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[ENTRETIEN] Cécile Bossan-Redon, déléguée générale d’Inter Beaujolais

Auteur

Pauline
Gonnet

Date

05.03.2020

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L’interprofession des vins du Beaujolais a accueilli Cécile Bossan-Redon le 9 décembre 2019 au poste de déléguée générale, qui était vacant depuis le printemps dernier.

Changement de profil à ce poste, dont les missions principales sont de veiller à la bonne exécution des décisions stratégiques, opérationnelles et administratives émises par le Conseil d’Administration, ainsi qu’une analyse stratégique à l’export : du haut de ses 35 ans, Cécile Bossan-Redon est née dans le Beaujolais, a grandi au sein des vignes parentales, avant de partir étudier auprès de l’OIV et de faire ses armes professionnelles dans de grandes maisons de négoce en Bourgogne.

Quels sont les enjeux auxquels est confronté le vignoble du Beaujolais et sur lesquelles vous allez porter toute votre attention ?

Le premier souhait de Dominique Piron (président d’Inter Beaujolais, ndlr) et de l’interprofession est de renouer avec le vignoble.
Beaucoup d’adhérents ne sont pas au courant de ce qui se fait, il faut qu’en permanence nous puissions être beaucoup plus en lien avec les évolutions du vignoble, qui vont très vite, par exemple au niveau du renouvellement des viticulteurs et du changement des génération à la tête des exploitations.
Ces évolutions sociologiques se traduisent par un sens de l’engagement et du collectif très prononcé : nous avons aujourd’hui beaucoup de gens qui se sont reconvertis et n’étaient pas vignerons, et qui ont beaucoup d’énergie. De plus, le Beaujolais est un vignoble où les gens travaillent dans leurs vignes, il y a peu de personnel à plein temps, donc ils doivent savoir jouer tous les rôles et être capables d’être à la fois des commerciaux, des communicants, et de participer à la vie de l’interprofession, en plus de toute leur vie personnelle. Cela contraste avec la logique de production et de négoce qui a régné jusque-là.
Nous devons également renforcer notre cœur de mission, à savoir la promotion, la stratégie (en consolidant celle qui a déjà été amorcée avec le triptyque des vins : nous entamons la dernière phase de développement avec celle des vins d’exception, après celle des vins festifs et celle consacrée aux vins de caractère), le développement des missions techniques, dont les jeunes viticulteurs sont très en demande, ainsi que la poursuite de la réflexion sur les questions environnementales, comme l’arrêt des pesticides, par exemple.
Et enfin, la protection de nos appellations est un volet incontournable, en lien étroit avec l’INAO. Le Beaujolais est un vignoble riche, qui ne se rend pas compte de la puissance qu’il a, qui s’étonne encore de recevoir des compliments, qui produit des vins blancs si peu connus alors qu’ils ont l’étoffe de grands vins blancs d’autres régions.

Les enjeux sont majeurs, le vignoble se situe à un tournant de son évolution et se caractérise par sa complexité autant que son hétérogénéité : quelles sont vos atouts pour réussir dans ces missions ?
Je suis née au cœur du Beaujolais. Ce n’est pas qu’une vision affective des choses, cela m’a permis de comprendre profondément cet écosystème complexe. Nous avons tout : des négociants qui ne font que du négoce, des producteurs qui ne font que du vin nature, d’autres qui ne vendent qu’à l’échelon national, voire local, de petits négoces, des négoces historiques en lien avec d’autres appellations… Il nous faut conserver cette diversité, car c’est aussi elle qui nous permet d’être présents sur l’ensemble des marchés.
Mes parents produisaient du Beaujolais et du Beaujolais Villages, avaient déjà mis en place des offres œnotouristiques, j’ai eu très tôt des Hollandais en caravane dans ma cour !
Mais j’ai aussi connu la réalité économique : certaines années, mes parents ne vendaient pas leur vin. Je me souviens de ce jour d’août 1989, j’avais 4 ans, je me réveille de ma sieste et je trouve mon père devant la fenêtre, regardant les vignes depuis l’intérieur : il n’y avait plus de raisins. Une heure auparavant, les vignes en étaient pleines.
Tout ce vécu me permet de comprendre les viticulteurs, quels sont leurs blocages, qui sont parfois plus psychologiques qu’économiques.
Mon parcours dans le négoce m’a apportée le reste des connaissances dont j’avais besoin pour comprendre les problématiques de l’ensemble des acteurs.
Quel que soit le format, c’est toujours une entreprise.

Quelles ont été vos premières actions sur ces trois premiers mois ?
Dès le début, je me suis consacrée à notre objectif premier : resserrer le collectif.
Ce lien avec le vignoble permet de continuer à expliquer et prouver l’utilité et l’efficacité des stratégies mises en place, comme par exemple la mise en avant des vins rosés lors de Wine Paris.
Du fait de notre important travail de pédagogie en amont, les vignerons ont vraiment joué le jeu et nous ont donné des bouteilles, nous permettant ainsi de promouvoir l’ensemble du travail réalisé dans tout le vignoble.
Je souhaite porter cette belle dynamique et contribuer à poursuivre les expérimentations.
Et puis je ne lâcherai pas sur le dernier volet du triptyque que sont les vins d’exception : nous avons des leaders, de grands vins, nous devons les mettre en avant !