Accueil De quelques préjugés sur la biodiversité dans les vignes…

De quelques préjugés sur la biodiversité dans les vignes…

Auteur

Yves
Tesson

Date

07.02.2023

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La biodiversité est sur toutes les langues, et tous les vignerons veulent être les meilleurs élèves de la classe. Mais la bonne volonté ne suffit pas, encore faut-il se débarrasser d’un certain nombre de préjugés pour mettre en place des politiques adaptées et efficaces. Nous sommes allés rencontrer Alexandra Bonomelli, chef de projet vigne au Comité champagne, et nous avons appris beaucoup de choses…

On voit de plus en plus de maisons installer des ruches dans leurs vignes, cette pratique est-elle vraiment favorable à la biodiversité ?

C’est un peu comme si l’on disait qu’on voulait sauver les oiseaux en installant un poulailler industriel. Lorsque l’on parle de pollinisation, on pense tout de suite à l’abeille domestique. Elle est pourtant loin d’être le seul insecte à y participer. L’abeille domestique n’est qu’une espèce parmi mille autres espèces d’abeilles. S’ajoutent ensuite d’autres familles d’hyménoptères, comme les bourdons, les lépidoptères ou papillons, les diptères, notamment les syrphes et les bombyles, sans oublier certains coléoptères. Chacun pollinise des types différents de fleurs, en fonction de la longueur de sa langue pour les abeilles et de sa trompe pour les papillons. On a donc besoin de l’ensemble de ces intervenants. Et en même temps, il existe aussi des fleurs pollinisées par plusieurs catégories de pollinisateurs, qui peuvent donc entrer en concurrence entre eux. Dans ces conditions, on imagine l’impact que peut avoir l’implantation d’une ruche d’élevage qui ramène d’un seul coup 30.000 abeilles domestiques sur le même territoire.

Que faut-il penser des nichoirs artificiels pour les insectes, comme ces poteaux avec des petits trous pour les abeilles sauvages ?

Si on apporte le gîte, il faut apporter le couvert. Nos coteaux ont bien verdi, mais il y a toujours très peu de plantes à fleurs. Vous aurez donc beau mettre des nichoirs, s’il n’y a pas de fleurs, c’est inutile. Quant aux abeilles sauvages, elles vont nicher soit dans le sol en faisant des trous dans la terre, soit dans des tiges creuses, ou de vieux murs. Leur créer un habitat n’est souvent pas le plus impératif, il faut surtout leur apporter des ressources alimentaires.

On parle beaucoup d’agroforesterie, que faut-il penser des arbres implantés en milieu de vignes ?

Les arbres au milieu des vignes ramènent des animaux dans des espaces où ils seront dérangés par les tracteurs et subiront des traitements phytosanitaires. Nous avons l’avantage en viticulture d’avoir de petites parcelles entourées de nombreuses espaces interstitiels, il est donc préférable d’aménager ces espaces autour des parcelles et si les parcelles sont très grandes, de les fractionner en arrachant deux ou trois rangs pour créer des zones sans intervention humaine. L’idéal est d’avoir plusieurs étages de végétation qui satisferont les besoins d’un peu tout le monde. On a vu que certaines abeilles solitaires nichaient dans la terre, elles veulent des sols nus… on a besoin aussi d’herbe rase, de grandes herbes, d’arbustes et d’arbres, chaque espace est une niche écologique pour plusieurs espèces, leur permettant de se nourrir, de se reproduire, de se reposer, de passer l’hiver ou formant un corridor de déplacement…

Vous recommandez l’utilisation d’espèces locales, pourtant certains vignerons mettent en avant la nécessité de devancer le réchauffement climatique…

Lorsque nous disons local, nous parlons en général de l’Europe de l’Ouest. On peut importer des espèces qui viennent d’Europe du Sud, mais pas d’Asie ou d’Amérique. Les espèces exotiques posent beaucoup de problèmes. Il est vrai que certaines s’adaptent facilement à nos conditions climatiques, mais n’ayant pas évolué avec la faune locale, elles ne lui sont pas adaptées et ne permettent pas de la nourrir…

Où en est le travail de plantation de haies en Champagne ?

Pour évaluer les plantations, nous allons faire une étude qui paraîtra en juin à partir d’une photo interprétation d’images satellite. Nous pourrons ainsi identifier, vues du ciel, toutes les haies. L’idée est de mettre la carte en ligne, de sorte que tous ceux qui entretiennent l’espace rural, que ce soit les vignerons ou les collectivités… pourront voir l’existant. Dans leurs projets, grâce à cette carte, ils seront à même de repérer les lieux où le maillage mériterait d’être complété pour recréer une trame verte, un corridor entre tel et tel espace. Il y aura également un référent « biodiversité » par commune qui bénéficiera d’un accès pour modifier au besoin la carte et ajouter des éléments oubliés (une cabane de vigneron abandonnée..) ou nouvellement installées (une nouvelle haie, un nouveau nichoir…).

Nous menons aussi des opérations de sensibilisation sur les questions d’entretien. Si on plante des haies et qu’on les taille au carré tous les mois, cela ne sert pas à grand-chose. Il en va de même des trames bleues, c’est-à-dire des fossés, des bassins, que l’on ne doit pas curer à blanc, mais dans lesquels il faut veiller à laisser de la végétation et qu’il faut éviter de nettoyer au printemps, la période des reproductions. Il y a aussi la question de la tonte, avec cette culture des gazons ras des particuliers, des vignerons, et des collectivités locales. Il faut moins faucher et plus haut. On doit l’accepter visuellement, alors que les communes qui paient un prestataire ont envie, vis-à-vis de leurs administrés, que cela se voit ! La bonne nouvelle, c’est que cela coûte moins cher et que cela implique moins de consommation de carburant et donc d’émissions…

© Comité Champagne