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Comment Basile Tesseron veut rebooster le négoce bordelais

Basile Tesseron et Bérangère Tesseron

Bérangère et Basile Tesseron. ©Claude Clin

Auteur

Jean-Charles
Chapuzet

Date

30.10.2025

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Basile Tesseron entend replacer Bordeaux au cœur des marchés par l’union de trois maisons de négoce. L’ancien co-propriétaire et co-directeur du château Lafon-Rochet, qui vient de racheter la Vintage Company, nous explique le pourquoi de cette conversion et le comment de sa stratégie. 

Après la direction du Château Lafon-Rochet que vous avez vendu en 2021, pourquoi vous êtes-vous orienté vers le monde du négoce ? 

Dès mon départ de Lafon-Rochet, je suis allé au château Larrivaux de mon épouse Bérangère et j’ai repris les parts de sa famille. On a investi de manière conséquente dans l’œnotourisme de ce Haut-Médoc basé à Cissac ainsi que dans le vignoble et les chais. La suite logique était de distribuer les vins directement ainsi que ceux de nombreux amis vignerons. Voilà comment je suis devenu négociant. 

Vous rachetez la Vintage Company et sa filiale Domaines Select, quelles sont ces structures ? 

La Vintage Company est une structure classique du négoce bordelais, par l’achat de bouteilles, de stockage et de revente. Lors de l’acquisition, la boîte commercialisait 300 000 bouteilles par an. Et la crise est arrivée. Concernant la filiale Domaines Select, c’est une société qui fut créée par Jean-Christophe Meyrou, spécialisée dans des crus confidentiels avec des allocations bien spécifiques, des grands vins de l’Europe qui sont distribués dans le réseau CHR en France et des réseaux bien particuliers dans le monde. 

Au passage, vous rebaptisez La Vintage Company du nom de BéBa... 

Oui, c’est la contraction de Bérangère et de Basile, pour être honnête, nous avons cherché pas mal de noms et finalement, nous voulions un nom qui se différencie des autres maisons de négoce, et « béba » veut dire « je bois » en espagnol. Pour nous, ça résonne, c’est raccord avec notre différentiation du négoce traditionnel. 

Ensuite, vous faites l’acquisition de Signature Selections, quelle est la spécialité de cette entreprise ? 

On pourrait penser que c’est du négoce traditionnel, car c’est une maison qui existe depuis longtemps sur la Place, mais son créateur Jeffrey Davies a d’emblée travaillé la GD et aussi la distribution de vins américains. Signature Selections est restée une petite maison par la volonté de son créateur, une maison à taille humaine pour faire du négoce confidentiel. 

Enfin, pourquoi unir ses trois maisons ? 

Dans un contexte qui est aujourd’hui extrêmement compliqué, mutualiser les coûts de stockage, de comptabilité, frais d’avocats, etc., est une bonne chose. L’union fait la force, tout est regroupé au Bouscat, rue Émile Zola. Un seul lieu pour trois maisons. En tant que producteur, ça me permet aussi de mettre les vins de Larrivaux sur différents marchés pour ne jamais dépendre d’un seul marché, cette diversification marchait bien pour Lafon-Rochet. J’apprends de mes erreurs, mais aussi des réussites. 

Qu’apportez-vous de nouveau sur la Place ? 

Bonne question… On ne révolutionne pas la Place de Bordeaux. En fait, on reprend notre métier, longtemps le négoce s’est reposé en envoyant des échantillons, nous, nous voyageons à nouveau, on remet tout le monde sur la route, à l’ancienne, on va développer nos marchés de niche, développer des marques spécifiques, faire des partenariats forts et trouver des pépites dans le Bordelais, beaucoup restent encore inconnues.  

Quelle sera la part donnée aux vins non bordelais ?

Elle est de 10 % et restera autour de ce chiffre. Honnêtement, nos distributeurs nous demandent un petit Loire, un petit Chablis, etc., mais nous leur répondons que notre matière première est Bordeaux et qu’il y a de très belles choses, et de toutes les couleurs. Il y a pléthore de choix à Bordeaux. Je vois des copains souffrir, et je me dis que ce n’est pas possible que nous continuions à creuser notre propre tombe. 

Vous insistez sur la notion d’équipe avec notamment Jérôme Ducasse et Karim Nasser…

Oui, les deux ont des parts. Jérôme Ducasse est directeur général de Béba et de Domaines Select. Originaire de Bordeaux, Jérôme a grandi à Saint-Julien avec sa famille au sein de la propriété dirigée par son père. Passionné depuis son plus jeune âge par le monde du vin, il a débuté sa carrière en Corse en 2006, avant de s’investir dans des propriétés bordelaises (2007-2012) et d’acquérir une solide expérience dans le négoce à partir de 2013. Karim Nasser est directeur général de Signature Sélections. Belge d’origine orientale, Karim Nasser débute sa carrière dans l’hôtellerie étoilée, où il forge son sens du service et du détail. Animé par sa passion pour le vin, il rejoint ensuite les grandes propriétés bordelaises, dont il découvre les coulisses entre 2001 et 2018. En 2019, il devient directeur associé de Signature Sélections, qu’il contribue à structurer et développer avant d’en prendre la direction générale en 2025, à la suite de mon rachat. Ensemble, Jérôme et Karim pilotent une équipe soudée de 14 collaborateurs, déterminés à écrire une nouvelle page de l’histoire bordelaise, plaçant la coopération et la créativité au cœur du modèle du négoce de demain.

Comment voyez-vous le marché des vins de Bordeaux dans les années à venir ? 

Je lisais encore un article ce matin comme quoi la consommation de vin rouge continue de baisser, que celle du blanc stagne et la consommation de rosé a explosé. Pour Bordeaux, la perte de marchés est énorme, on le sait. Donc, on va avoir une concentration des acteurs mais j’ai pourtant une confiance énorme en la région de Bordeaux, on a plein de personnes, des producteurs aux vendeurs, qui sont extrêmement motivées, d’autres ne le sont plus, celles-là arrêteront, et je vois autour de moi des jeunes qui se passionnent pour le vin, certes moins fidèles aux marques que nous, ils veulent de la diversité et des produits qui sortent de l’ordinaire, c’est à nous de leur proposer ça.