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L’Entre-deux-mers, nouvel Empire du Milieu ?

Auteur

La
rédaction

Date

20.02.2012

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Jinshan Zhang, homme d’affaire chinois à la tête du groupe Ningxiahong, vient de faire l’acquisition du Château du Grand Mouëys, à 30 kilomètres de Bordeaux. Avec une double ambition : faire de cette propriété de l’Entre-deux-mers un modèle d’accueil oenotouristique. Et surtout, y produire de grands vins.

En arrivant au Château du Grand Mouëys, on devine aisément ce qui a pu séduire un investisseur chinois en quête de prestige bordelais : une superbe propriété de 170 hectares, dans le décor somptueux de l’Entre-deux-Mers à une trentaine de kilomètres de la capitale girondine, un imposant château du XIXème siècle construit dans un style néo-gothique, et surtout un énorme potentiel… Les 59 hectares de vignes produisent (en AOC Côtes de Bordeaux) du vin rouge, du vin blanc et du clairet, avec une production maximale pouvant atteindre les 350 000 bouteilles par an.

Le nouveau propriétaire de cette « belle endormie » de l’Entre-deux-mers se nomme Jinshan Zhang. Cet homme d’affaires chinois de 48 ans est le président fondateur du groupe Ningxiahong, une entreprise leader dans la production d’alcool de gouqi (un petit fruit rouge très populaire). Outre les alcools et spiritueux, ses activités s’étendent à l’immobilier, l’imprimerie, la restauration, le tourisme… A l’instar de nombreux entrepreneurs chinois qui s’intéressent de très près à l’univers du vin, M. Zhang a ciblé une propriété capable de répondre à ses hautes ambitions : après une recherche de longue haleine qui l’a amené à visiter une quarantaine de domaines, il est finalement tombé sous le charme du Grand Mouëys.

Tourisme haut de gamme et grands vins

Le Château du Grand Mouëys a de lointaines origines (le domaine prospérait déjà au XVIIème siècle), mais ce n’est qu’à partir des années 1930 que son vignoble s’est vraiment développé. Depuis 1989, il appartient à la famille Bömers, des négociants allemands. A 72 ans, faute de repreneurs dans sa famille, Mickaël Bömers s’est laissé convaincre par l’approche de Jinshan Zhang : c’est « la mort dans l’âme, mais confiant dans l’avenir du Grand Mouëys », qu’il a passé la main au nouveau propriétaire… après des négociations qui ont manifestement été serrées : « Monsieur Zhang fait une bonne affaire, mais je n’en fais pas une mauvaise », souligne Mickaël Bömers dans un sourire… Manifestement très bien entouré, d’une équipe jeune et dynamique dont certains membres parlent un français irréprochable, Jinshan Zhang n’est pas arrivé en Gironde « la fleur au fusil », mais avec une idée très précise de ce qu’il compte faire.

Ses projets pour le Château du Grand Mouëys incluent en premier lieu le développement d’un complexe oenotouristique haut de gamme, destiné en priorité aux visiteurs chinois : huit chambres de luxe vont être aménagées dans le château, et des extensions vont être construites pour accueillir un spa et un restaurant gastronomique associant cuisine asiatique et vins français. Une grande importance sera donnée à l’initiation à la dégustation. A plus long terme, un parcours de golf est également prévu… Les travaux devraient débuter en septembre prochain pour accueillir les premiers touristes à l’été 2013. Monsieur Zhang espère voir passer au moins 10 000 touristes par an au Château du Grand Mouëys.

Outre ce volet touristique, le nouveau propriétaire entend surtout déployer de gros moyens pour améliorer la qualité des vins. Le célèbre œnologue Stéphane Derenoncourt a déjà été sollicité pour apporter ses conseils pour les millésimes à venir. Et, dans les prochaines semaines, un nouveau gérant devrait faire son arrivée au domaine, après avoir fait ses preuves à la tête d’un Grand Cru Classé… Des vignes aux chais, des transformations en profondeur sont donc à attendre, avec l’objectif non dissimulé de produire un futur « grand cru des Côtes de Bordeaux ». En priorité à destination du public chinois : une très forte proportion de la future production est d’ores et déjà destinée à l’export. Avec 300 000 points de vente existants en Chine, et une diffusion prévue en restauration comme dans la grande distribution, Jinshan Zhang dispose du réseau commercial pour tirer son épingle du jeu sur un marché de plus en plus concurrentiel. Il prévoit par ailleurs de créer une société de négoce pour exporter du vin français en Chine, à raison d’un million de bouteilles par an. Avec à de tels prétendants, l’histoire d’amour entre l’Empire du Milieu et le vin français semble plus que jamais partie pour durer…

Mathieu Doumenge