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Crus Bourgeois Supérieurs : 56 pépites à suivre de près

Château Lamothe Bergeron, Cru Bourgeois Supérieur (photo Andy Julia)

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

21.02.2020

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Loin d’être dans l’ombre de « l’élite » des 14 Crus Bourgeois Exceptionnels, les 56 Crus Bourgeois Supérieurs du nouveau classement des Crus Bourgeois ont de remarquables arguments qualitatifs à défendre. Entre satisfaction et regret de ne pas avoir pu accéder à l’étage le plus prestigieux, les propriétaires réagissent.

Christelle Sorge, direction technique du château Deyrem Valentin (Cru Bourgeois Supérieur) à Margaux, ne cacha pas sa pointe de déception : « le travail et le terroir – notre château est entouré de 5 crus classés – nous laissaient espérer un meilleur classement. C’est un peu une déception vu notre emplacement ». Pourtant, Deyrem Valentin progresse puisqu’il était Cru Bourgeois en 1932 (et aussi en 2003). Même premier commentaire de Laurent Méry au château Lamothe Bergeron (Cru Bourgeois Supérieur) en Haut-Médoc : « on avait d’autre ambitions, mais on est très content ».

Être au milieu du classement, entre Cru Bourgeois et Cru Bourgeois Exceptionnel, « c’est voir le verre à moitié vide ou à moitié plein », nous dit Stéphane Pariaud, Directeur du château Petit Bocq (Cru Bourgeois Supérieur) à Saint-Estèphe. Pour lui, c’est simplement « une confirmation ». Et puis, « être classé en Exceptionnel nous aurait éloigné de l’image de nos consommateurs. On a pas la dimension d’un Cru Bourgeois Exceptionnel. On est à notre juste place. Au lieu de regretter, il faut positiver ».

Ce que fait Loïc Chanfreau du château Fonréaud (Cru Bourgeois Supérieur) à Listrac. Il s’avoue « très content du rang atteint aujourd’hui, mais qui reste dans un objectif toujours faire mieux ». Christelle Sorge abonde dans son sens : « on va se remettre en question ». Et ce d’autant que « on s’est battu pour accéder à nos notes », nous dit Laurent Méry du château Lamothe Bergeron. « C’est un point très positif. Nous allons savoir où nous avons péché » et ainsi corriger les imperfections ou les manques.

Pourtant quelques voix, très rares, s’élèvent pour mettre en cause le processus de classement, et notamment la composition des jurys de dégustation.

Des voix discordantes

L’Alliance a pourtant pris toutes les précautions. « L’Assemblée Générale du 14 septembre 2016 réunissant 82% des adhérents de l’Alliance valide à 78% le cahier des charges pour le Classement des Crus Bourgeois du Médoc » peut-on lire dans son document « Cahier des charges du classement des crus bourgeois ».
Néanmoins, Jean Guyon propriétaire à Begadan du château Greysac (Cru Bourgeois Supérieur), fait entendre son désagrément. Selon lui, il aurait fallu que « des meilleurs sommeliers, ou des Masters of Wine soient dans les jurys et que des journalistes viennent pour commenter. Tout cela aurait dû se faire au grand jour. Comment attacher de l’importance lorsqu’il n’y a aucun dégustateur renommé ? Aucun dégustateur n’avait de l’audience. On a mis beaucoup d’argent. J’ai présenté trois châteaux pour 45 000 €. Il y avait les moyens de faire mieux. C’est dommage que ce classement ne soit pas un évènement mondial ». Au final, pour Jean Guyon, ce classement « manque de crédibilité » et serait même « obscurantiste ». Il n’hésite pas à faire savoir sa déception que Rollan de By, l’une de ses propriétés à forte notoriété, ait été recalée à la dégustation : « ni nez, ni gout, ni couleur m’a-t-on fait savoir ! J’ai claqué la porte ». Rollan de By n’est donc pas classé.

Mais la très grande majorité des propriétaires interrogés ne sont pas de cet avis et donnent du crédit à la mécanique qui a prévalu à ce classement. Ainsi, Laurent Mery directeur général du Château Lamothe Bergeron : « c’étaient des dégustateurs qualifiés et on ne savait pas du tout qui ils étaient ». Mais est-ce un mal dans la mesure où « l’anonymat était recherché par l’Alliance » précise Loïc Chanfreau du château Fonréaud (Cru Bourgeois Supérieur), ceci afin de préserver l’impartialité des dégustateurs et les pressions qu’ils étaient susceptibles de subir. Et puis « nos vins étaient dégustés par deux jurys, les notes étaient croisées ». Il ajoute « que les bouteilles étaient prises sur piles dans les chais par des personnes de l’Alliance, que les dégustations se faisaient à l’aveugle et que les dégustateurs n’avaient pas le droit de communiquer entre eux pendant les dégustations ».
Les propriétaires accordent donc du crédit à ce classement et même « les Chinois s’y intéressent : j’ai suivi leurs échanges à propos du classement sur le réseau social WeChat » s’amuse Stéphane Pariaud du château Petit Bocq.

Quel effet sur le marché ?

Pour Loïc Chanfreau de Fonréaud, le classement est « une super belle machine pour faire rayonner les vins du Médoc, un outil de communication ». Il va « redonner une cohérence pour le consommateur et la place de Bordeaux, qui connait l’intérêt de ce classement, a tout intérêt à s’en emparer ».
Il est probable que ce qui fera en premier lieu le prix de la bouteille est d’abord l’état du marché, dans un contexte de vente morose pour les vins de Bordeaux. « Le prix augmentera si la demande augmente », confirme Loïc Chanfreau. Et Stéphane Pariaud d’ajouter : « Beaucoup d’espoirs reposaient sur ce classement mais s’il n’y a pas de consommateurs, il n’y en a pas. Le classement ne fait pas tout. Si la vente se relance, alors le classement aidera ».
Laurent Tereygeol du château Pontoise Cabarrus (Haut-Médoc), est plus optimiste : « cela va avoir une retombée économique, et une visibilité par rapport à nos acheteurs. Nos clients particuliers vont être plus contents d’avoir cela dans leur cave ». Une manière de dire qu’être cru bourgeois, en particulier Cru Bourgeois Supérieur, c’est faire partie des premières marches de l’excellence : flatteur pour le consommateur-amateur, non ?

« On attend maintenant que l’Alliance défende l’intérêt des Crus Bourgeois et qu’elle fasse la promotion des vins », nous dit Laurent Tereygeol. Laurent Méry de Lamothe Bergeron confirme : « l’Alliance a repris de la vigueur, il faut maintenant de la communication et que le consommateur comprenne ce classement ».
On le voit après quelques regrets, bien vite effacés, pour quelques rares propriétaires de ne pas avoir été classés en Exceptionnel, la très grande majorité se félicite de cette reconnaissance du travail accompli et de cette quête de l’excellence. Reste à voir si les clients et consommateurs sauront aller dénicher les nombreuses pépites qui se cachent parmi les 56 Crus Bourgeois Supérieur. A suivre…