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La vie est Aigues Belles

Auteur

La
rédaction

Date

19.11.2012

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Il inscrit chaque année son nom au palmarès des OC Collection, le haut de la pyramide des Vins de Pays d’Oc. Préférant mettre en avant une oeuvre collective, Gilles Palatan est pourtant le grand artisan de cette réussite qui fait aujourd’hui sa fierté et celle du petit hameau gardois d’Aiguebelle.

Gilles Palatan en est convaincu : « Le domaine viticole n’existerait plus aujourd’hui. » Avant que ne sonne l’an 2000, avec ses neveux, Patrice et Thierry Lombard, il décide alors « d’aller jusqu’à la bouteille » et de vinifier une partie de la récolte dans leur cave, mise en sommeil depuis vingt ans et où des cuves en inox clinquantes font désormais de l’ombre à celles en béton, gigantesques et condamnées à jamais. Un pari sur la qualité, sur l’avenir. Pour sauver l’exploitation familiale vouée au vin depuis 1870. Aigues Belles revenait ainsi à ses premières amours, cinquante ans après s’être tournée vers les caves coopératives toute proches de Carnas et Corconne.

Les « rescapés » – « on est les seuls de la famille à être restés dans le vin » – avaient soigneusement préparé le terrain. Sur un terroir aux sols arides et caillouteux, calcaires et argilo-calcaires ; et sous « un climat top pour le vin, notamment le blanc : chaud la journée et frais la nuit. » « Au début, on a fait du copier/coller de ce qui se faisait. Arracher, planter, arracher, planter. Bye-bye aramon, bonjour syrah, mourvèdre… », se souvient Gilles Palatan. Un encépagement calculé (3 500 à 4 500 pieds à l’ha) pour atteindre un rendement, érigé en véritable politique, de 30/35 hecto par ha aujourd’hui, « trois fois moins qu’avant ». Une véritable révolution pour une propriété qui se targuait d’avoir « le plus gros rendement du coin ». Un changement de cap radical et audacieux : perdre deux tiers de revenu potentiel pour gagner peut-être… ses lettres de noblesse.

L’insolent attend son heure

Parmi les 40 000 à 45 000 bouteilles annuelles (10 ha sur 20 sont vinifiés désormais sur place), dès 2001, les premières distinctions arrivent. A commencer par les cuvées rouge « Lombarde » et « Nicole », des fleurons salués par la critique et couronnés du label OC Collection décerné chaque année par une poignée de dégustateurs internationaux. Puis « Le blanc » (2006), « L’autre blanc » (2007) ou le petit dernier rosé « Poirier des Rougettes » (2011), véritable star dans le tiercé gagnant de notre précédant numéro.

Et tout ceci sous le label Vin de Pays d’Oc alors que ce sont les vignes en AOC Coteaux du Languedoc (près de 6 ha du vignoble) qui entrent dans ces cuvées. Un choix délibéré permettant des assemblages originaux : merlot et cabernet viennent encanailler les grenache, syrah et autres mourvèdre. Une voie à risque, hors du chemin bien tracé de l’appellation mais que Gilles Palatan défend bec et ongles : « On est extrêmement respectueux de ce qui est fait à Inter Oc. » Et notre homme ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Une cuvée rouge 100 % merlot haut de gamme (45 euros la bouteille), toujours « pour contrer l’opinion, relever l’IGP Pays d’Oc », attend son heure dans les barriques. Son nom ? « L’insolent ».

Des vins d’équipe

C’est le travail d’équipe, surtout, que le Gardois aime par dessus tout : « L’homme est important mais c’est une histoire collective. » Et il pointe les deux salariés à plein temps du domaine. Le Parisien Gilles Pelletier, « un homme formidable… et une histoire fantastique. Il travaillait à Corconne comme ferronnier. En 1985, il est venu me voir en me disant : « Mon rêve, c’est de faire du vin ». Aujourd’hui, c’est le N°1. » Il a gravi tous les échelons pour devenir le maître de culture du domaine. Et « le N°2 », l’enfant du pays, Gérald Serre. « Le petit-fils du métayer de la maison du domaine. Son oncle est né dans la ferme. » Il connait la propriété, terres et vignes, comme sa poche et il est en première ligne lors de la période des vendanges et des vinifications : « La plus dure, d’août à septembre, surtout pour les blanc et rosé. C’est un travail d’enfer, on n’est pas au lit avant 1 h du matin. C’est un métier très difficile, d’implication. »

Puis la création des assemblages, moment de plaisir avoué pour Gilles Palatan. « Pendant trois jours, on déguste et on note, on déguste et on note. La création, c’est extraordinaire. C’est l’école du doute. » A laquelle participe l’oenologue Fabrice Mobert, « il entérine nos choix ». Puis Mario Malafosse, un ami de la famille consultant en Espagne : « Il vient tous les ans. Avec lui, on est perfectionnistes. On déguste toutes les barriques. »

Du bio sans le dire

Chacun est à sa place, avec un rôle à jouer « pour continuer à vivre, faire le vin le meilleur possible et grandir petit à petit ». « On gagne, on investit », devise Gilles Palatan. Notamment dans l’agriculture biologique. « On a trois hectares en bio (syrah/merlot). Le reste est en agriculture raisonnée. Chaque année, on va augmenter. Sans pour autant l’afficher. L’étiquette, je m’en fous. J’aime les gens qui font du bio sans le dire. »

Et sans doute qu’il aime les gens tout court. Comment pourrait-il, sinon, connaître « tous les clients ». Caviste (dont quatre à Paris) ou restaurateur (une quinzaine sont étoilés au Guide Michelin), « chacun apporte quelque chose, il y a un vrai échange » se réjouit notre adepte de la critique. « Elle est extrêmement constructive. Le vin ne peut pas plaire à tout le monde. »

Les siens surfent pourtant sur la vague du succès. Gilles Palatan et sa troupe ont gagné leur pari. A force de passion pour leur métier, d’amour pour leur terroir, de volonté de réussir avec leurs idées, de talent aussi, forcément. Si aujourd’hui le vigneron respire la sérénité c’est aussi que le passage de témoin se profile. Lui qui a donné sa vie pour ses vignes sait sa fille prête à prendre le relais : « Elle aime ce domaine. Elle s’est mariée ici. » Ici, sur ces terres où « en dehors de la vigne, on ne peut rien faire » mais avec, que de belles choses !

Par Denis Fouqueray, photo Emmanuel Perrin.
Cet article est extrait du magazine « Terre de Vins » n°19 (septembre-octobre 2012)

Domaine d’Aigues Belles
30260 Brouzet-les-Quissac
06 76 48 74 65
www.aigues-belles.com