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Paris : les chaînes de cavistes ne connaissent pas la crise

Ci-dessus : une boutique du Repaire de Bacchus aménagée en période de confinement. (photos F. Hermine)

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

15.05.2020

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Nous avons demandé à trois chaînes de cavistes à Paris comment elles avaient vécu le confinement et comment avaient évolué leurs ventes pendant cette période. Interview croisée des Domaines qui Montent, de Repaire de Bacchus et de Nicolas.

Hugues le Marié, directeur général des Domaines qui Montent
« Dès le premier jour, nous avons pris la décision de rester ouvert pour la majorité des magasins avec gel et masques. Il s’agissait avant tout de ne pas abandonner nos clients d’autant plus que nous proposons vins et épicerie. Ceux qui ont voulu exercer leur droit de retrait ont touché le chômage partiel et nous avons compensé pour qu’il n’ait aucune perte de revenus et le personnel restant qui va toucher une prime a été réparti dans les différentes succursales. Nous avons ainsi récupéré des clients d’autres cavistes qui ont pu découvrir nos valeurs axées sur la découverte et le côté militant de la terre, et nous en avons gardé la plupart. Les premiers jours ont été un peu sportifs pour organiser le réapprovisionnement ; heureusement que nous avions un peu de stock dans notre entrepôt. Et nous avons accéléré l’offre digitale en travaillant avec UberEats et Deliveroo ».
« Le premier mois, nous avons constaté dans cette ambiance un peu morose des achats ‘pour se faire plaisir’, avec même des ventes de champagne-foie gras en fins de semaine et pour l’anecdote, nous avons vendu tout notre stock de moulis Chasse-spleen. Ensuite, avec une prise de conscience de la crise économique, le panier moyen a reculé avec des bouteilles plutôt à 10-12€ et des BIB, majoritairement rouges, notamment du Rhône et de Chinon. Les dernières jours avant le déconfinement, nous avons recommencé à vendre du champagne (nous étions ouverts le 1er et nous avons fait le chiffre d’une journée de Noël), surtout notre champagne maison (Chabrillan), mais aussi de jolies marques comme Drappier, Charles Heidsieck… La tendance des vins bios, même sans label, et HVE s’est renforcée. En revanche, nous n’avons pas vendu de spiritueux, sauf le gin pour le gin-to des zoom-apéros ».

Paolo Boucanova, directeur des achats de Repaire de Bacchus
« Face au discours alarmiste, nous avons préféré ne pas ouvrir ; nos cavistes ayant fait valoir leur droit de retrait dans un premier temps, ils ont été mis en chômage partiel. On s’est donné le temps de comprendre comment protéger au mieux nos cavistes et nos clients. Nous avons fait le tour de nos 40 magasins pour les mettre aux normes avant leur réouverture à horaires réduits avec parcours fléché intérieur-extérieur, gel hydroalcoolique, un client à la fois dans la boutique sans toucher les bouteilles, le TPE sous plastique, la caisse derrière un plexiglas pour les plus petits magasins ; au caviste, équipé de masques et de gants, de conseiller. Seule la boutique au 7e étage du Printemps Haussmann n’a pas encore eu l’autorisation de rouvrir. Nous avons pu alors apporter une bouffée d’oxygène aux clients et soutenir les vignerons ».
« Nous sommes d’habitude un gros vendeur de champagne mais il est associé à la fête et aux diners conviviaux donc les ventes se sont logiquement effondrées pendant le confinement. La météo clémente nous a permis de vendre beaucoup de rosés pour lesquels nous avons mis en place une opération solidaire du 21 avril au 31 mai (1€ reversé par bouteille à l’AP-HP de Paris). Nous avons déjà récupéré 5000 €, sans doute près du double d’ici fin mai. Le panier moyen a incontestablement baissé, plutôt à 10-12 € la bouteille puisqu’il y a moins d’achats cadeaux et nous avons vendu plus de BIB que d’habitude. Nos cavistes ont joué un rôle encore plus important de prescripteur, ce qui s’est traduit par une consommation plus diversifiée de 1600 références dès la première semaine, ce qui est énorme ».

Christopher Hermelin, directeur marketing de Nicolas
« Nous avons fermé les magasins en mars tout en payant les salaires normaux et les ventes par internet ont explosé dès le premier jour. Nous avons même multiplié le chiffre par dix en mars et avril, en particulier grâce aux livraisons à domicile et malgré un effet accordéon au début avec les transporteurs. Heureusement la centrale d’achat avait augmenté ses stocks dès le début du confinement. Nous avons développé le drive en parallèle qui n’était pas dans notre ADN mais qui a accéléré la réouverture de 300 magasins sur 500 début avril avec des mesures comme les caisses derrière des rideaux plastique, une distance d’1 m au sol et un client à la fois qui ne peut pas toucher les bouteilles. En fait un dispositif zéro contact. Nous en avons profité pour mettre en place des ventes à distance avec prise de commande et paiement par téléphone car nous nous sommes rendus compte que certains clients avaient toujours besoin d’un lien oral avec le caviste pour un conseil, une précision. Cette formule s’est révélée populaire pour les clients qui ne sont pas encore très familiers avec les nouvelles technologies ou qui ont besoin d’une relation directe. Une fois la commande passée, un lien est renvoyé au client pour valider l’achat et les bouteilles sont à retirer dans les points de vente ».
« Avec un effet de stockage dans un premier temps, nous avons vendu d’abord des BIB, surtout de 5 l. et en particulier rosé avec les premiers beaux jours. Ça s’est un peu tassé ensuite et nous avons récupéré des achats plus hédonistes – Nous sommes même revenus sur les champagnes, en particulier avec des ventes flashs, et sur des marques de référence qui rassurent, en fait des réapprovisionnement de bouteilles que les clients achètent habituellement. Nous avons égale-ment constaté la confirmation et même une accélération d’une tendance lourde, celle des vins nature et engagés en développement durable ». »