Accueil Bordeaux : quel bilan pour les Primeurs ?

Bordeaux : quel bilan pour les Primeurs ?

Auteur

La
rédaction

Date

10.04.2012

Partager

Le vignoble bordelais a clos vendredi sa trépidante semaine de dégustation en primeurs. Les vins devraient être rapidement mis en vente, avec des prix annoncés à la baisse.

« Pour ce qui est de l’affluence, le nombre de professionnels participant à l’événement UGCB n’avait jamais été aussi important », nous indique Jean-Marc Guiraud, directeur de l’Union des Grands Crus de Bordeaux (UGCB). « Mardi, nous avons eu plus 3 500 professionnels qui se sont rendus à, au moins, l’une de nos sept dégustations – davantage que pour les éditions de 2009 et 2010 », dit-il. Les Européens sont venus en force et dans les premiers deux jours, 30% des visiteurs étaient des étrangers, selon Guiraud.

Le nombre total de visiteurs était estimé à 6 500 par jour. Les châteaux ouvraient également leurs portes pour des dîners, des soirées, des expositions d’art et des concerts. « Les dégustations en primeur sont un événement commercial unique qui connaît chaque année un incroyable succès » déclare le négociant Antoine Darquey. « Les gens achètent des billets d’avion, prennent des chambres d’hôtel, juste pour venir goûter un vin qui n’est pas encore fini. »

Après une semaine à se rendre d’un chai l’autre, les importateurs ont été agréablement surpris par la qualité du millésime, avec beaucoup de châteaux recevant des appréciations respectables de la part des critiques américains. « Le 2011 est meilleur que ce que la presse anglaise indiquait », a dit James Gunter, directeur général délégué des grands vins pour Glazers, l’un des plus importants importateur-exportateur des États-Unis. « Ce qu’effectue Bordeaux, à la vigne, dans les chais, avec les nouvelles technologies et un climat plus chaud, leur permet de produire un grand vin. Ils savent ce qu’ils font. »

Tour de force

Une météo chaotique, comprenant des averses de grêle dévastatrices, a mis à l’épreuve le savoir-faire des châteaux, même les mieux équipés. « Produire une telle qualité a été réellement un tour de force », déclare Jean-Guillaume Prats, directeur du château Cos d’Estournel, qui règne sur un chai gravitaire ultra-moderne. Maintenant que la qualité du millésime est établie, les discussions sont entièrement consacrées au prix et aux dates de mise sur le marché pour les campagnes de vente.

Les primeurs de l’année dernière étaient longues et désorganisées, avec des prix en hausse de plus de 50% pour certaines étiquettes, entraînant une désaffection massive des clients européens et américains. Glazers, qui peut d’ordinaire acheter 20 000 caisses de Bordeaux en primeur quand la qualité et le prix coïncident, a seulement pris 2 000 caisses du 2010 vendu l’année dernière. « Ces 2 000 caisses étaient très chères », confiait Gunter. « Nous avons besoin d’une importante baisse des prix. »

Les principaux clients de Hong Kong restent également prudents. Vincent Yip, propriétaire de Topsy Trading Co. Ltd à Hong Kong, a déclaré qu’ils ne poursuivraient pas leurs achats « à n’importe quel prix ». « Nous préférons être prudents et réalistes », nous dit Vincent Yip. Topsy Trading achète des Bordeaux en primeur depuis vingt ans, et prend habituellement 20 000 caisses de chaque millésime.

Heureux d’acheter, heureux de boire

La peur de perdre leurs fidèles clients en Asie ainsi que leurs marchés traditionnels a forcé les Bordelais à faire volte-face. « Les Bordelais ont appris de leur arrogance et de leur incompétence de l’année dernière, nous les premiers » dit Jean-Guillaume Prats. « Les vins seront en vente tôt cette année, et je pense que nous aurons un réel intérêt de la part des États-Unis si les prix s’orientent à la baisse. Il faudra une baisse des prix conséquente pour tenter les Américains ».

Le marché bordelais des primeurs est basé sur le principe selon lequel les clients achètent le vin jusqu’à deux ans avant la livraison, finançant les stocks des châteaux en échange de prix bas. Les spéculateurs et la demande asiatique ont mis la pression sur les prix ces deux dernières années, et les négociants désirent un retour à un marché de consommateurs. « Si les châteaux se soucient du traditionnel marché des consommateurs, ils doivent fixer un prix que les négociants sont heureux d’acheter et heureux de vendre, un prix que les consommateurs sont heureux d’acheter et le plus important, heureux de boire », conclut Vincent Yip.

Les négociants attendent des premiers grands crus classés — Lafite, Latour, Mouton Rothschild, Haut Brion et Margaux – qu’ils cassent les prix jusqu’à 50%, et qu’ils mettent leurs vins en vente peu après les vacances de Pâques. Les plus petits châteaux bordelais se préparent également à une campagne rapide en espérant que cela dopera les ventes. « Nous vendons beaucoup de vins de petits châteaux, mais la situation pour eux est assez compliquée », a indiqué Darquey. « Ils font le même travail, investissent et produisent réellement du bon vin, mais ils le vendent le même prix depuis dix ans. C’est très frustrant ».

Suzanne Mustacich