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La Champagne, terre de résilience

Siège de Veuve Clicquot en 1918 rue du Temple (Crédits Veuve Clicquot)

Auteur

Yves
Tesson

Date

28.03.2020

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Nouveau rendez-vous sur « Terre de Vins » : « La vigne se raconte ». Chaque semaine, replongez-vous dans un moment marquant, éprouvant ou fondateur de l’Histoire du vignoble français.

Alors que la Champagne croule sous une avalanche de crises : coronavirus, taxes américaines, incertitudes liées au Brexit… L’histoire de ce terroir rude se rappelle à nous. La Champagne a connu d’autres épreuves dramatiques. Elle a toujours su en sortir plus forte et plus unie.

Remontons un siècle en arrière et songeons aux perspectives peu engageantes qui s’ouvrent aux professionnels au début des années 1920. De la prospérité de la Belle époque, il ne reste plus rien. « La guerre a tout foutu en l’air », pour reprendre le mot du patron de la Maison Veuve Clicquot, Bertrand de Mun, qui doit affronter les premières grèves jamais survenues dans ses caves. La Marne a été traversée par la ligne de front, les Maisons de Reims rasées, le phylloxéra, faute d’ouvriers pour appliquer les traitements, a progressé en quatre ans davantage qu’il ne l’avait fait en trente ans.

Que dire du marché international ? Au début des années 1900, la Champagne exportait 80% de sa production et sur la trentaine de millions de bouteilles vendue chaque année, le marché américain en absorbait 4 millions. Désormais, il faut composer avec la montée du protectionnisme, la Prohibition votée en 1919 aux États-Unis et la révolution russe qui ferme pour 70 ans l’un des marchés historiques du champagne, favorisant l’essor des effervescents de Crimée. Sans compter la rancœur des pays germaniques qui privilégient maintenant le sekt.

Face au désastre : l’union sacrée

Mais les Champenois vont faire front et prolonger l’union sacrée des tranchées. L’Association viticole champenoise, organisme dédié à la lutte contre le phylloxéra, devient l’artisan d’un rapprochement inédit entre Maisons et Vignerons. Considérant que le vigneron pour replanter a besoin de sécurité financière, l’AVC sort de ses compétences initiales et encourage les premières rencontres entre les représentants du négoce et du vignoble en vue de fixer le prix du raisin et de le stabiliser.

Sur le plan national et international, les Champenois vont également chercher à réunir toutes les forces. Bertrand de Mun, président de ce qui deviendra l’Union des Maisons de Champagne, initie la Commission d’Exportation des Vins de France, ancêtre de la FEVS. Celle-ci regroupe les régions viticoles pour lutter contre les mesures protectionnistes du gouvernement qui risquent de se traduire par des représailles douanières à l’étranger. Bertrand de Mun crée aussi la Ligue internationale contre les Prohibitions, tandis qu’en Champagne même, un Comité secret sous la présidence de Marcel Heidsieck organise les contacts avec les contrebandiers de Saint-Pierre-et-Miquelon. Autant d’atouts qui vont permettre au champagne de couler à flots dans le monde entier pendant les « Années folles ». Car après les horreurs de la guerre, la jeunesse n’a qu’une envie : célébrer la vie !

Ci-dessous : Bertrand de Mun.