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La Jurade de Saint-Émilion à la conquête de la Chine

Auteur

AFP

Date

28.05.2018

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Toges rouges et blanches, chapeau et ambiance Moyen-Âge : la jurade de Saint-Emilion, confrérie de promotion des vins du célèbre village du Bordelais, a ripaillé ce week-end au « Nid d’oiseau » de Pékin, le stade des JO 2008, avec l’ambition de promouvoir ses crus en Chine.

« Qui sont ces gens ? Des membres d’une Église chrétienne? », s’interrogent des passants chinois devant la cérémonie des membres de l’organisation bachique française, dont les tenues peuvent faire penser à celles de prélats catholiques.

Depuis 70 ans, la jurade intronise des personnalités chargées de promouvoir les vins de Saint-Emilion. Sa création remonte à 1199, lorsque l’Aquitaine était sous domination anglaise : elle réunissait alors des notables (« jurats ») de la commune, à qui Jean Sans Terre, roi d’Angleterre, avait concédé une certaine indépendance.

Parmi les membres connus de la confrérie figurent des comédiens (Dany Boon, José Garcia, Julie Gayet), des chanteurs (Sting), des ex-sportifs (Eric Cantona) ou encore des hommes politiques (Vladimir Poutine, François Baroin, Albert II de Monaco).

Des Chinois ont également rejoint l’organisation ces dernières années. Dont l’une des actrices les plus populaires du pays : Zhao Wei (Vicky Zhao), intronisée membre en 2012 et propriétaire du château Monlot à Saint-Emilion.

Télé et kickboxing

« Le but, c’est que dans leurs repas d’amis, dans leurs fêtes qu’ils font chez eux, les membres mettent à l’honneur nos vins », explique Jean-François Galhaud, président du Conseil des vins de Saint-Emilion, en enfilant sa robe rouge et son petit chapeau.

A côté du monumental stade olympique, il intronise lors d’une cérémonie solennelle une dizaine de nouveaux membres chinois – dont Zhang Guoli, un acteur très connu en Chine. Avant de faire servir à 300 personnalités locales du monde de la culture, du sport et des affaires un dîner arrosé de plusieurs crus de Saint-Emilion.

« J’ai rejoint la jurade car la France est un pays séduisant et que j’adore boire du vin », explique tout juste intronisée Yuan Zidan, scénariste du feuilleton télévisé à succès « Ode to Joy » – le « Sex and the City chinois ».

« Je vais parler des vins de Saint-Emilion à mes amis, dont beaucoup sont des sportifs connus. S’ils en boivent lors de fêtes, beaucoup de gens de notre milieu en boiront », assure Yan Dinan, ex-champion du monde de kickboxing, en recevant sa cape de membre.

La jurade s’est implantée à Pékin avec une « chancellerie » en 2014, dans l’espoir de relancer ses ventes. Une initiative payante : le volume de Saint-Emilion exportés en Chine a bondi de 52% sur un an en 2017, à 22,5 millions de litres.

« Fabuleux »

« Pour les Bordeaux, la Chine est devenue le marché numéro un. C’est un potentiel de consommation fabuleux », note Jean-François Galhaud. Les Chinois ont bu 1,46 milliard de litres de vin l’an passé – soit environ un par habitant. Actuellement 5e consommateur mondial, derrière les Etats-Unis, la France, l’Italie et l’Allemagne, le pays asiatique sera au 2e rang en 2021, selon Vinexpo, organisateur de salons internationaux.

« Au début, seule une élite fortunée achetait du vin. Auquel elle ne connaissait pas grand-chose. Elle achetait le pouvoir de l’étiquette, comme d’onéreuses bouteilles de Lafite-Rothschild par exemple. Ça s’est arrêté brutalement après l’arrivée aux affaires de Xi Jinping » en 2013, souligne M. Galhaud, en référence à la campagne anti-corruption lancée par le président chinois. Les ventes de vins, perçus comme des produits de luxe trop ostentatoires, en avaient pâti.

« Mais ça a ouvert la voie. Depuis, un nombre croissant de Chinois rejoignent la classe moyenne et beaucoup commencent à vraiment s’intéresser au vin. »

En quelques années, une centaine de domaines du Bordelais (sur environ 10.000) sont ainsi passés sous pavillon chinois.