Mardi 10 Décembre 2024
©Anne Lacaud
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Date
06.10.2022
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Les alambics chauffent déjà dans les deux Charentes, où la campagne de distillation débute avec presque un mois d’avance et où une éventuelle pénurie de gaz naturel inquiète les viticulteurs et négociants
Ce lundi 3 octobre 2022, la Distillerie de la Tour à Pons (Charente-Maritime) a allumé ses 21 alambics en cuivre. Ils chaufferont à plein régime jusqu’au 31 mars 2023, date légale de fin de campagne.
Jean-Michel Naud, le patron, devrait se réjouir. La récolte au pays du cognac, jugée moyenne il y a encore quelques jours, sera sans doute un peu supérieure aux 8,87 millions d’hectolitres de vins blancs estimés début septembre par l’Agreste, le service officiel de la statistique agricole. Pourtant, le distillateur est inquiet. Comme tous ses collègues bouilleurs de cru ou de profession reliés au réseau GRDF, il redoute une éventuelle pénurie de gaz cet hiver.
“Perte irrémédiable de matière première”
Son entreprise consomme plus de 5 gigawatt-heures. Elle figure parmi la cinquantaine d’industriels (dont une quinzaine de gros distillateurs) des deux Charentes susceptibles de faire l’objet de restrictions en cas de coup dur. Jeudi soir à Merpins (16) – lors de la soirée anniversaire de l’Organisation économique du cognac, où tous les acteurs importants de la filière étaient conviés –, Jean-Michel Naud a entendu Martine Clavel, préfète de la Charente, évoquer le dispositif gouvernemental de délestage défini par un décret publié en avril. « Si la situation se présentait, vous aurez deux heures pour couper les vannes », a-t-elle indiqué. Pas vraiment rassurant…
Dès le printemps, le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC) a alerté les pouvoirs publics de ses spécificités et de sa fragilité. Les vins à distiller, non soufrés, sont fragiles. Des délestages entraîneraient une « perte irrémédiable de matière première », dixit Raphaël Delpech, le directeur général du BNIC. « Ils pourraient même amputer nos futures ventes, alors que le cognac pèse lourd dans la balance commerciale (1) », ajoute Éric Le Gall, le président du Syndicat des maisons de cognac (SMC).
Des arbitrages sont attendus à la mi-octobre, quand les préfectures dresseront les listes des gros consommateurs susceptibles d’être délestés ou non. Ceux assurant des missions d’intérêt général « liées à la satisfaction des besoins essentiels de la nation » seront mieux placés que les autres. « Loin de nous l’idée d’être devant les entreprises des secteurs de la défense, la sécurité ou la santé, ni de celles qui chauffent les logements collectifs. Nous ne revendiquons aucune priorité. Nous souhaitons seulement rappeler que la filière cognac pourrait subir des conséquences économiques majeures », fait-on savoir au BNIC.
“Alléger la demande générale en février”
En attendant, les alambics montent en température. La campagne débute vite et fort. « L’idée, c’est de distiller le plus tôt possible dans la saison, afin d’alléger la demande générale de gaz en fin d’hiver, notamment en février », explique à “Sud Ouest” Éric Pinard, distillateur à Jarnac et président du Syndicat des bouilleurs de profession. Interrogé par France Bleu La Rochelle, il lance l’idée d’une « plateforme de marché », où les opérateurs en capacité de distiller pourraient épauler leurs collègues en difficulté. Les ordres de sous-traitance seraient gérés par le syndicat.
Il assure que ses collègues et lui participeront à “l’effort de sobriété” demandé par le gouvernement mais ajoute : « Reste que notre consommation moyenne, qui oscille entre 550 et 650 kWh par hectolitre d’alcool pur produit, dépend beaucoup du titre alcoométrique volumique des vins de l’année. Là, c’est la nature qui commande ! »
(1) Les 222 millions de bouteilles expédiées à la surface du globe en 2021-2022 ont généré un chiffre d’affaires de 3,8 milliards d’euros. Le cognac est un produit exporté à 98%.
Quelques chiffres
On compte environ 1 200 bouilleurs (de cru et de profession) et 2 900 alambics au pays du cognac. Bon an mal an, ils consomment 560 gigawatt-heures (GWh) de gaz naturel et de propane par an. Il n’existe pas de tensions majeures sur le marché du propane, dont les prix restent toutefois volatils et spéculatifs. L’approvisionnement en gaz naturel est plus délicat. Les distillateurs professionnels reliés au réseau GRDF transforment 55 % de la récolte charentaise. Ils « brûlent » environ 350 GWh par campagne, soit 0,07 % de la consommation annuelle française.
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