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Le Rhône septentrional rêve de l’Unesco

paysage vignes côte rôtie

Côte Rôtie ©F.Hermine

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

02.07.2025

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Depuis 2020, les huit appellations viticoles des Côtes-du-Rhône septentrionales, de Côte-Rôtie à Crozes-Hermitage, se sont engagées dans une ambitieuse course de fond en vue d'une inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO. Leur candidature est désormais portée par l'association « De Rhône en vignes, cultures en partage de Vienne à Valence » présidée par Philippe Guigal.

Entre les terrasses et les murets en pierre sèche de Côte-Rôtie, la colline de l'Hermitage et les rives du Rhône de Vienne à Valence, le vignoble rhodanien septentrional a de quoi mettre en avant des paysages et un patrimoine exceptionnels. Depuis 2020, un collectif inédit de vignerons, d'élus et de scientifiques porte donc un projet ambitieux, celui d'inscrire les huit appellations viticoles du Rhône Nord au patrimoine mondial de l’Unesco afin de mettre en lumière un territoire façonné par deux mille ans de culture viticole et par le fleuve Rhône. Le dossier est désormais porté par l’association « De Rhône en vignes, cultures en partage de Vienne à Valence », née officiellement en mai dernier sous l'égide de la Région Auvergne-Rhône Alpes. Elle s'est structurée autour d’une gouvernance tripartite réunissant les acteurs vitivinicoles (domaines, coopératives, négociants, ODG), les collectivités territoriales et des partenaires scientifiques et culturels. Un montage inédit, soutenu dès l’origine par Inter Rhône et plusieurs institutions (Conseil National du Rhône, Crédit Agricole, Plan Rhône-Saône…).

Le nerf de la guerre

Sur le terrain, cinq départements et huit intercommunalités sont concernés. « Vienne Condrieu Agglomération vient de voter un soutien progressif jusqu’en 2027. Rhône Crussol qui était déjà impliqué dans le classement de la grotte Chauvet a d'emblée compris l'intérêt du projet en en mesurant les retombées », assure Philippe Guigal. Mais l’argent reste le nerf de la guerre. « Monter un dossier Unesco coûte cher, on parle de 400 à 500 000 euros par an. Alors je fais la tournée des mécènes potentiels ». « La Région a d'ores et déjà promis de couvrir la moitié du budget, mais il faut encore convaincre les départements et les EPCI, les structures intercommunales, parfois très contraints financièrement. On ne leur demande pas des sommes folles, mais il faut défendre notre candidature car il y a beaucoup de demandes et la France ne peut présenter qu’un seul dossier par an à l’Unesco ». La prochaine étape est donc stratégique : figurer sur la « liste indicative » du ministère de la Culture (qui compte déjà plus d'une trentaine de dossiers), sésame préalable à tout espoir de classement. « Et pour ça, mieux vaut avoir un dossier solide et peser avec des arguments que des amis à faire jouer ».

Démontrer une 'Valeur Universelle Exceptionnelle'

paysage vignes colline de l'hermitage
Colline de l'Hermitage ©F.Hermine

L’idée de cette candidature n’est pas nouvelle. Elle a germé dès 2020 sous l’impulsion de l’urbaniste Bruno Delas, déjà artisan de l’inscription du Vieux Lyon au Patrimoine de l'Unesco), et de l’œnologue Jacques Grange , directeur de la Maison Delas. Mais c’est au sortir du Covid que le projet a pris de l’ampleur. Il était d'abord centré sur la syrah ou plus exactement la serine, son ancêtre local, mais il a été élargi aux autres cépages patrimoniaux du pays des Allobroges, également descendants de la serine tels la marsanne, la roussanne et le viognier. Rapidement, la candidature ne s'est pas cantonnée à la vigne et elle s'est ouverte au fleuve, à l’histoire, au paysage culturel « évolutif et vivant » de cette vallée viticole millénaire de 75 km, entre Vienne et Valence qui représente un territoire de 51 communes, 4 337 hectares de vignes.

Les atouts lorsque l'on arpente ses paysages semblent évidents mais l’Unesco ne classe pas sur l’émotion. « Il faut démontrer une 'Valeur Universelle Exceptionnelle' avec un socle scientifique solide, un paysage 'culturel évolutif et vivant' ». Les acteurs du territoire ont donc commencé à plancher avec des ampélographes, historiens, géographes et vignerons, pour collecter la mémoire des habitants, faire l'inventaire des ressources, intégrer les éventuelles adaptations contre le réchauffement climatique.... Une véritable « fabrique d'intelligence collective ». Un deuxième cahier de candidature vient ainsi d'être finalisé. « Cela nous oblige à une remise en question permanente. Il faut rester vigilant et exemplaire, ce qui implique une pression supplémentaire et il est important que les vignerons soient impliqués dès le départ » insiste Philippe Guigal.

La ligne d’arrivée est encore lointaine ; le processus pourrait prendre plus d'une dizaine d'années. Mais au-delà d’une inscription symbolique, c’est un levier touristique, économique, identitaire. « Les climats de Bourgogne ont mis huit ans à aboutir. Il faut être patient, rigoureux, mais ne rien lâcher. C’est un marathon, pas un sprint », sourit Philippe Guigal.  

Le territoire concerné en chiffres (2023)

·      Huit appellations : Côte-Rôtie, Condrieu, Château-Grillet, Saint-Joseph, Cornas, Saint-Péray, Hermitage, Crozes-Hermitage,

·      4 cépages : syrah, viognier, roussanne et marsanne,

·      5 départements : Rhône, Isère, Drôme, Ardèche et Loire,

·      1 164 exploitations réparties sur 4 337 ha,

·      167 083 hl produits dont 82 % de rouges-rosés et 18 % de blancs

·      981 emplois en ETP (équivalents temps plein) et 2 947 avec les saisonniers et occasionnels,

·      72 domaines ou caves associés au label « Vignobles & Découvertes ».


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