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Domaines de la Parrhesia : renaissance dans les Graves

chai fûts wine globes

©Les Domaines de la Parrhésia

Auteur

Michel
Sarrazin

Date

24.07.2025

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En 2020, alors que les signes de crise viticole s'intensifient, Delphine et Guillaume Journel souhaitent changer de métier et relèvent un défi audacieux : acquérir deux châteaux en déshérence depuis des années dans les Graves et les réunir sous un nom singulier et évocateur : Les Domaines de la Parrhesia. Deux propriétés à réinventer. Un pari fou ? Pas si sûr !

Pendant une dizaine d’années au Canada, Delphine a travaillé dans l’événementiel tandis que Guillaume dirigeait un groupe de maisons de retraite. Mais le besoin d’exercer un métier en accord avec leurs valeurs profondes a fini par l’emporter sur toute autre considération. Ils ont alors rassemblé leurs économies et contracté un emprunt pour financer l’acquisition et les travaux nécessaires. Donner vie à leur passion, mener ensemble un projet entrepreneurial personnel et bâtir un patrimoine à transmettre à leurs trois enfants sont autant de motivations qui ont nourri cette audacieuse reconversion. Ce changement de vie profite ainsi à la renaissance d'un beau patrimoine des Graves. Les châteaux Le Tuquet et Couloumey révèlent leur potentiel.

Le Château Le Tuquet : retour à la lumière

façade château bordeaux chartreuse Le Turquet
©Les Domaines de la Parrhésia

Delphine vous entraîne dans un voyage au cœur du château Le Tuquet, jadis renommé comme en témoignent le Féret de 1928 ou le Grand Bernard des Vins de France. « Le Tuquett », colline en gascon, porte bien son nom, et évoque la position dominante de la chartreuse sur son parc et la vallée.

À l’époque, on y produisait essentiellement du blanc. Aujourd’hui, les 27 hectares plantés (plus 5 en fermage) sont majoritairement rouges. Mais la transition est en cours : une de leurs plus belles parcelles, posée sur une croupe de graves, accueille pour l’instant du blé, prélude à un retour de la vigne : « Quand nous sommes arrivés, c'était une jachère dans un état épouvantable. Il a fallu tout nettoyer. Le blé, lui, aide le sol à renaître. »

Le vignoble se reconstruit, avec une ambition claire : réhabiliter les blancs. Le château du XVIIIe siècle, dont la façade fut remaniée par Victor Louis (architecte du Grand Théâtre de Bordeaux), capte votre intérêt. Devant, à l’écart, une chapelle, discrète et émouvante. À l’arrière, une élégante façade domine un parc en pente douce au fond duquel sommeille une pièce d’eau.

Des travaux de grande ampleur sont prévus : « Nous allons abattre certaines cloisons, en conserver d’autres pour leurs magnifiques boiseries, et créer une salle de réception pour des mariages. Les sept chambres à l’étage seront entièrement rénovées ». Des cuisines seront aménagées dans un bâtiment annexe relié au château.

Le Château Couloumey : mémoire vivante du territoire

À un kilomètre de là, le château Couloumey (du gascon Couloumeille, colombier) offre lui aussi un riche patrimoine classé, de la même facture. « Le pigeonnier fait partie des cent pigeonniers remarquables de France. Il date de la toute fin du XVIe siècle, début XVIIe, et sa forme octogonale est rare », précise Delphine.

façade château couloumey
©Les Domaines de la Parrhésia

« La propriété remonte au XIVe siècle. Elle fut relais de chasse des ducs d’Épernon aux XVIe et XVIIe siècles ». Avec un étage ajouté au XVIIIe siècle et parfaitement intégré au bâti, l’actuel château est de facture classique, comme Le Tuquet. Là encore, un beau parc, et une singularité : sept bassins étroits, probablement utilisés pour la fabrication du chanvre destiné aux cordages maritimes. Delphine avance une hypothèse très probable : « Au XVIIIe siècle, Couloumey appartenait à un armateur hollandais. Et nous sommes à deux kilomètres du port de Beautiran, sur la Garonne ».

La propriété abrite 3 hectares de vignes, des prairies et des bois. La biodiversité y est précieusement préservée. Toutefois, « le domaine n’est pas passé en bio, malgré notre forte motivation, suite aux recommandations de Natura 2000 et de la SAFER en raison des effets néfastes du cuivre dans la zone humide, sur les sols et les cours d’eau” précise Delphine. Une culture en biocontrôle s’applique malgré tout.

Mais s’il y a tout un patrimoine à valoriser, il ne faut pas oublier l’autre pilier des domaines de la Parrhesia : le vin.

