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Cette semaine sur la glouglousphère

Auteur

La
rédaction

Date

12.10.2012

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Que s’est-il passé ces derniers jours sur les sites et blogs dédiés au vin ? Tour d’horizon des rendez-vous incontournables de la “glouglousphère”. A vos souris… et à vos verres.

Cette semaine était celle des coups de gueule sur la glouglousphère. Tout a démarré en fanfare le week-end dernier sur le blog du vigneron Hervé Bizeul. Le propriétaire du Domaine du Clos des Fées, dans le Roussillon, a écrit une « Lettre Ouverte à Pierre Moscovici« , ministre de l’économie et des finances. Dans la foulée du mouvement des « Pigeons », ces représentants des petites entreprises françaises mécontents des orientations données par le gouvernement qui ont créé un sacré buzz, Hervé Bizeul interpelle le ministre, qu’il connaît semble-t-il depuis longtemps, sur les projets gouvernementaux liés à l’imposition et l’investissement dans les TPE. Cette lettre ouverte se veut constructive, puisqu’elle ne se contente pas de critiquer l’action du ministre, mais lui fait aussi des propositions. Extrait : « Vois tu, en épluchant la liste de ce qui, en tant qu’entrepreneur, m’attend désormais au niveau fiscal et social, en plus du harcèlement administratif qui est mon quotidien, je ne m’identifie pas, à la réflexion, à un pigeon, mais bel et bien à un rat. Un beau rat de laboratoire, dans une boîte, soumis à des décharges électriques, sans pouvoir désormais ni m’enfuir, ni combattre, comme dans ce vieux film d’Alain Resnais qui mettait en image le travail d’Henri Laborit. […] Le sujet, c’est : as tu simplement conscience que nous employons, en plus de nous même, bien sûr, 7 millions de salariés ? Que nous facturons 35 % du chiffre d’affaire de la France et 42 % de sa valeur ajoutée. Que nous exportons, alors que nous ne sommes parfois qu’un couple, dans plus de 30 pays ? Qu’avec les auto-entrepreneurs, nous avons été 580 193, l’année dernière, nouveaux venus, à nous prendre en main, à sauter dans le grand bain, seuls, malgré la conjoncture ? Oh, pas nous, vignerons. Nous tous, gérant de TPE. »

Pierre Moscovici VS la glouglousphère ?

Un coup de gueule qui n’a pas tardé à faire des petits. Très rapidement, Jacques Berthomeau, sur son propre blog, s’est proposé en main propre un pli aux ministres concernés par la lettre ouverte d’Hervé Bizeul. Une initiative dont on peut lire le compte-rendu ici et ici.

Et pour conclure ce mouvement, c’est Charles Philipponnat, président des Champagnes Philipponnat, qui s’est fendu de sa propre lettre ouverte à Pierre Moscovici sur son profil Facebook. Extrait : « Je ne veux pas me plaindre des impôts que j’ai payé, paye, ou payerai. Mais je veux vous poser une question : Ne savez-vous pas qu’un peu de levain fait lever toute la pâte ? […] Comment le levain de l’entreprise fera-t-il lever la pâte de la prospérité pour tous si faute de réduire le poids de l’Etat, on l’écrase sous les charges ? Comment le levain des entrepreneurs fera-t-il lever la pâte de l’emploi s’il ensemence un pain étranger ? Comment la société nourrira-t-elle le levain des entrepreneurs si elle les décourage de réussir et d’en tirer récompense ? Comment entreprendre si les impôts augmentent rétroactivement et rendent incertaine toute rentabilité, et instable le cadre de tout choix de gestion ? »

Bref, un vent de fronde semble souffler sur le monde de la viticulture, comme chez les autres TPE…

Levures et Yourcenar

A l’instar d’Hervé Bizeul, d’autres vignerons se révèlent d’habiles blogueur. C’est le cas de Lilian Bauchet, « néo-vigneron » à la tête depuis 2008 du Château des Bachelards, dans le Beaujolais, qui nous fait partager la naissance « dans le douleur » de ce millésime 2012 si difficile pour sa région. Appliqué à produire « des vins nature, sans sulfite ni autre intrant œnologique », Lilian Bauchet porte un regard critique sur les « kits de fermentation » proposés par certains laboratoires d’œnologie, et se pose comme un fervent défenseur des levures indigènes. Il rappelle au passage le principe de Jacques Néauport selon lequel « ce qui fait le goût du vin, c’est 40 % le terroir et 60 % les levures. Avec une variable d’ajustement, la patte du vinificateur. Détruire les levures pour les remplacer par des levures commerciales monosouche reviendrait donc à détruire 60% de la typicité du vin, un crime dont on peut toujours attendre de moi que je me rende coupable ! »

La défense de la typicité du vin, et la défense du goût, envers et contre tout, c’est bien sûr l’un des chevaux de bataille de Vincent Pousson, qui raconte entre autres cette semaine sur son blog comment, sur les réseaux sociaux, une discussion sur un vin de Savoie issu du cépage gringet a dérivé sur les amphores en terre cuite… Ou quand le contenant, la technique, le détail, prend le pas sur le contenu, le produit, le plaisir. « Oui, parce que finalement (que les docteurs de la Foi bacchique me pardonnent), nous ne parlions que d’un vin, vous savez, ce truc liquide qu’on met dans sa bouche et qu’éventuellement on avale. Ses arômes, son goût… », ironise-t-il, avant de conclure avec un extrait des Mémoires d’Hadrien : « Le vin nous initie aux mystères volcaniques du sol, aux richesses minérales cachées: une coupe de Samos bue à midi, en plein soleil, ou au contraire absorbée par un soir d’hiver dans un état de fatigue qui permet immédiatement de sentir au creux du diaphragme son écoulement chaud, sa sûre et brûlante dispersion le long de nos artères, est une sensation presque sacrée, parfois trop forte pour une tête humaine, je ne la retrouve plus si pure sortant des celliers numérotés de Rome, et le pédantisme des grands connaisseurs de crus m’impatiente. » Quand Marguerite Yourcenar s’invite sur la glouglousphère…

M.D.