Accueil Haut-Bailly, l’art du zen

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

14.05.2021

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Le château Haut-Bailly, cru classé de Graves, vient de dévoiler son nouveau chai : une magnifique réalisation de l’architecte Daniel Romeo, combinant excellence technique, exigence environnementale et geste esthétique de haute volée, jusque dans son intégration dans le paysage.

En approchant de Haut-Bailly, quelques lignes blanches épurées se dessinent entre les vignes, épousant la courbe de la butte qui jouxte le château. Des espaces vitrés se laissent deviner entre les arbres et les arbustes, mais guère davantage. Si l’on ignorait que se sont déroulés ici plus de deux ans et demi de travaux intensifs, on jurerait que rien n’a changé. La prouesse est de taille : le nouveau chai du cru classé de Graves (historiquement « cru exceptionnel » comme l’arbore la façade) s’intègre élégamment dans le paysage, avec son toit végétalisé et sa conception audacieuse qui nous entraîne à 10 mètres de profondeur – et 8 mètres au-dessus du sol, soit au niveau du premier étage du château.

Cette splendide réalisation est l’aboutissement de plus de cinq ans de réflexion. Véronique Sanders, Présidente de la propriété, raconte : « c’est en 2015, dans un avion qui menait toute l’équipe du château de Paris à New York à l’invitation du propriétaire Bob Wilmers pour célébrer les 100 points accordés par Robert Parker à notre millésime 2009, que nous est venu l’évidence que cette reconnaissance ne serait pas un aboutissement, mais un encouragement à aller encore plus loin. Ainsi est né le projet ‘Haut-Bailly Demain’ dont la première étape a été une étude approfondie du vignoble, pour mieux connaître nos terroirs et répondre efficacement aux enjeux culturaux et climatiques de notre temps. La deuxième étape était la construction de ces nouvelles installations ». Les réflexions sur ce nouvel ensemble, qui devait réunir un cuvier et un chai de haute performance technique tout en s’adaptant aux contraintes de place limitées et aux attentes environnementales actuelles, ont débuté à l’automne 2016 avec l’architecte Daniel Romeo.

Suite au décès de Bob Wilmers en 2017, sa famille et son fils Chris ont continué à appuyer ce projet ambitieux, porté par Véronique Sanders, le directeur technique Gabriel Vialard et toute l’équipe de la propriété.

« Au centimètre près »

C’est un projet calé « au centimètre près » qui a donc vu le jour, couvrant plus de deux années de travaux entre le premier coup de pioche en juillet 2018 et son inauguration, ce printemps 2021. Entre-temps, la pandémie de Covid-19 est passée par là et a ralenti le chantier de plusieurs mois… Une vingtaine d’entreprises, presque exclusivement régionales, ont été mobilisées sur ce chantier, de la maîtrise d’œuvre à la menuiserie, sans oublier le paysagiste Hervé Rosset (D&H Paysages) qui a conçu ce « toit végétalisé » évoquant un doux jardin zen japonais.

Zen, le mot est lancé : tout ici concourt à véhiculer un sentiment de sérénité, de fluidité, d’harmonie. Le choix des matières, nobles et épurées – béton, bois, verre, acier – sans être aseptisées. La circulation facilitée, aussi bien pour les membres de l’équipe qui apportent la vendange, travaillent au cuvier ou au chai, que pour les visiteurs qui viendront découvrir ces installations (actuellement près de 8000 personnes par an). La prouesse architecturale et technique, entre la voûte circulaire de 38 mètres de diamètre soutenue sans aucun pilier et incluant un puits de jour, les 54 cuves gravitaires en inox et béton qui font le tour du bâtiment pour un grand confort de travail au plus près du parcellaire, le chai circulaire lui aussi pouvant accueillir plus de 900 barriques, le contrôle de l’ensemble des opérations et consommations d’eau et énergie par écran tactile. Et surtout cette ambiance générale, entre « compression et dilatation » comme le souligne Daniel Romeo, dégageant calme et précision, jusque dans la salle de dégustation permettant d’embrasser du regard le jardin, les vignes, le château et le cuvier. Tout un écosystème qui constitue la force de Haut-Bailly depuis des générations.

Déjà reconnu comme l’une des « marques fortes » de Bordeaux, prisé des amateurs pour sa constance et son élégance à travers les millésimes, Haut-Bailly se dote, avec ces nouvelles installations, d’une rampe de lancement pour conquérir les points de détails qui font aujourd’hui la différence dans l’univers des grands vins. La suite sera à examiner avec un grand intérêt, tout comme la troisième phase du projet « Haut-Bailly Demain », portant sur la rénovation des anciens chais à des fins œnotouristiques et réceptives.

Le nouveau chai de Haut-Bailly en quelques chiffres
23 000 m2 de terre terrassée
2000 m2 d’emprise au sol
4500 m2 de surface totale
2400 m2 de jardin
Une centaine d’arbres et arbustes plantés
Un dôme de 38 mètres de diamètre et 1500 m2 de superficie, culminant à 8,80 mètres

(Photos Florent Larronde, Victor Cornec, Raphaël Zimmermann)