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Des huiles essentielles pour remplacer le cuivre ?

homme champ de fleurs

Tanguy Castillon ne cultive pas que la vigne... ©Willy Kiezer

Auteur

Willy
Kiezer

Date

07.07.2025

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Dans les Costières de Nîmes, le château L’Ermite d’Auzan explore une voie singulière : cultiver ses propres plantes aromatiques pour soigner la vigne sans cuivre. Une démarche pionnière, appuyée par des recherches scientifiques, qui interroge notre manière de penser la viticulture durable.

Et si les réponses aux maladies de la vigne ne venaient plus du fond des bidons, mais du cœur même des plantes ? C’est le pari audacieux tenté par le château L’Ermite d’Auzan, au sud des Costières de Nîmes, où l’aromathérapie paysanne prend racine jusque dans les rangs de vigne. Ici, le cuivre – longtemps incontournable dans la lutte contre le mildiou – cède peu à peu la place aux huiles essentielles, tisanes et extraits végétaux produits à la ferme. Une initiative rare, presque unique en France, qui interroge : les plantes médicinales peuvent-elles vraiment offrir une alternative viable au cuivre ? Témoignage sur le terrain et éclairage scientifique pour tenter d'y voir plus clair.

Au cœur des Costières, des vignes et des huiles

Le décor est typique du coin : à la frontière entre Camargue et Costières de Nîmes, là où les galets roulés se mêlent à l’argile et où la brise marine souffle chaque après-midi. Le château L’Ermite d’Auzan cultive 80 hectares de vigne en biodynamie. Depuis 2019, Tanguy Castillon, jeune vigneron revenu sur les terres familiales, a insufflé un vent nouveau sur cette exploitation pionnière. Inspiré à la fois par ses voyages viticoles et les principes de la biodynamie, il a imaginé une viticulture plus autonome, plus végétale.

« Je trouvais absurde d’acheter des préparations biodynamiques venues de l’autre bout de l’Europe, alors qu’on a tout ici », confie Tanguy. Résultat : le château cultive une vingtaine d’espèces de plantes aromatiques : lavande, thym, origan, romarin, immortelle, citronnelle… Toutes sont transformées sur place, dans un ancien poulailler réhabilité en séchoir et laboratoire. Les huiles essentielles ainsi obtenues dans l’alambic maison sont intégrées à huit traitements végétaux distincts, appliqués selon les stades phénologiques de la vigne.

alambic pour faire des huiles essentielles
Alambic maison ©Willy Kiezer
séchoir à plantes aromatiques
Séchoir plantes aromatiques ©Willy Kiezer

Et les résultats sont là. Moins de cuivre, une meilleure assimilation des oligo-éléments, des feuilles épaisses, une plante plus résistante : « Depuis qu’on a quasiment supprimé le cuivre, nos vignes se nourrissent mieux et les maturités sont plus équilibrées. » nous a confié le jeune vigneron.

Une efficacité qui s’explique scientifiquement

Derrière l’intuition paysanne de Tanguy, il y a aussi des fondements scientifiques. Olivier Salières, chercheur et fondateur du laboratoire Enerlab, travaille depuis plusieurs années sur les effets des composés végétaux comme les polyphénols et les alcools monoterpéniques (les principes actifs contenus dans les huiles essentielles) sur la santé de la vigne.

portrait
Olivier Salière d'Enerlab ©Willy Kiezer

« Les polyphénols sont des antioxydants naturels que la vigne produit déjà pour se défendre. Ils renforcent la résistance au stress oxydatif, protègent des UV, et ont des effets antifongiques reconnus », explique-t-il. Certains, comme le resvératrol, sont même synthétisés naturellement par la plante lorsqu’elle est attaquée par des champignons.

Quant aux alcools monoterpéniques , comme le linalol ou le géraniol, ils agissent à la fois sur le plan aromatique et sanitaire. « Ce sont des composés volatils, qui peuvent freiner la croissance de certains pathogènes. On sait qu’ils ont un effet antimicrobien, et même répulsif pour certains insectes. »

Enerlab mène d’ailleurs des essais dans plusieurs régions viticoles françaises, de la Champagne aux Alpes-Maritimes, avec des produits de biocontrôle à base de plantes. Les premiers résultats seront disponibles à l’automne, mais déjà, la piste des huiles essentielles semble plus que prometteuse, notamment contre le mildiou, fléau récurrent de la viticulture…

Vers une alternative crédible au cuivre ?

Peut-on pour autant parler d’une alternative généralisable ? Pas si vite. Si l’expérience de L’Ermite d’Auzan est probante, elle repose sur un écosystème complet, pensé comme un tout : biodynamie intégrale, production locale de matières premières, autonomie énergétique, élevage intégré au château… Un modèle exigeant, certainement difficile à transposer à grande échelle sans adaptation.

« Ce n’est pas une solution clé-en-main », reconnaît Tanguy. « Ça demande du temps, du savoir-faire, un lien fort avec les plantes. Et une vraie volonté de changer de paradigme. »

Mais le sillon est tracé, et il pourrait inspirer bien au-delà des Costières. Face à la pression croissante pour réduire l’usage du cuivre – autorisé en bio mais controversé pour son impact sur les sols – les alternatives naturelles crédibles sont rares. Les extraits végétaux, en tant que produits de biocontrôle, offrent une voie médiane entre chimie de synthèse et inertie réglementaire.

Pour Olivier Salières, l’avenir se joue justement à cette intersection : « Il faut combiner observation du végétal, recherche scientifique et pratiques paysannes. C’est là que les plantes peuvent faire la différence, en stimulant les défenses naturelles plutôt qu’en agissant uniquement de manière curative. ».

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