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Les sarments, source d’énergie durable

Auteur

La
rédaction

Date

25.02.2013

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On connaissait le recyclage du sarment en compost pour la vigne. Au Château Poupille, propriété en bio en Castillon-Côtes-de-Bordeaux, il sert à chauffer toute la propriété. Une source d’énergie durable et un modèle à examiner de près.

Ramassés au cœur de l’hiver, les sarments tiennent la vedette lors des barbecues de l’été. Il n’y aurait pas meilleur combustible que ces rameaux de vigne pour faire griller l’entrecôte. Mais les sarments peuvent avoir d’autres usages. Dans la plupart des propriétés, ils finissent dans la broyeuse pour servir de compost – ce qui peut entraîner la diffusion dans le sol les maladies que portent parfois les sarments. En revanche, au château Poupille, une exploitation de 22 hectares en Castillon-Côtes-de-Bordeaux, on a trouvé un autre usage pour les sarments : le bois de chauffage.

Depuis quelques années, tous les locaux de Poupille, ainsi que la maison de son propriétaire, Philippe Carrille, sont chauffés grâce aux sarments de la propriété. « On a toujours brûlé les sarments à cause des maladies, explique Philippe Carrille. À l’inverse, aucune étude ne démontre que les maladies du bois sont détruites lorsqu’on enfouit les copeaux. C’est un gros souci pour Poupille, car nous sommes en bio. Comme le broyage des sarments ne garantit rien, j’ai préféré éviter. Mais ça m’embêtait de voir partir les calories du brûlage en fumée. C’est pour cela que j’ai étudié la possibilité d’un chauffage aux sarments. »

« Parfaitement utilisable »

Philippe Carrille estime qu’il n’a « rien inventé », mais il a tout de même mis en place le process : étude de faisabilité, calcul du pouvoir calorifique des sarments, analyse des fumées et des cendres, etc. Le projet a été transmis à la Chambre départementale d’agriculture, qui a donné son feu vert. « La Chambre a dit que le sarment est parfaitement utilisable pour le chauffage, il ne présente aucun caractère de dangerosité ». En 2007, Poupille a donc sauté le pas. Il a fallu inventer un peu pour récupérer les sarments, sachant que chaque hectare de vignes donne entre une et trois tonnes de rameaux. Lors de la récolte, les sarments sont ramassés par un roundballeur (1) d’où ils ressortent assemblés en balles. Il y a ensuite trois mois de séchage avant qu’ils ne soient utilisables. Une fois secs, ils sont broyés et stockés dans un silo relié à une chaudière. Les débuts ont été hésitants : « Je me levais la nuit parce qu’on avait froid ! C’était juste un problème de grille qu’il fallait calibrer. On a essuyé les plâtres. Maintenant, on maîtrise. Et on brûle de cette manière tous les résidus d’élagage. On ne brûle plus rien hors de la chaudière ».

« 22°C sans problème »

Au total, Château Poupille chauffe aux sarments deux chais, toute la cuverie et la maison. « On a 22 degrés sans problème, et l’eau chaude », affirme Philippe Carrille. Le propriétaire veut maintenant améliorer le rendement de sa chaudière, pour réduire de 50 % le volume des cendres. « On gagnera en chaleur et on perdra en déchets ». L’expérience de Poupille commence à se faire connaître. L’industriel verrier Saint-Gobain est venu au château voir les installations, pour chauffer éventuellement une usine avec des sarments. Le plâtrier Lafarge s’est renseigné lui aussi. « Si la Gironde utilisait les sarments qu’elle produit pour faire de l’énergie, cela représenterait une centrale électrique de forte capacité. » Philippe Carille est convaincu que « nous allons de plus en plus vers des choses comme celle-là, à la fois écologique et économique. D’ailleurs, nous ne sommes pas les seuls. Castel a aussi un système de chauffage aux sarments, Smith Haut Lafitte y travaille. Le sarment devient également un moyen de communication ». À se demander si le bon vieil usage pour la grillade ne va pas tomber en désuétude. « Rassurez-vous, on en garde toujours pour l’entrecôte, mais une toute petite quantité. »

Denis Lherm

(1) Machine qui fait des fagots de forme cylindrique.