Jeudi 1er Mai 2025
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01.05.2025
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Entre le monde de la parfumerie et celui de l’œnologie, pourtant proches, il existe peu de passerelles. Un homme, Richard Pfister a choisi de consacrer sa carrière à lier les deux univers. Œnologue de l’université de Changins en Suisse et parfumeur, il collabore avec de nombreux vignobles français et étrangers. Dans cet entretien, il nous fait part de son point de vue, à la fois sensible et scientifique.
Fils de vigneron, j’ai obtenu mon diplôme à l’université de Changins en Suisse. J’ai eu la grande chance de pouvoir faire ma thèse d’ingénieur Œnologue sur la relation entre l’œnologie et la parfumerie, afin de mettre au point une classification des arômes du vin.
Puis je suis parti en Espagne dans une cave réputée de production de Cava, Gramona, avant d’être contacté par un grand parfumeur de luxe que j’avais croisé pendant ma thèse pour travailler chez lui.
J’y suis resté pendant 7 ans, j’ai beaucoup appris, flairé, et j’ai collaboré sur la création de grands parfums.
Pourtant la relation avec la nature et le vin me manquait. En parfumerie, on reste principalement dans un laboratoire. Je me suis dit qu’il serait intéressant de mettre en place des formations afin d’augmenter la précision de la dégustation avec ma méthode inspirée de la parfumerie. Puis, petit à petit, j’ai fait du consulting orienté vers les molécules aromatiques.
Ce n’est pas aussi simple, mais c'est une problématique qui est vraiment importante aujourd'hui notamment à cause du dérèglement climatique. Il y a tout un aspect viticole que l’on peut travailler et qui est vraiment intéressant pour essayer de conserver les molécules qui apportent la fraîcheur, que ce soit des molécules épicées ou des thiols, des terpènes.
Pour favoriser les thiols, (arômes de pamplemousse, fruit de la passion, cassis) on maintient à la vigne une surface foliaire verticale sans excès, en évitant l’effeuillage. En cuverie, on sélectionne une souche de levure qui révèle les thiols et on s’assure de la nutrition azotée pendant la fermentation.
À la vendange, le choix de la maturité des raisins est primordial. On cherche alors des raisins sans maturité excessive.
Les terpènes sont des composés organiques synthétisés par la vigne dont les arômes sont floraux : rose, géranium, citronnelle. Les sols calcaires, les pratiques culturales de la vigne favorisent leur expression.
L'association des techniques de la parfumerie à l'œnologie ouvre ainsi de nouvelles perspectives. Elle permet non seulement de mieux comprendre les vins actuels, mais aussi d'anticiper leur évolution dans un contexte climatique changeant. Cette approche scientifique, loin de désenchanter le vin, enrichit notre capacité à l'apprécier et à le préserver pour les générations futures.
Oui, dans environ une quinzaine de pays, principalement en Europe et en France (Champagne, Côtes du Rhône, Bordelais, Jura, Bourgogne, etc.).
Je travaille aussi beaucoup avec les tonneliers pour bien définir le choix du chêne et surtout de la chauffe du fût afin d’être certain de l’influence qu’aura le bois sur le vin.
Oui, c’est je pense le sujet sur lequel il va falloir davantage travailler pour garder une complexité, de la fraîcheur aromatique et éviter les déviations potentielles dues à des pertes d’acidité des raisins.
J’ai écrit un livre « Les parfums du vin, sentir et comprendre le vin ». L’objectif est de décrire plus de 150 arômes représentant le spectre olfactif du vin.
Je consacre aussi beaucoup de temps à une startup que j’ai créé Proxipel : une unité mobile de production de pellets de chauffage à partir de biomasses, comme des sarments de vignes !
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