Mont-Redon, la tentation d’autres fleurons

Parmi les emblèmes de l’appellation Châteauneuf-du-pape figure le château Mont-Redon qui se déploie désormais sur Cairanne, Lirac et Vacqueyras. Plus que l’expansion territoriale, ce qui motive Pierre Fabre à la tête du domaine, c’est de révéler des terroirs.

La meilleure façon de découvrir Mont-Redon est de se hisser au sommet du château d’eau. Sur 360 degrés, on contemple les 180 hectares dont 110 du vignoble qui fait la réputation du domaine créé en 1923 par Henri Plantin, arrière-grand-père de Pierre Fabre. L’homme visionnaire achète des bois pour planter de la vigne avec la volonté que la propriété soit d’un seul tenant. Quant à la quatrième génération, elle ne défriche plus, elle s’attarde sur la vinification. « Nous avons 60 hectares sur le plateau, l’âme de Mont-Redon. En descendant il y a encore quelques galets et puis vers l’ouest les sables pour remonter vers des calcaires urgoniens. Soit trois des quatre types de sols de l’AOC. L’idée de ce que j’appelle le grand vin de château Mont-Redon c’est le meilleur des trois terroirs à chaque millésime. La marque de fabrique de ce terroir, c’est le goûter sucré-salé. Il y a le côté enveloppant de l’alcool qui donne une sensation sucrée à l’attaque mais après, en finale, il y a la salinité _je n’aime pas le mot « minéralité ». Les grandes années, on isole un ou deux blocs uniquement de galets et on fait la cuvée Le Plateau, élevée beaucoup plus longtemps. Aujourd’hui, nous commercialisons les 2017 », explique Pierre Fabre.

Explorations et coups de coeur

Après les acquisitions en 1997 de terres sur le plateau de Cantegrille à Lirac dans le Gard, le passionné de vins s’aventure à explorer d’autres terroirs et faire de nouvelles expériences. « Avec un seul critère que cela soit un terroir d’exception en Rhône sud. Un jour il y a eu l’opportunité de l’Oratoire Saint-Martin. J’étais convaincu, car c’était mon vin de table du dimanche, un de mes top 10 de la Vallée du Rhône. Le coteau de Saint-Martin est un des meilleurs de Cairanne pour moi. Les frères Alary sont des passionnés et des pionniers de la biodynamie ». Affaire conclue en 2020. Deux ans plus tard, le bouche à oreille le conduit au domaine du Joncier à Lirac où Marine Roussel cesse son activité. L’acquisition est validée. 2024 voit arriver une autre opportunité, par le biais des frères Alary. La famille Chudzikiewicz du domaine des Amouriers (Sarrians) souhaite passer le relais et choisit la famille Abeille-Fabre comme favori. Pierre Fabre a un coup de foudre pour ce terroir de garrigues. Voici le Vacqueyras dans l’escarcelle.

Le terroir parle, l’élevage lui répond

Nulle recherche d’expansion et d’unification dans le cheminement du vigneron. « Chaque terroir parle, on ne va par « montredoniser » l’Oratoire et les Amouriers. Le seul point commun entre tous les vins et que l’on veut rester dans la finesse et l’élégance. Les process sont totalement différents. Mont-Redon rouge c’est 100 % pigeage. L’Oratoire c’est de la mise sous clé, on piège les raisins sous des planches pendant la fermentation et les remontages permettent de donner de l’oxygène aux levures. On fait du thé. Au Joncier, il n’y a que des remontages. Pareil pour les élevages : Mont-Redon c’est du bois récent, le Joncier ce n’est que de la cuve et l’Oratoire des bois vieux », détaille Pierre Fabre. L’homme est à l’écoute et s’enrichit des différentes expériences. « Pour les foudres de 22 et 34 hl utilisés à L’Oratoire, on a réintroduit les mêmes à Mont-Redon, ça marche bien. Pareil pour les cuves des Jonciers, on fait la même chose aux Amouriers, ça garde la puissance brute et sauvage du Vacqueyras. »

L’amateur de vins assure ne pas avoir de velléité à poursuivre ses conquêtes terriennes. Pour l’instant...

Terre de Vins a aimé

La finesse et l’élégance recherchées par Pierre Fabre, n’est ni un leurre, ni une utopie. Tous les vins dégustés ont cette fibre. À chaque appellation sa typicité, à chaque cuvée son identité et son toucher de bouche.

Les blancs

L’Oratoire Saint-Martin Réserve des Seigneurs Cairanne 2024- 18€ Demeter
La finesse des fruits blancs et des fleurs blanches insuffle la rondeur. L’attaque est tonique, saline, puis fenouil et amers offrent une très longue plénitude.

Domaine des Amouriers Vacqueyras 2024 – 25€ AB
Un vin solaire, où les genêts en fleur se teintent de rayons de miel. La clairette apporte la fraîcheur, grenache et roussanne la matière, dans un volume boisé.

Châteauneuf-du-pape Mont-Redon 2024 – 40,50€
Une ouverture discrète sur les fruits jaunes, la pêche et l’abricot. Le marqueur salin donne la verticalité sans masquer les jolis fruits.

Châteauneuf-du-pape Mont-Redon Le Plateau 2023 – NC
Des agrumes citronnés, du miel, de l’acacia, des fleurs embaumantes. Les premières notes légères d’oxydation de l’attaque se mêlent au fin boisé, puis se juxtaposent au zeste et à l’amertume. Un travail d’équilibriste.

Les rouges

L’Oratoire Saint-Martin Haut-Coustias Cairanne 2020 - 29,50€ Demeter
Richesse et maturité des fruits noirs avec du cassis bien mûre qui compotent. Bien enveloppée de notes tertiaires, la friandise est en bouche.

Domaine des Amouriers Vacqueyras 2024 – 23,50€ AB
Des petits fruits acidulés, de la mûre au nez. Tout en concentration, les tanins sont encore saillants mais la finale de rose ancienne lui donne beaucoup de charme.

Domaine du Joncier - Lirac 2022 – 21,00€ - Demeter
Sauvage, poivré, épicé, il évolue vers le pruneau dans une bouche de groseille écrasée généreuse.

Châteauneuf-du-pape Mont-Redon 2022 – 51,50€
Les fruits noirs sont patinés, la bouche est ample avec une touche de sucrosité et de profonds tanins qui donnent de l’ampleur. Le temps fera son œuvre.

Châteauneuf-du-pape Mont-Redon 2010 – NC
Un des millésimes du siècle selon Pierre Fabre. De la tonicité dans une robe de velours. Une concentration exceptionnelle enrobée de soie chatoyante.