Des vins identitaires

Guillaume Journel aime expérimenter. Qu’il s’agisse du projet de vignes résistantes “dans l’esprit de ce que fait La Tour Carnet”, des amphores, des wine globes ou des barriques de 400 l. Autant de leviers qu’il met au service d’un élevage travaillé avec doigté qui contribue à l’identité aux vins. Une identité indispensable si l’on veut se démarquer et intéresser une clientèle de particuliers et d’importateurs. “on vient d’envoyer deux palettes en Uruguay” se félicite Guillaume.  Le choix de classer certains vins en “Vin de France” ou “vin de l’Atlantique” pour une partie de la gamme est le résultat d’un esprit d’entreprise mais aussi d’une écoute des restaurateurs “si c’est du Bordeaux, on n’en veut pas”. Comme quoi, “Vin de France” intrigue et intéresse un consommateur qui sait qu’il trouvera souvent là des vins originaux à condition qu’ils restent synonymes de créativité et non de fourre-tout. Sur ce point Guillaume a réussi.

Œnotourisme et vins bien profilés : les clés de la renaissance

Ni Delphine ni Guillaume ne viennent du monde du vin. Pourtant, leur regard est affûté. Ils ont su transposer leurs compétences dans ce nouveau chapitre. Delphine, forte de son expérience dans l’événementiel, met en valeur l’art de recevoir. Guillaume, pragmatique et curieux, façonne les vins. Il y a une volonté de se réinventer, de combiner passion du vin et plaisir de recevoir (Delphine a travaillé dans l’évènementiel). Tous deux ont conscience des difficultés du marché mais ont parfaitement identifié leurs atouts : deux châteaux au patrimoine remarquable et au fort potentiel viticole, des vins identitaires, un accueil chaleureux, une guinguette qui fait le plein et qui met en avant leurs cuvées bien adaptées aux goûts des consommateurs, et un des deux châteaux, bientôt transformé, qui accueillera des événements.

Delphine et Guillaume incarnent bien la deuxième vie choisie dont beaucoup de personnes rêvent. Complémentaires et soudés, passionnés et énergiques, lucides et ambitieux, habités par une admiration réciproque, ils vont valoriser petit à petit ce patrimoine et faire parler leurs compétences. Au fait, que veut dire Parrehsia ? Parrhésia vient du grec ancien Parrhèsia et veut dire « parler de tout, dire sa vérité ». Nous y sommes non ?

wine globe guillaume et delphine journel
Guillaume et Delphine Journel ©Les Domaines de la Parrhésia
vue vignes château couloumey
Château Couloumey ©Les Domaines de la Parrhésia
cour de château coucher de soleil
Cour du Château Le Turquet ©Les Domaines de la Parrhésia
Guillaume et Delphine Journel ©Les Domaines de la Parrhésia
Famille Journel ©Les Domaines de la Parrhésia

Terre de vins a aimé

Le Basurdea (« le sanglier » en basque) 2022, Vin de France Blanc
95 % sauvignon (élevage en wine globe) et 5 % sémillon élevé en barrique de 400 ou 500 l. Le côté variétal du sauvignon est tempéré tant sur l’aromatique que sur les saveurs, sans céder sur la recherche d’une personnalité.  Agrumes séducteurs, tilleul, verveine mentholée, un soupçon de poivre blanc en deuxième nez, et un rien de foin et d’herbes sèches. Un nez plus sur l’élégance que sur la démonstration.

Bouche avec un très léger grain, finement texturée : le résultat d’un lent travail sur lies en wine globe et d’un sémillon élevé en barrique, les deux pendant 10 mois. L’attaque n’a rien de tranchant et échappe à l’incisivité du sauvignon, parfois trop marquée, qui peut gêner certains consommateurs : on est sur un citron jaune qui donne une impression acidulée. Un rien salin. Une présence qui joue sur un large éventail et de la persistance. Un haut de gamme nuancé qui campe sa belle personnalité autrement que sur un tranchant dominant. Bien étudié et réussi.
20 € TTC

Château Couloumey 2024, Graves Blanc
60 % semillon en barriques 400 et 500 l et 40 % sauvignon élevé en amphore. Le nez est sur un versant exotique. La bouche combine le citron et la fraîcheur mentholée. Un pamplemousse rose discret trace la finale. Complexe et civilisé.
17 € TTC

Château Couloumey 2023, Graves rouge
60 % cabernet sauvignon et 40 % merlot. 14 mois en barrique de 1 et 2 vins. Le nez est typé cabernet sauvignon, sur un jus de cassis et un filet de poivron vert bien ajusté. Un rien herbacé et fumé à l’agitation. La bouche aimera l’attaque sur ce joli jus, plein, qui laisse présager le besoin d’une courte garde de 4 à 5 ans ou d’un carafage dans la jeunesse. Le fruit vient s’inviter et adoucit ce beau jus, sur des tanins qui attestent d’une extraction maîtrisée.
18 € TTC