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Marcus Coates, Ruinart au fil des jours et de la nature

© Marion Berrin

Auteur

Yves
Tesson

Date

12.03.2024

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Chaque année, la Maison Ruinart donne à un artiste "carte blanche" pour créer une œuvre inspirée de son univers. L’édition 2024 est un peu particulière, puisque ce n’est pas un artiste qui a été sollicité mais six, avec comme dénominateur commun leur passion pour la nature et leur soif de converser avec elle. Parmi eux Marcus Coates qui nous aide non plus seulement à comprendre la nature mais à entrer en relation avec elle.

Peut-on vous qualifier d’artiste ?
J’ai reçu une longue formation au Kent Institut of Art et à la Royal Academy Schools, avant de mener une carrière artistique à Londres, où j’avais également une galerie. Mais j’ai abandonné l’art pour me consacrer à la nature, une passion qui m’anime depuis l’enfance. J’ai toujours aimé observer les oiseaux, être dans les bois. Je voulais y revenir. J’ai quitté Londres pour la campagne, et je me suis immergé dans la nature, j’essayais de comprendre le problème auquel j’étais confronté lorsque j’essayais de l’appréhender. Je me suis aperçu que je n’avais aucune idée de ce qui nous reliait à elle. Certes, je suis capable de comprendre la nature d’un point de vue scientifique, ou de manière romantique à travers les poèmes et la littérature, mais qu’est réellement cet arbre par rapport à moi ? Comment est-ce que je me définis par rapport à lui ? De manière plus générale, comment est-ce que nous nous définissons en tant qu’humain dans notre relation à la nature ? Comment entrons-nous en relation avec elle ? 

Pour répondre à toutes ces questions, j’ai commencé à employer différentes techniques. L’une d’entre elles consistait à devenir moi-même la nature. J’ai donc mené des performances artistiques dans les bois où j’étais un renard, un oiseau… J'ai essayé d’adopter leur point de vue, leur manière d’être au monde, par exemple en me plaçant au ras du sol ou tout là-haut dans les arbres. L’idée était de comprendre quelle est l’expérience commune entre la manière dont ils voient le monde et la nôtre. Je voulais jeter un pont par-dessus ce fossé. Mon intention n’était pas de les comprendre totalement, ce qui est impossible, de même qu’il m’est impossible de vous comprendre totalement. Mais il m’est apparu que cette compréhension était possible jusqu’à un certain degré, même si c’était sur des toutes petites choses. Les chauvesouris sont radicalement différentes de nous et pourtant elles aussi perçoivent les écarts de température, respirent, ont des relations sexuelles… Cette nouvelle façon de construire des relations en se mettant à la place des autres êtres vivants me semble très importante du point de vue écologique. Elle nous amène à comprendre la planète d’une autre manière et par conséquent à prendre parfois de meilleures décisions dans la façon dont on la traite.

En quoi la démarche de la Maison Ruinart rejoint-elle votre propre approche ?
Ruinart voulait travailler cette année avec des artistes passionnés par la nature. Compte tenu de l’ancienneté de la collaboration de la Maison avec le monde des arts qui remonte à Mucha, j’ai été très honoré de son invitation. Ce qui m’a frappé en venant chez eux, en dehors du champagne, de la marque, du luxe, c’est la nécessité économique de préserver la biodiversité dont ils sont si conscients. Si on veut produire des raisins et du vin, la biodiversité est indispensable. Ils n’ont pas besoin d’elle pour sa seule beauté ou pour le seul bien-être qu’elle nous procure… Il faut investir dans la biodiversité parce que la vigne a besoin des chauvesouris qui mangent les insectes, parce qu’elle a besoin des champignons qui amènent de la vie dans les sols. Autour de chaque plant, c’est toute une communauté qui existe et qui le protège et le nourrit. C’est pour moi la leçon à laquelle nous sommes toujours confrontés, nous ne sommes pas seuls, au-delà de la communauté des hommes, nous appartenons à une communauté plus importante encore qui inclut d’autres êtres vivants, très nombreux, dont nous avons besoin pour continuer à exister sur cette planète…

© Alice Jacquemin
© Alice Jacquemin
© Alice Jacquemin
© Alice Jacquemin
© Alice Jacquemin
© Alice Jacquemin
© Alice Jacquemin
© Alice Jacquemin
© Alice Jacquemin
© Alice Jacquemin
© Alice Jacquemin

J’ai donc réalisé un travail sur le vignoble de Taissy pour mieux comprendre cette relation. J’étais fasciné par la colline de Montbré qui surplombe le domaine. Cet ancien fort entouré d’une forêt où les gens ne peuvent aller ressemble à un sanctuaire ! La fortification en pierre constitue un lieu incroyable d’habitat pour la faune, avec pas moins de 14 espèces de chauvesouris différentes qui hibernent là dans des conditions parfaites. Entre Montbré et le vignoble, il existe une interconnexion extraordinaire, le vignoble a besoin de Montbré ! Pour faire vivre cette relation, j'ai décidé de créer un calendrier, avec chaque jour la mention d’un événement important, comme le retour des hirondelles, ou le moment où le coucou arrête d’appeler son propre nom ! Nous avons inscrit ces observations sur 365 drapeaux qui seront hissés chaque jour au domaine. Pour mener à bien ce travail, je me suis appuyé à la fois sur l’inventaire de la biodiversité qu’a réalisé la maison sur cette zone de 2km2, mais aussi sur des discussions avec des experts locaux et sur mes propres observations lors de mes différentes visites, toujours à des saisons différentes. J’ai appris beaucoup de choses, par exemple que certaines araignées mangeaient tous les jours leur toile, pour la recycler et en récréer une nouvelle. Cela me renvoie à l’effort que nous devons faire chaque matin pour aller au travail, cet effort perpétuel pour la survie. Ce calendrier constitue un objet très simple, mais je pense que souvent ce sont les plus petites choses qui ont le plus de pouvoir sur l’imagination.

Marcus Coates a réalisé une édition limitée pour la Maison qui sera proposée au 4 rue des Crayères à Reims à la rentrée (sur réservation : 03 26 77 51 51) Limitée à 15 pièces signées, cette seconde peau éco-responsable est illustrée d'une courte phrase en hommage à la vie de la faune et de la flore et vient envelopper un magnum de Blanc de Blancs (prix recommandé 500€).