Accueil Hermitage ou l’assemblage porté à son paroxysme

Hermitage ou l’assemblage porté à son paroxysme

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

24.04.2018

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Ce vin, peut-être le plus célèbre de la vallée du Rhône, est traditionnellement issu d’un assemblage des différents terroirs magiques situés sur la colline éponyme. Bienvenue dans un monde de subtilités et de nuances.

Les œnophiles du monde entier connaissent cette colline superbe qui veille sur la ville de Tain-L’hermitage depuis toujours. Les pieds dans le Rhône, elle s’élève à plus de 300 mètres et égrène différents types de sols, la plupart exposés plein sud. Originellement, il s’agit d’un morceau du massif central qui s’est détaché à la suite de la modification du cours du Rhône. D’où la partie granitique que l’on retrouve à l’ouest. C’est ici le climat des Bessards qui produit un vin tannique et puissant, généralement l’ossature de tout Hermitage. Légèrement plus à l’est se trouve le climat du Méal qui lui donne certainement les vins les plus puissants de la colline. Plus en hauteur, la petite chapelle, symbole des lieux, marque l’emplacement de l’Hermite qui donne des vins d’une grande profondeur et d’une grande élégance. En remontant ensuite la partie supérieure de la colline jusqu’à l’est, on trouve un type de sol plus frais, plus adapté à la production de vins blancs. Pendant des millions d’années, le fleuve a charrié des galets roulés qui se sont progressivement dégradés après en argiles. Des dépôts éoliens se sont également accumulés pour former des lœss très filtrants. Les climats associés à cette typologie sont principalement Maison blanche et l’Homme. En léger contrebas, le sol se fait plus calcaire sur le lieu-dit Rocoule et s’avère très propice à la production de grands vins blancs majoritairement à base de marsanne. Enfin, en allant vers le bas de la colline, les sols se font plus argilo-limoneux et ensuite caillouteux. Les vins ici sont plus ronds avec des tannins un peu plus fermes comme dans le lieu-dit Les Diognières.

La preuve par la dégustation

Si certains viticulteurs et négociants ont décidé de mettre en bouteille des Hermitage en provenance exclusive d’un climat, cela ne représente pas l’esprit des vins d’Hermitage tels qu’ils ont été produits depuis des siècles. Le plus farouche défenseur de cette vision « assembliste » des terroirs est sans nul doute Jean-Louis Chave, la figure la plus renommée de l’appellation. Récemment, la cave de Tain, l’un des principaux propriétaires de vignes sur la colline, organisait une dégustation à Paris d’une partie des climats séparément afin de comprendre la construction de l’Hermitage rouge 2015 final, lui aussi en dégustation. Les différences de profil étaient flagrantes. La syrah, seul cépage rouge autorisé dans l’appellation, s’exprime de manière unique selon qu’elle est plantée sur des granits qui lui apportent beaucoup de puissance (le Méal) avec parfois un grand soyeux de bouche (l’Hermite) ou au contraire sur les sols de cailloutis consolidés en poudingue sur « les signaux ». Le vin est ici beaucoup plus souple, très fruité (cassis, mûre) avec une réelle tension tout comme sur le lieu-dit « la Beaume » aux caractéristiques proches. Tout l’art du vigneron va alors consister à imaginer, à partir de ces profils de vins très différents, un vin final qui saura tous les mettre en valeur et révéler un tout supérieur à la somme des lieux-dits individuellement. L’Hermitage 2015 « Gambert de Loche » de la cave de Tain est, à ce titre, bien représentative. On y retrouve une attaque souple, un vrai velouté de tannins mais qui sont bien présents. Beaucoup de chair et de longueur portée par des arômes de fruits noirs et de réglisse. Un vin très complexe qui réussit à réunir le meilleur de ce que la colline de l’Hermitage a à offrir.