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[Cognac] Martell teste la distillation bas carbone

Philippe Tizon, PDG du groupe Chalvignac, et Christophe Valtaud, maître de chai de Martell, devant l’alambic expérimental installé à la distillerie de Gallienne à Javrezac (Charente). ©O. sarazin

Auteur

Olivier
Sarazin

Date

10.03.2023

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Le négociant a perfectionné un dispositif expérimental de distillation à la vapeur. Il travaille avec le chaudronnier et fabricant d’alambics Chalvignac

La campagne de distillation se termine bientôt au pays du cognac. Le 31 mars 2023, à minuit, les 3 000 alambics des deux Charentes seront éteints. C’est la règle. Et c’est la période choisie par la maison Martell (fleuron du groupe Pernod-Ricard) pour annoncer sa dernière innovation : une boucle de récupération de chaleur venant perfectionner un premier dispositif expérimental de distillation à la vapeur testé depuis 2019.

Avec cette trouvaille, le négociant dit « ouvrir la voie de la distillation bas carbone ». Il déclare envisager à moyen terme « une diminution possible de 85 % des émissions de gaz à effet de serre mais surtout une baisse de plus de 50 % des consommations énergétiques ».

Le programme de recherche et de développement est mené avec un partenaire industriel : le groupe Chalvignac, chaudronnier réputé, fabricant d’alambics et leader français des cuves viticoles en inox basé à Jarnac-Champagne (Charente-Maritime).

Avec cette innovation, dès que le distillat est porté à ébullition et génère des vapeurs d’alcool, l’alambic réduit significativement ses besoins en énergie primaire.

Le flux thermique capté par une pompe 

L’innovation réside dans un « système de récupération et de valorisation de l’énergie » dans la partie réfrigérante de l’alambic. Tout se passe là où les vapeurs d’alcool se liquéfient dans le serpentin plongé dans de l’eau maintenue froide. D’ordinaire, beaucoup d’énergie est ici perdue en évaporation et fumerolles. Avec cette invention, le flux thermique est capté par une pompe à chaleur puis réinjecté dans le système de chauffe alternative à la vapeur.

« Pour la première fois, l’alambic charentais est en mesure de répondre aux enjeux environnementaux que la France et l’Europe se sont fixés à l’horizon 2050 », se réjouissent Christophe Valtaud, maître de chai de la maison Martell, et Philippe Tizon, PDG du groupe Chalvignac. Bien sûr, l’invention doit être perfectionnée. Beaucoup de recherche et de développement s’imposent encore. Mais les premiers résultats sont là, « très encourageants ». Une fabrication en série serait « possible » avant 2030, si elle trouve l’adhésion de la filière cognac. Cette technologie s’adapte à n'importe quel alambic de 20 hectolitres.

Sans gaz, sans flamme

Il faut ici préciser que la « boucle de récupération de chaleur » mise au point par Martell et Chalvignac a été conçue pour fonctionner avec le dispositif de distillation à la vapeur à l’étude depuis 2019. Ce procédé expérimental – sans gaz, sans flamme, mais avec de l’eau surchauffée par une chaudière électrique – associe bien des partenaires.

Il a été encouragé par le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC), testé chez Martell puis éprouvé à la distillerie Boinaud pour Rémy Martin et Hennessy. Les premières eaux-de-vie ainsi produites ont été analysées et goûtées par un collège d’experts. Leurs caractéristiques organoleptiques sont à ce jour conformes aux attentes.

Si les prochaines dégustations sont satisfaisantes, il sera possible de soumettre le procédé à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) puis de modifier le cahier des charges de l’appellation, qui ne cite que le seul mode de chauffe « à feu nu ». Ce changement pourrait demander un à deux ans de démarches administratives.

On notera enfin que la filière cognac, à l’initiative d’autres négociants, encourage le recours au biogaz et teste aussi la distillation à l’hydrogène. Elle n’a pas attendu la crise énergétique pour réduire sa dépendance aux énergies fossiles