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Cave de Turckheim, 70 ans toujours dynamique chez Alliance Alsace

Turckheim

Jean-Michel Wisson et Christophe Botté. ©F. Hermine

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

29.09.2025

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Fin 2023, la cave de Turckheim fusionnait définitivement avec la Cave du Roi Dagobert de Traenheim, renforçant, avec une gouvernance commune, l’entité Alliance Alsace qui s'était progressivement constituée. Celle-ci est devenue le troisième metteur en marché d’Alsace après Wolfberger-Bestheim et Arthur Metz (Grands Chais de France)

« Nous collaborions déjà naturellement ensemble, depuis les années 90, sur le sourcing et plus officiellement, à partir de 2006, avec la fusion des forces de ventes France et export, raconte le directeur Christophe Botté. En 2014, face à la nécessité de gros investissements en cave, nous sommes devenus une union coopérative avec une spécialisation des sites distants de 70 km : les crémants à Traenheim et les vins tranquilles à Turckheim. Nous n'aurions d'ailleurs pas eu les moyens d'investir chacun de notre côté. La vinification se fait toujours sur chaque site, seul le conditionnement est dédié et on continue à travailler les deux noms ».

Face à la croissance des crémants (Dagobert fait vieillir sur lattes 4 millions de bouteilles par an dont 3 commercialisées), la cave de Traenheim nécessitera bientôt un nouvel agrandissement. L’implication des jeunes générations est désormais essentielle. Plus formées, plus connectées, elles contribuent aux choix techniques comme à la communication digitale et participent aux animations. La cave a également développé une offre œnotouristique attractive avec des balades commentées dans le vignoble « pour expliquer sans tabou le travail du vigneron, raconter l'histoire de Turckheim, de la vallée, de nos terroirs, souligne Jean-Michel Wisson, président depuis 2019. On s'adapte vraiment aux personnes qui nous accompagnent. Et après, on finit bien sûr par une dégustation. »

Un vignoble très morcelé de doubles actifs

De Francine, ancienne institutrice de 90 ans qui continue de travailler ses quelques ares, aux jeunes viticulteurs formés aux dernières innovations, la Cave de Turckheim a su faire perdurer sur sept décennies une transmission intergénérationnelle et un modèle coopératif solide et profondément ancré dans son territoire. Le pari n'était pas gagné. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le vignoble alsacien, meurtri et fragmenté, a dû se reconstruire dans un climat économique incertain. Le négoce, en position dominante, fixait ses prix au dernier moment, laissant les vignerons exsangues. C’est dans ce contexte qu’a émergé à Turckheim, petit bourg viticole aux portes de Colmar, l’idée d’unir les forces des producteurs.

Dès 1953, sous l’impulsion de Louis-Pierre Widerkehr, industriel papetier et propriétaire viticole, et de Robert Schwindenhammer, maire de la commune, également propriétaire viticole et président de la Chambre de commerce et d'industrie de Colmar, le projet de créer une coopérative prend forme. En 1955, la Cave de Turckheim voit le jour, avec l'ambition de miser sur une viticulture qualitative et solidaire et de pérenniser les parcelles menacées d’abandon. Une politique de bonification est instaurée pour les vignerons travaillant les coteaux les plus escarpés.

Le président actuel, Jean-Michel Wisson, se souvient de cette genèse familiale : « Mes parents avaient adhéré à la cave dans les 3-4 ans qui ont suivi. À l'époque, ils étaient 340 adhérents, des petites exploitations qui allaient de quelques rangs de vignes à 3- 4 ha, ce qui, à l'époque, était considéré comme important. Les propriétaires étaient surtout des doubles actifs qui avaient des vignes à côté de leur emploi. Ceux qui avaient une petite structure en polyculture, élevage et viticulture avaient beaucoup de mal à valoriser leur production. Car c'était surtout le négoce qui faisait la pluie et le beau temps dans le vignoble en achetant des raisins ou des vins de l'année précédente. Ils passaient souvent 2-3 jours avant les vendanges. Comme les vignerons étaient souvent acculés pour vider les cuves, ils jouaient sur les prix à la baisse. »

