Jeudi 9 Octobre 2025
©R. DE OLIVEIRA pour Terre de vins
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Date
09.10.2025
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Longtemps considérés comme les « petits frères » des grands crus, les seconds vins de la rive droite ont pris leur indépendance. À Saint-Émilion, à Pomerol comme sur les coteaux de Castillon, ils signent une nouvelle forme d’excellence : plus lisible, plus immédiate, sans rien céder à l’exigence. À l’occasion de la Foire aux Seconds Vins le 11 octobre au hangar 14 à Bordeaux, plusieurs propriétés emblématiques présentent leurs cuvées accessibles, mais toujours fidèles à l’esprit de leur terroir.
Historiquement, le second vin permettait d’écarter les lots issus de jeunes vignes ou de barriques moins abouties. Il était l’outil du tri, le revers du prestige. Mais la précision des sélections parcellaires et la montée des exigences qualitatives ont bouleversé la donne : le second vin n’est plus une déclinaison, c’est un choix stylistique. Sur la rive droite, où les parcelles d’argiles et de calcaires offrent des expressions contrastées du merlot et du cabernet franc, le second vin devient un terrain d’expérimentation autant qu’un révélateur de finesse.
Les seconds vins sont les meilleurs interprètes de la géologie mouvante de la rive droite. Les argiles profondes de Pomerol donnent naissance à des merlots denses et veloutés, au toucher feutré. Sur les plateaux calcaires de Saint-Émilion, les vins gagnent en tension, en éclat et en longueur salivante, magnifiés par la précision du cabernet franc. Plus à l’est, du côté de Castillon ou Francs, les coteaux mêlent calcaire et molasse, donnant des vins plus frais, empreints d’énergie et de verticalité.
Dans les assemblages, le merlot reste le pilier de l’équilibre, apportant rondeur et chair, tandis que le cabernet franc en souligne la structure et la fraîcheur aromatique. Certains vignerons introduisent une touche de malbec ou de cabernet sauvignon, pour enrichir la palette et affirmer la complexité, y compris dans leurs seconds vins. Ces variations de sols et de cépages forgent une mosaïque stylistique où chaque cuvée traduit à sa manière la géographie intime du vignoble.
Sur la rive droite, le second vin est aussi un formidable outil de pédagogie œnologique. Dans les chais ouverts au public, c’est lui qu’on déguste d’abord, celui qui initie la conversation entre le visiteur et le terroir. Dans un contexte de changement climatique, ces vins jouent également un rôle stratégique : ils permettent d’intégrer des parcelles en conversion, d’ajuster les assemblages, d’explorer de nouveaux équilibres sans pression commerciale.
Fruits d’un travail d’orfèvre, les seconds vins séduisent tous les amateurs. Ils offrent une porte d’entrée vers les plus beaux terroirs de Bordeaux sans en reproduire la complexité intimidante. Leur réussite réside dans cette justesse : celle d’un vin prêt à boire, mais jamais simplifié. À travers eux, la Rive droite réaffirme son génie : celui de conjuguer la chair et la grâce, la précision et la sensualité. Les seconds vins n’imitent plus, ils interprètent. Et souvent, avec une justesse bouleversante.
La Foire aux Seconds Vins 2025 est l’occasion rêvée d’explorer cette rive droite plurielle, où chaque cuvée porte la promesse d’un grand vin… en version plus libre.
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