs et jaunes, chèvrefeuille, noisette grillée, sur une bouche ample et beurrée mais une tension minérale et épicée.
Dolmen 2022 : Ample, floral (chèvrefeuille), noisettes et amandes grillées.
Montaigne 2016 : Sur les fleurs blanches (acacia), noisettes, une note de cire. Une trame minérale calcaire et une finale citronnée.
Dolmen 2016 : Des arômes d’agrumes, fleurs blanches, cédrat, amande grillée, ample et rond mais une finale plus courte.
Montaigne 2013 : Des notes terreuses, miel, fenouil, gentiane, zestes d’agrumes, une note fumée et une finale saline.
Articles liés