Champagne Bruno Paillard, quarante ans de réserve perpétuelle et toujours jeune !

Pour fêter le quarantième anniversaire de la création de sa réserve perpétuelle, Alice Paillard, désormais à la tête de l’entreprise familiale, présentait il y a quelques semaines ce qui fait le style unique de la Maison.

Lorsque Bruno Paillard initie sa réserve perpétuelle en 1985, il ne répond pas seulement à une nécessité, celle née des vendanges difficiles de 1984 qui le contraignent à céder une partie de ses vins en barrique sans les mettre en bouteille, mais aussi à une intuition. Il décide de constituer une réserve de vin vivante, qui permettrait d’amortir les aléas climatiques et apporterait un socle, une continuité stylistique à la vinification. Mais que l’on ne s’y trompe pas, il ne s’agit pas d’une solera. Explications.

Naissance d’un patrimoine liquide vivant

Plutôt que de conserver ses vins de réserve séparément, comme c’est l’usage en Champagne, l’idée de Bruno Paillard est de créer un ensemble continu. Chaque année, deux tiers de la nouvelle vendange sont mariés à deux tiers de la réserve de l’année précédente, elle-même enrichie d’un tiers des vins plus anciens. Ce mécanisme en cascade garantit une profondeur croissante ainsi qu’une certaine complexité née de l’accumulation. « Mais contrairement à ce qui est recherché avec une solera, la micro-oxydation, la réserve perpétuelle n’est pas née pour cela » précise Alice Paillard « elle est née dans une optique d’assurer un fil rouge et de sauvegarder l’assemblage. C’est vraiment un autre parti pris. ». Le geste de son père était visionnaire et rare à l’époque. Il fallait en effet oser conserver chaque année une portion significative des vins dans un assemblage de cépages en proportions constantes, afin de les marier aux nouvelles vendanges. Quarante ans plus tard cette réserve est devenue la mémoire intime de la Maison Paillard. Elle constitue aujourd’hui l’une des signatures les plus reconnaissables du style Paillard : élégance, précision et profondeur sans lourdeur. Des traits de caractères qui s’appuient également sur des élevages longs assortis de très peu de dosage.

Depuis qu’elle a repris la direction, Alice travaille à renforcer cette signature qui fait l’identité des champagnes Bruno Paillard. Elle s’astreint à une sélection parcellaire plus précise, la gestion du temps est aussi plus affinée notamment en pilotant la date de dégorgement des années de base pour piloter le vieillissement sur lattes. Elle perpétue l’héritage tout en l’inscrivant résolument dans une modernité faite de maîtrise, de transparence et de sensibilité.

L’expression de la réserve perpétuelle dans les cuvées 

Première Cuvée Extra-Brut, variations autour d’une base 2021 dégorgée en janvier 2025 puis d’une base 2010 dégorgé en mai 2014 :
Cuvée emblématique de la Maison, on retrouve trente crus au sein d’un équilibre des cépages répartis entre quarante-cinq pour cent de pinot noir, trente-trois pour cent de chardonnay, et vingt-deux pour cent de meunier. La réserve perpétuelle y représente environ trente-trois pour cent de l’assemblage final. C’est en fait le caractère de l’année de base qui commande l’ajout de plus ou moins de vins de réserve. Un long élevage en cave s’ensuit. Trois ans sur lies, suivi d’un repos de six mois minimums après dégorgement. Au nez, le Première Cuvée Extra-Brut base 2021, dégorgé en 2025 présente un bouquet frais mêlant fleurs blanches, agrumes et notes d’épices. En bouche, l’attaque est vive doublée d’une délicate salinité. La finale est droite et persistante.

Le même Première Cuvée Extra-Brut base 2010, dégorgé en 2014 offre une très belle robe jaune dorée et un nez tout en fraîcheur florale. En bouche, la fraîcheur est remarquable, qui révèle des notes d’agrumes mais aussi d’amande et de poire. Très bel équilibre et finale précise, avec une pointe fine de salinité.

La réserve perpétuelle apporte ici une profondeur discrète, toute en harmonie.

Cuvée 72

La Cuvée 72 est une variation approfondie de la Première Cuvée Extra-Brut. Son nom renvoie au temps de maturation : trente-six mois sur lies en bouteille suivis de trente-six mois de repos après dégorgement. Soit soixante-douze mois avant expédition. À la dégustation, cette Cuvée 72 issue d’une base 2017 dégorgée en août 2021, révèle un profil légèrement oxydatif tout en restant d’une grande finesse. Des arômes de fruits mûrs ouvrent la danse avant de glisser vers les fleurs, les épices et des arômes légèrement toastés. Il présente une belle longueur en bouche. Le Cuvée 71 est un champagne où l’équilibre entre maturité et tension est remarquable.

Contrairement à certaines idées reçues, la réserve perpétuelle ne tire pas le vin vers l’oxydation. Au contraire, comme elle est continuellement nourrie par de nouveaux vins, elle maintient un équilibre extraordinaire entre fraîcheur et patine. Même lors d’années contrastées, la trame reste précise, droite, élégante. Le style Bruno Paillard, centré sur la pureté et le faible dosage, exige une base aromatique solide. La réserve perpétuelle apporte la structure nécessaire pour que les champagnes puissent être dosés très faiblement sans perdre d’harmonie. Elle conserve, littéralement, la trace de chaque millésime depuis 1985. En véritable archive vivante, elle permet à la fois de laisser s’exprimer les variations climatiques, les choix œnologiques, et en définitive l’histoire humaine de la maison.