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A lire : histoire, mémoire et saveurs de Lynch-Bages

Auteur

La
rédaction

Date

05.09.2013

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Une famille, une terre, un art de vivre et un chef : « Lynch-Bages & Cie » est le livre du proprement humain. Jean-Michel Cazes raconte le Médoc et le vin, Jean-Luc Rocha signe les recettes.

« Une image me vient souvent à l’esprit quand je songe à tous ces itinéraires convergents. Tous, nous nous sommes un jour lancés loin de notre base, Pauillac, petite ville médocaine. Mais je sens qu’un lien élastique invisible nous retient d’abord, et nous ramène toujours, ensuite, à notre point de départ. Peut-être avec d’autant plus de force que nous sommes partis plus loin… »

Volontairement, Jean-Michel Cazes a mis en exergue cette phrase du récit à la première personne, qui donne sens et « chair » au puzzle familial, la première partie de « Lynch-Bages & Cie », un ouvrage de 238 pages joliment illustré publié chez Glénat (49, 50 €). Le propriétaire du Château Lynch-Bages, grand cru classé de Pauillac, a voulu ce livre moins pour flatter son ego que pour témoigner de la permanence de valeurs qui ont pour noms la terre, le climat, la famille, le vin, l’art de vivre, la gastronomie.

Le souffle marin et la rivière

« Il faut beaucoup d’eau pour faire du bon vin », prévenait Émile Peynaud, « l’œnologue à qui les vins de Bordeaux doivent leur renouveau des années 70 », rappelle Jean-Michel Cazes, qui explique que le Médoc « est une pointe de terre qui s’avance vers le nord entre deux grandes masses d’eau dont il subit les influences ». Poursuivant : « De l’ouest, par-delà la forêt, arrive le souffle marin de l’Océan qui régularise et adoucit le climat. De l’autre côté, l’estuaire de la Gironde, véritable mer intérieure, borde le vignoble tout au long de sa façade orientale. Ses eaux toujours en mouvement, puissamment brassées par les marées, protègent les vignes des vents froids. »

La terre, l’eau, le climat et les hommes. L’héritage anglais, le siècle des Hollandais, la naissance des crus, l’ascension du négoce, l’âge d’or, la descente aux enfers… Jean-Michel Cazes narre les hauts et les bas d’un vignoble, le Médoc, « auquel tout paraît sourire aujourd’hui, qui fait la course en tête et montre la voie dans la compétition mondiale ».

Lynch-Bages, l’origine, les péripéties de la propriété, est l’acte IV du récit, toujours alerte et où l’on apprend une foule de choses. On lira avec gourmandise l’acte V dédié à l’art de vivre le vin, et on partagera les inquiétudes exprimées par Jean-Michel Cazes sur certains producteurs qui tombent dans l’excès « quand ils tentent de positionner leur vin dans l’univers exclusif des produits de grand luxe ». « Ils ciblent une clientèle internationale qui s’habille en Hermès ou en Dior […] amateurs d’un genre nouveau pour qui le vin constitue un certificat de statut social, un placement financier ou les deux à la fois. »

Et Jean-Michel Cazes de regretter que le succès de ces crus « déconnectés de l’univers des boissons » dépende des « sentences chiffrées distribuées par des critiques spécialisés souvent impressionnés par les vins les plus concentrés, issus de techniques qui favorisent la densité de la couleur et la structure tannique des vins ». Il pointe ici la « quête » pour la note (le « 100 points Parker » constituant une sorte de Graal viticole) « qui entraîne aussi parfois des choix qui s’éloignent trop à mon goût des processus naturels ».

Le chef doublement étoilé du restaurant de Cordeillan-Bages, Jean-Luc Rocha, apporte sa pierre à l’ouvrage en livrant 52 recettes, une partition qui donne le beau rôle notamment au foie gras mi-cuit et pain d’épices, au glacé de pommes de terre aux huîtres et caviar, au lièvre de Beauce farci à la royale, aux cannelés de Bordeaux…

Jacques Ballarin (source)