Accueil Le Syndicat des Cavistes Professionnels fait sa rentrée déconfinée

Le Syndicat des Cavistes Professionnels fait sa rentrée déconfinée

Ci-dessus : Aude Legrand, Patrick Jourdain et Cyril Coniglio.

Auteur

Yves
Tesson

Date

14.09.2020

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À l’occasion de l’assemblée générale du Syndicat des cavistes professionnels, accueillie cette année en Champagne au domaine Renaudin à Moussy*, Terre de Vins a rencontré Patrick Jourdain, son président, Aude Legrand, membre de la commission communication, Cyril Coniglio, membre du Conseil d’administration et Nathalie Viet, directrice.

Pour les cavistes, quel est le bilan du confinement et du déconfinement ?
Patrick Jourdain : Nous avons eu une clientèle nouvelle qui ne souhaitait pas aller en Grande Distribution par peur du monde et d’être contaminée. Elle s’est rabattue sur les commerces traditionnels. Cela a permis de gagner des clients qui se sont aperçus que les cavistes proposaient des vins de qualité qui n’étaient pas plus chers qu’ailleurs. Ces clients ont continué à venir après le déconfinement. On a vu aussi pendant le confinement une consommation accrue de bag-in-box, souvent plus haut de gamme et nous avons diversifié dans ce domaine nos références. Les gens buvaient plus facilement pendant le confinement. Beaucoup se sont dit : « Je ne conduis pas donc je peux boire un verre de vin ». Ensuite, il y a eu le moment où les restaurants pour rouvrir se sont mis à faire des menus à emporter, les gens voulaient accompagner ces bons repas de belles cuvées et nous avons fait office de sommeliers. Pour un repas à 35 euros, on ne va pas prendre un vin générique ! Il y a eu un report du budget consacré aux CHR. Les gens se sont mis à cuisiner à nouveau pour s’occuper, et donc à réfléchir sur les accords mets-vins. Ils étaient contents d’avoir des conseils. Il y avait aussi un rôle social très fort car beaucoup de personnes se sont retrouvées seules, elles étaient contentes de pouvoir parler à quelqu’un. Cela a changé la relation avec certains clients qui, quand ils venaient, passaient deux minutes et là restaient quinze minutes. Ils avaient besoin d’extérioriser tout ce qu’ils vivaient.
Aude Legrand : Les gens ont aussi souvent redécouvert leurs quartiers, comme ils avaient plus de temps libre, ils s’y sont beaucoup promenés. On avait souvent cette réflexion : cela fait longtemps que je passe devant chez vous et que je me dis qu’il faut que je vienne vous voir, mais je n’avais jamais pris le temps. On a vu enfin des migrations de clientèle. Il y a par exemple ceux qui avaient l’habitude de faire leurs achats à proximité de leur travail et comme le télétravail dure encore dans beaucoup d’entreprises, ils continuent à venir.
Cyril Coniglio : Pour beaucoup de cavistes, le confinement a été un moment où on a pu prendre le temps de créer notre site en ligne en s’appuyant sur des systèmes de click and collect. Cela permettait de réduire l’encombrement du magasin et les risques de contamination et comme nos horaires étaient parfois moins amples, de concentrer les ventes. Par ailleurs, on a été amené à réaliser beaucoup de livraisons et là-aussi, il y a eu beaucoup de lien social, avec des gens qui nous ont connu grâce à cela. Et puis les sites de vente en ligne, c’est une nouvelle vitrine où on voit plus vite les prix. Grâce à cela, on a pu convaincre de nombreuses personnes qui avaient des préjugés à ce niveau et qui craignaient de pousser notre porte.

Quel est le bilan actuel des ventes depuis le début de l’année ?
Patrick Jourdain : Le ressenti sur le niveau des ventes est hétérogène, mais globalement ce que l’on voit c’est que fin août, le chiffre d’affaires des cavistes était le même que l’année dernière, voire en progression. Évidemment, le résultat n’est pas le même pour un caviste qui est situé sur un centre d’affaires, à proximité d’un lieu fréquenté par les touristes étrangers comme le Château de Versailles, ou dans un quartier résidentiel. Dans les ventes, tous les vins n’ont pas fonctionné de la même manière. On n’a pas beaucoup vendu de champagne qui est un vin festif : il n’y avait plus de mariage, de baptême, même les examens, les étudiants n’ont pas organisé de fêtes pour célébrer leur réussite. En revanche, on en a vendu ponctuellement au moment du déconfinement avec un prix moyen de la bouteille plus élevé que d’habitude. Les gens se sont un peu lâchés sur le portefeuille à ce moment-là, y compris pour les autres vins. Il y avait ceux aussi qui n’étaient pas sortis de chez eux et qui avaient besoin de refaire le plein de leurs caves.
Nathalie Viet : Le champagne reste un produit essentiel pour les cavistes qui regrettent cependant la disparition des marges leur permettant de mettre en avant réellement ces produits au détriment d’autres catégories plus incitatives. C’est une des choses qui a été dite pendant l’assemblée générale.
Aude Legrand : Il y a aujourd’hui beaucoup d’incertitude. On est habitué comme chef d’entreprise à faire des prévisions sur plusieurs années, là, c’est sur une semaine.
Cyril Coniglio : En ce qui concerne par exemple les formations que certains cavistes proposent, on hésite à reprendre, on ne sait pas trop si on peut continuer à réunir des groupes.
Patrick Jourdain : Au mois de décembre, beaucoup d’entre nous réalisent 20 % de leur chiffre d’affaires, et c’est là que beaucoup de choses vont se jouer. Il y a notamment la question des cadeaux d’affaires qu’ont l’habitude de faire les entreprises. Enfin, si on nous remet un confinement le 15 décembre et que les gens ne peuvent pas célébrer Noël en famille, il y aura des conséquences lourdes.

Quel sentiment retenez-vous de cette assemblée générale ?
Aude Legrand :
Cela fait du bien de se voir ! Il y a une belle énergie qui est là, l’envie d’avancer et le constat d’une grande diversité au sein de ces cavistes. Il y a beaucoup de jeunes, c’est un métier qui attire, on a dans les formations beaucoup de reconversions professionnelles.

On constate depuis quelques années une place de plus en plus importante dans vos caves d’autres produits que le vin…
Patrick Jourdain :
De mémoire, en 2018, le vin, hors champagne, a représenté un peu moins de 50% de notre chiffre d’affaires. En réalité, les cavistes ont toujours vendu des spiritueux ce qui change vraiment ces dernières années c’est l’introduction des ventes de bière qui est liée au développement récent des brasseries artisanales et familiales. Pourquoi les clients viennent-ils nous voir pour les bières et les spiritueux ? Parce que nous sommes des spécialistes du goût et des dénicheurs de produits.

* Cette Assemblée Générale se tenait en marge des épreuves du Concours de Meilleur Caviste de France, accueilli par la maison Canard Duchêne. Les finalistes seront connus demain.