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[Sommeliers Dating] Les étoiles changent aussi la vie des sommeliers

Thomas Lorival (photos Michaël Boudot)

Auteur

Jean
Bernard

Date

20.05.2019

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Quand les chefs de cuisine tutoient les sommets, les conséquences positives se font sentir à tous les niveaux du restaurant. Thomas Lorival (Le clos des sens) et Romain Ambrosi (Restaurant Christophe Bacquié), hôtes de Terre de vin à l’occasion de la quatrième édition de Sommeliers Dating à Paris, témoignent de cette réalité vécue entre cave et salle…

Il y a quatre mois, Laurent Petit, chef du restaurant Le clos des sens à Annecy-le-vieux, était consacré trois étoiles par Michelin. Une reconnaissance qui empêche de s’endormir sur ses lauriers et bouscule le quotidien d’un restaurant. Enfin pas tout de suite comme en témoigne Thomas Lorival, son chef sommelier. « L’évolution a été assez progressive en termes de clientèle et de vente de vin. C’est seulement depuis début avril que l’on ressent cette évolution avec l’arrivée de personnes qui avaient réservé dès la sortie du Michelin. On découvre des épicuriens qui arrivent parfois de très loin pour découvrir un nouveau trois étoiles. Entre deux avions, un couple est spécialement venu de Hong-Kong et quelques jours plus tard, un monsieur a fait la même chose depuis Singapour… » Des gens qui connaissent la cuisine, apprécient le vin et dont les choix font grimper le ticket moyen.

Solliciter les vignerons sans faire grimper les prix

Thomas Lorival n’a pas attendu ce phénomène pour demander à certains vignerons d’augmenter leur allocation de bouteilles et l’attribution de quelques flacons de millésimes anciens. Liger-Belair ou Chave, par exemple, ont aussitôt joué le jeu. « Cela nous permet de ne pas toucher à des millésimes en cours de vieillissement dans nos caves. On conserve ainsi le prestige de notre carte tout en allant dans le sens des vignerons qui ne veulent pas voir leurs bouteilles partir à des prix abusifs. On respecte leur travail en proposant des vins à des prix raisonnables à des gens qui ont conscience de la valeur de ceux qu’ils choisissent. »

En poste depuis presque trois ans en Savoie, le sommelier a choisi de ne pas faire étalage de toute l’offre sur une carte qui offre entre 1000 et 1200 références en fonction de la saison. « Je préfère préserver les Bourgogne 2009 qui peuvent encore attendre et promouvoir ceux de 2008 qui sont au niveau aujourd’hui alors qu’on considérait cela comme un petit millésime. » Il ménage aussi ses clients qui ont un budget vin limité.

À 50 €, on peut trouver son bonheur

« Les premières bouteilles sont proposées à 50 € et on peut voyager dans le Jura, la Loire ou les Côtes du Rhône. J’ai deux supports de carte que je présente à la clientèle. Un de 250 références qui met en avant les vins de l’arc alpin (alpes françaises, suisses, italiennes et autrichiennes) et qui permet de faire un clin d’œil à la cuisine du chef qui se veut locavore. La deuxième carte présente les autres vignobles français et européens, elle aussi à travers des vignerons emblématiques de chaque région, mais également de jeunes vignerons représentant de manière dynamique la nouvelle génération. »

Mais certains nouveaux clients ne s’éparpillent pas à feuilleter, ils savent ce qu’ils veulent au point de choisir leurs vins sans avoir la certitude qu’ils se marieront bien avec les plats du menu surprise. « Les autres, plus nombreux, sont à l’écoute de nos conseils et acceptent de plus en plus l’esprit de découverte proposé dans non accords mets-vins qui vont de 65 € (quatre vins) à 105 € (sept vins)… » C’est cette voie qu’a suivie le fameux client singapourien…

Bourgogne, Bordeaux et la Provence bien entendu

Romain Ambrosi a un peu plus de recul face au phénomène trois étoiles. Sur le plateau du Castellet, dans le Var, le chef Christophe Bacquié a été mis à l’honneur en 2018. « Très vite on a senti une hausse des commandes de grands crus de Bourgogne et de Bordeaux avec l’arrivée d’une clientèle européenne souvent très pointue dans ses choix. Cette montée en gamme, je l’avais pressentie et je m’étais adapté en termes de références comme de qualité des vins. Ce qui ne m’empêche pas de rester fidèle aux vignerons régionaux et en particulier à ceux de Bandol. Ils m’ont notamment permis de présenter des millésimes aboutis et même de proposer de jolies verticales. »
Le chef sommelier en poste depuis onze ans au sein de l’Hôtel du Castellet a dû également trouver des solutions pour satisfaire des demandes particulières. « Il arrive désormais qu’au moment de la réservation, des clients qui connaissent la restauration de prestige demandent un vin ou un millésime spécifique que je n’ai pas forcément en cave. En 48 h maximum, je dois trouver la solution pour répondre à ces attentes. »


Romain Ambrosi

Mais comme son collègue du Clos des sens, Romain Ambrosi s’efforce aussi de proposer des vins dont les prix ne doivent pas constituer une barrière. Et dans le cadre exceptionnel de l’établissement varois, 90 € permettent d’apprécier un Sancerre, un Quincy, Saint-Romain ou encore un Pouilly-Fuissé au cours du repas. « Et si on veut rester local, on appréciera le Bandol du domaine Roche Redonne, la cuvée Les Bartavelles 2006. » Un vin présenté sur carte à 95 €.
Et Sommeliers Dating doit notamment permettre à ces deux responsables de caves trois étoiles de trouver des vins originaux car surprendre n’est pas que l’apanage du chef de cuisine.


Terre de vins remercie ses partenaires Somm’It et France Boissons.