Accueil Et si vous laissiez vieillir un peu (plus) vos sancerres blancs ?

Et si vous laissiez vieillir un peu (plus) vos sancerres blancs ?

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

14.12.2022

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Les vins produits à partir de sauvignon blanc sont le plus souvent consommés sur leur jeunesse éclatante de fruit. Mais lorsque leur naissance a lieu sur un terroir mythique comme Sancerre, leur durée de vie très longue invite à être patient. Emotions à la clé.

Il y a des habitudes qui ont la vie dure. Les sancerres blancs ne séjournent jamais véritablement longtemps dans les caves des amateurs. Et on peut aisément le comprendre tant l’équilibre superbe entre minéralité affirmée et complexité aromatique s’avère souvent très rapidement charmeur. Pourtant, sur ces terroirs de silex merveilleux, le sauvignon blanc capte une énergie singulière qui le rend apte à se patiner avec beaucoup d’élégance au fil des années. Une récente dégustation organisée à Paris par la famille Saget autour de la cuvée Mégalithe de La Perrière, propriété qu’elle possède depuis 1996, l’a encore démontré. Fer de lance de la gamme, ce vin est issu d’un terroir siliceux et est vinifié et élevé en partie (40 %) dans des fûts de chêne de l’Allier de 300 litres. Grâce à des bâtonnages réguliers, le vin gagne en ampleur. Toutefois, le reste de la production est vinifié et élevé en cuve inox pour maintenir toute la typicité du sauvignon blanc, toujours dans cette grande cave naturelle, ancienne carrière ayant permis de fournir des pierres de construction pour les grands édifices religieux de la région.

2 grands profils distincts

Au cours de cette dégustation, ce ne sont pas moins de 7 millésimes différents de la cuvée Mégalithe qui ont pu être goûtés, de 2018 à 2003. Et le premier enseignement à en tirer est celui d’une constance identitaire du sauvignon blanc dans tous les vins. Qu’il s’agisse de millésimes chauds ou plus froids, de vins jeunes ou plus anciens, la tension pierreuse et l’aromatique ne laisse pas de place au doute. Pour autant, il est très intéressant de constater que les vins connaissent deux cycles. Au cours de leur première décennie, les vins conservent un profil relativement frais, entre pointes florales et bourgeon de cassis, fruits exotiques et agrumes. Dans leur seconde décennie, les vins évoluent de manière franche, à commencer par leur robe qui se marque de teintes plus dorées. En bouche, les vins se montrent plus patinés, associés à une impression de légère sucrosité portée ensuite par des arômes rappelant presque au nez des aromatiques de beaux vins liquoreux. Ainsi les millésimes 2018 (35 €) et 2015 offrent des matières denses et concentrées qui demeurent très fluides et digestes grâce à une acidité admirablement intégrée. Les 2014 et 2010 offrent respectivement des notes d’ananas frais et de cédrat ainsi que des notes de tilleul. Tous deux très élégants, ils révèlent, notamment pour le 2014, une tension saline très appréciable et une belle sapidité. En passant sur le millésime 2009, un autre monde aromatique s’ouvre, penchant davantage vers le miel. Mais la plénitude de bouche impressionne avec une matière encore vibrante et un équilibre évident. Tout comme le 2007 qui affirme encore davantage son évolution (notes précises de coing) tout en conservant cette belle précision de fin de bouche, bien digeste. Quant au 2003, il montre un côté imposant marqué par des notes de figue et une intéressante évolution truffée. Sa matière en bouche est ample et grasse, intense et complexifiée par de fins amers très agréables. Un vin permettant de s’amuser sur des accords mets-vins originaux. Par chance, depuis 2010, 600 bouteilles de Mégalithe sont mises de côté à chaque nouveau millésime. Conservées au domaine, elles sont ainsi proposées aux amateurs après un vieillissement prolongé. De quoi accéder à la magie de ces sancerres matures encore trop méconnus.