©DR

La GD, moteur de la croissance

Au départ, la cave écoule ses vins essentiellement sur les marchés locaux, avec quelques expéditions vers l’Allemagne et la Belgique voisines. « Le grand chamboulement a été dans les années 70-début 80, quand la cave a fait le choix de vendre dans la grande distribution et de se développer à l'export, surtout dans les pays scandinaves. À ce moment-là, il nous était facile de trouver des marchés, car nous n'étions pas nombreux à être structuré pour pouvoir répondre à l'attente en volumes des grandes surfaces. La vigne s'est alors fortement développée. »

Cette dynamique d’expansion s’accompagne d’une professionnalisation croissante des exploitations. Mais à partir des années 2000, le nombre d'adhérents décline pour se stabiliser aujourd’hui autour de 150, avec néanmoins des surfaces plus grandes, en moyenne de 10-12 hectares. Un élément clé de la réussite de Turckheim réside aussi dans la constance de ses choix œnologiques. Trois hommes seulement ont conduit la cave depuis 1955 : Paul Meyer de 1955 à 1988, Michel Lirhmann de 1988 à 2020 et, désormais, le jeune œnologue Daniel Gerold. Tous ont veillé à maintenir une identité claire et les outils ont été modernisés : vendangeoir par gravité, conquêts de réception mobiles et vibrants, pressoirs Inertys, chai souterrain de 80 barriques et 280 cuves dernier cri.

Une gamme riche et renouvelée

La cave de Turckheim s'est également engagée dans une approche environnementale : l'agroforesterie, une certification de toutes les exploitations en HVE3, près de 60 hectares en bio en 2024. La cave compte aujourd'hui pas moins d'une cinquantaine de références. Au palmarès des ventes, la cuvée Baron de Turckheim, créée en 1959, celle de l'actrice Charlotte de Turckheim en 1996, le Veilleur de nuit (inspiré de la tradition locale du XVIe siècle) et le crémant Mayerling.

Parmi les pionnières, la cave a misé sur le crémant dès la naissance de l'appellation en 1976. « Les rieslings, boudés depuis une vingtaine d'années à cause de leur sucrosité mal définie, connaissent un retour en grâce avec des vins plus secs », précise Jean-Michel Wisson. « Tout comme le sylvaner, longtemps associé à un vin bas de gamme, désormais réhabilité ». Les pinots noirs, élaborés en rosé seulement depuis une dizaine d'années, sont portés aujourd'hui par des rouges légers qui ont incontestablement le vent en poupe.

Pas moins d'une cinquantaine de références figurent à la carte, des vins de cépage aux trois grands crus — Brand, le chouchou, mais également Hengst et Sommerberg, sans oublier les Vendanges Tardives, produites uniquement lors des grands millésimes. Parallèlement, la cave a su séduire des consommateurs plus jeunes grâce à des collaborations originales avec des créateurs de mode comme William Arlotti qui a habillé le crémant Cousu Main sur trois éditions puis récemment Fifi Chachnil. « Cette cuvée plait beaucoup aux collectionneurs. Et sur la table d’un restaurant, c'est la meilleure des pubs. »

Quelques chiffres
Alliance Alsace : 350 coopérateurs dont 150 à Turckheim
1400 ha de vignes dont 400 à Turckheim
450 ha en agriculture bio (60 à Turckheim)
À Turckheim, 20 ha de grands crus (80 000 bouteilles)
10,5 millions de bouteilles produites par an pour Alliance Alsace dont les trois quarts en vins blancs tranquilles, 30 % en crémant - 3,5 millions sous la marque Cave de Turckheim
Encépagement en 2025 de Turckheim : pinot blanc (28 %), gewurztraminer (22 %), pinot gris (20 %), riesling (15 %), pinot noir (13 %)...