Les eaux-de-vie du Languedoc s’invitent à table

Les spiritueux ont toute leur place à table ! L’AOP Languedoc l’a prouvé en accordant les eaux-de-vie locales : fines, marcs et cartagènes lors d’un dîner gastronomique en sept temps à la Maison des Vins du Languedoc.

Avant de passer à table, petit point d’éclairage sur ces alcools du sud. La fine du Languedoc est une eau-de-vie de vin, obtenue par distillation de vins blancs issus du territoire. Élaborée dans un alambic, elle offre une belle pureté aromatique et une finale vive, avec ou sans vieillissement. Le marc, plus puissant, est issu de la distillation des peaux, pépins et rafles du raisin après pressurage. Il délivre des arômes intenses de fruits secs, d’épices ou de bois, selon son élevage. Quant à la cartagène, elle appartient à la famille des mistelles : un vin de liqueur traditionnel, élaboré à partir de moût de raisin muté avec une eau-de-vie. Souvent sucrée, parfois vieillie, elle évoque le miel, les fruits confits, ou même la fleur d’acacia. Traditionnellement cantonnés au digestif, ces spiritueux de terroir retrouvent aujourd’hui une place plus centrale dans l’univers gastronomique.

Un test grandeur nature à Lattes

C’est dans son fief du Mas de Saporta que l’AOP Languedoc a donné rendez-vous à une trentaine de convives pour tester ces accords sur table. Pour cette nouvelle édition des “Accords Inattendus”, l’appellation a fait appel au chef Jacques Mazerand, président des Chefs d’Oc et jeune retraité du restaurant éponyme. Le Languedoc dans l’assiette, les spiritueux dans le verre : sept séquences pour explorer tout un pan du patrimoine régional. « C’était une première pour moi, un pari à relever, plutôt complexe au niveau des équilibres car les eaux-de-vie ont tendance à prendre beaucoup de place en bouche, explique le chef. J’ai donc pris le parti d’aller chercher du répondant avec du gras dans les poissons, de l’acidité dans les condiments, des sauces et des fromages de caractère. Personnellement, j’ai pris un plaisir fou à mettre ces alcools en valeur et à travailler avec des produits locaux. »

Les accords en 6 étapes

Apéritif : cartagène blanche en cocktail
Twistée en cocktail, la cartagène blanche surprend par sa fraîcheur et sa rondeur. Elle accompagne une bouchée mêlant comté affiné et viande des Grisons. Un jeu sur le sucre-salé et l’umami, parfaitement équilibré.

Mise en bouche : fine du Languedoc
Croque au veau de l’Aveyron et du Ségala, croustillant et fondant à la fois, servi avec une fine de l’Union des Distilleries de la Méditerranée. L’alcool structure le plat sans l’écraser, en apportant tension et droiture.

Poisson : fine de Faugères
Duo iodé de maigre mariné et gravlax de saumon, relevé par une pâte de citron confit et de la poutargue râpée. La Fine de Faugères du Mas Olivier y répond avec panache : fruits secs, finale saline, bouche subtilement boisée.

Viande : XO de Saint-Chinian
Pressée de joue de bœuf, mille-feuille de pommes de terre fumées, pickles de moutarde… Un plat intense, souligné par un XO de la cave de Saint-Chinian à la bouche profonde, patinée, légèrement vanillée.

Fromage : marc et cartagène
Roquefort, noix, raisins, pour saluer les 100 ans de l’AOP. Le marc du Château Coujan joue la puissance ; la cartagène du domaine Virgile Joly adoucit l’ensemble de ses notes miellées et florales. Un duo qui matche.

Dessert : marc et cartagène, bis repetita
Entremet chocolat noir, crème brûlée à la cartagène, puis un café accompagné d’un baba “ivre” nappé de cartagène de Roquebrun. Un final espiègle et gourmand, sans fausse note.

Une filière à revaloriser

Au-delà du simple exercice de style, l’enjeu est bien réel : faire redécouvrir des produits délaissés, souvent méconnus, mais ancrés dans la culture viti-vinicole du Languedoc. « Ces accords inattendus sont l’occasion idéale de révéler l’incroyable richesse de notre région, au-delà du vin, souligne Stéphanie Daumas, directrice de l’AOP Languedoc. Les eaux-de-vie, la cartagène, la fine… tout un patrimoine trop souvent méconnu, qui mérite d’être remis à l’honneur dans l’univers gastronomique. »

La suite promet d’être toute aussi audacieuse : le prochain dîner “Accord Inattendu”, en juin, proposera un repas… à l’envers, avec le dessert en guise d’entrée. Quand on vous dit que le Languedoc n’a pas fini de surprendre…