Accueil Champagne Castelnau : C.M. 1993, nouvelle édition « Hors Catégorie »

Champagne Castelnau : C.M. 1993, nouvelle édition « Hors Catégorie »

Ci-dessus : Elisabeth Sarcelet, cheffe de cave de Champagne Castelnau (photo Michel Jolyot)

Auteur

Yves
Tesson

Date

25.03.2021

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La Maison Castelnau sort la troisième édition de sa cuvée « Hors Catégorie », un champagne tiré en 2013, l’année où le Tour de France a franchi le col de la Madeleine haut de 1993 mètres. L’équilibre obtenu entre sa fine bulle et ses arômes torréfiés devrait asseoir définitivement ce vin parmi les grandes cuvées spéciales champenoises.

« C.M. 1993 » ne fait pas référence à un millésime mais au Col de la Madeleine. Haut de 1993 mètres, il figure parmi les ascensions « Hors Catégories » gravies par les cyclistes du Tour de France en 2013, l’année du tirage de ce nouvel opus de la cuvée spéciale de la Maison Castelnau. Derrière ce nom de code énigmatique, on imagine donc un vin d’une certaine endurance, qui a su déployer son potentiel et son énergie très progressivement, avec la retenue nécessaire pour parvenir à franchir l’étape ultime de la dégustation au bout d’un long circuit. C’est la marque de fabrique de la coopérative rémoise : le choix de faire durer le vieillissement sur lies (7 ans ici) afin de tirer tout le parti du phénomène lent et subtile de l’autolyse qui donne tant de chaleur et de générosité à ses vins. Évidemment, « C.M. 1993 » n’a pas réalisé ce parcours laborieux dans le peloton de tête, mais par une échappée solitaire qui la classe à part dans la gamme de la maison et elle aussi « Hors Catégorie ».

L’intérêt de cette cuvée c’est aussi l’élevage préalable sous bois de 90% des vins clairs. À la différence d’autres maisons qui recherchent à travers cette technique uniquement la micro-oxygénation et surtout pas une quelconque aromatisation, Castelnau assume cette dimension : le tonneau n’est pas un simple contenant, il doit apporter au vin des saveurs un peu torréfiées, vanillées, en jouant notamment des chauffes. Mieux, la Maison fonctionnait jusqu’ici avec des fûts achetés en Bourgogne, déjà épurés de leurs tanins par au moins trois vinifications. Pour cette nouvelle cuvée, elle a intégré des fûts neufs, avec plus de personnalité, issus de la Tonnellerie de Champagne.

Un clin d’œil à l’ancienne tradition des crémants

Mais le génie de C.M. 1993 réside surtout dans l’équilibre entre le côté tannique apporté par le bois et sa mise en valeur par une bulle plus fine. Castelnau ressuscite une tradition champenoise, celle des anciens crémants (une désignation que n’utilise plus l’appellation, mais qu’elle a créée), en optant pour une réduction de la liqueur de tirage (20 g de sucre au lieu de 24) qui permet d’obtenir une effervescence modérée.

Au XVIIIe et XIXe siècles, ces vins un peu moins mousseux étaient considérés comme le sommet de la gamme. Voici comment l’historien François Bonal décrit leur texture : « une mousse fugitive, mais qui a la particularité, quand on la verse, de blanchir entièrement la surface du liquide comme si c’était de la crème : d’où l’origine de son nom ». André Jullien en 1822 avait déjà repéré l’intérêt des mousses plus faibles, laissant plus de champ d’expression aux vins tanniques et évolués : « ils ont, sur les vins grands mousseux, l’avantage de conserver plus de qualités vineuses et d’être moins piquants ». Au début, on obtenait ces crémants par hasard, quand la seconde fermentation ne donnait pas autant d’effervescence que prévu (le dosage au tirage était encore approximatif). D’où leur prix plus élevé : ils constituaient une sorte de rareté. Puis, lorsqu’à partir du pharmacien François on a maîtrisé scientifiquement la seconde fermentation, cette production est devenue volontaire et souvent réservée aux vieux champagnes. Hors Catégorie se situe dans la droite ligne de cette philosophie.

Ce multi-millésimes assemble en effet des vins de 2008, 2010, 2011 et 2012, tirant avantageusement parti du très vaste vignoble de la coopérative (750 hectares) grâce auquel, même sur des années difficiles comme 2011, « on arrive toujours à trouver une petite niche qui met du baume au cœur » confie Elisabeth Sarcelet, cheffe de cave de la Maison. D’autant que le tirage est très limité : à peine 5100 bouteilles, toutes numérotées. Pour le reste, on retrouve les crus fétiches de la marque, comme les chardonnays de Trépail, qui donnent cette jolie finale citronnée, des pinots noirs de Mailly, de Ludes et des Riceys qui apportent de la profondeur, des meuniers de la montagne ouest à qui l’on doit ce côté charnu du fruit qui va arrondir l’ensemble.

CM 1993 offre ainsi un champagne « qui a de la personnalité tout en restant délicat ». La cuvée nous plonge dans un univers original avec des saveurs de chocolat, de cuir, une dimension presque animale. Autant d’arômes qui nous renvoient à l’ambiance d’un salon anglais, avec ses boiseries, ses vieux livres, son fauteuil club où on s’imaginerait volontiers déguster ce vin puissant accompagné d’un bon cigare.

Prix recommandé : 99,48 €