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« Mon passé, mon présent, mon avenir, c’est Haut-Marbuzet »

Auteur

La
rédaction

Date

07.03.2014

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Libre, indépendant, singulier, Henri Duboscq est l’une des personnalités les plus flamboyantes du Médoc. A l’occasion du nouveau numéro de « Terre de Vins », le propriétaire du château Haut-Marbuzet (Saint-Estèphe) s’est allongé sur le divan. Morceaux choisis.

A l’heure de présenter bientôt son 52ème millésime, il retrace son histoire avec le château Haut-Marbuzet.

Mon passé, mon présent, mon avenir, c’est Haut-Marbuzet. Dans Haut-Marbuzet se trouve toute ma destinée. Je n’ai rien fait d’autre. Après le lycée Montaigne à Bordeaux, je voulais faire médecine. Si je faisais médecine, mon père m’a alors dit qu’il allait se débarrasser de Haut-Marbuzet. Haut-Marbuzet, j’y travaillais depuis l’âge de 12 ans… Mon père disait « Nous sortons de rien, nous ne pourrons être anoblis que par la vigne. Je lui ai donc dit « je viens avec toi ».

Sur son rapport à Saint-Estèphe.
Je suis dans un petit coin du bout du monde qui est mien. Ici, tout est moi. Celle qui me convient le mieux est cette phrase de Marc Aurèle qui disait « Le bonheur, c’est l’aptitude à aimer son destin ». Moi j’ai cette aptitude, d’autant que ce destin, j’en ai été de temps en temps l’édificateur ou le créateur. Quand les gens vont partout dans le monde, ils y vont pourquoi ? Pour rencontrer des gens intéressants ou des paysages intéressants. Quand on est propriétaire de Haut-Marbuzet, ces gens intéressants viennent dans ce petit coin du bout du monde. J’ai ce privilège.

Sur le message qu’il essaie de transmettre à travers ses vins.
Je donne ma définition du vin. Pour moi, le but du vin c’est – et ce n’est que – la volupté. La plupart des gens trouvent au vin des vertus, des émotions, des saveurs, des goûts. A quoi cela sert-il de découvrir un millésime, de reconnaître une appellation, si en buvant un verre de vin vous ne vous enrichissez pas d’une émotion de volupté ? Une émotion comme la fascination d’un paysage, la mélodie d’une musique, l’intensité d’une étreinte, la féérie d’un panorama.

Sur sa façon de produire un vin « qui lui ressemble ».
D’abord il faut être tout seul. Pas de conseil machin… Moi, ce que j’aime par-dessus tout, c’est moi. Pour produire un vin que j’aime, il faut que je fasse un vin qui me ressemble, un vin un peu ostentatoire, qui en met plein la bouche, un vin que l’on trouve flatteur. Je suis habité par ce que les puristes appellent la fonction perlocutoire. On parle d’abord et, si la parole est belle, on trouve que l’idée est vraie. Je crée des paroles qui créent des idées. Mon vin roule des épaules. Il n’y en a que pour lui dans votre bouche. D’aucuns le disent vulgaire, « too much ». Le vin est comme moi, exubérant, encombreur de papilles… Quand on a le privilège d’être propriétaire d’un grand terroir, le vin échappe au vinificateur. Il m’oublie et n’est que le génie de son terroir. Il finit par devenir ce qu’il est.

Son regard sur les grands propriétaires du Médoc.
S’il y a dix millésimes pourris, on va tous les voir partir ! « Le pire du drame de l’homme est d’être incapable de prévoir par beau temps le mauvais temps ». C’est une phrase de Machiavel.

Sur la politique
Je suis un disciple de Talleyrand. Les idées n’existent pas. Il n’y a que des décisions à prendre en fonction des circonstances. Je n’ai pas d’idées. Il m’arrive d’avoir des attirances. On dit de moi que je suis socialiste. C’est faux. Je suis mitterrandiste. Ce n’est pas pareil. Là encore, le verbe, la culture… J’ai tendance à n’être pas conservateur.

Sur son rapport à l’âge et au temps qui passe.
A 20 ans, j’étais flamboyant. A 30 ans, j’étais tout cela en plus. A 40 ans, j’étais indestructible. A 50 ans, j’étais heureux de sentir que j’étais un peu moins de tout cela. A 60 ans, je trouvais la merveille du vieillissement. A 70 ans, mon Dieu que je suis heureux. Il me tarde d’en avoir 80. Les performances changent de domaine. Haut-Marbuzet est mon régulateur d’âge. C’est par lui que je suis jeune, c’est par lui que je vis et que je vais peut-être être immortel.

Propos recueillis par Rodolphe Wartel.
Photos Isabelle Rozenbaum et Jean-Bernard Nadeau.

Retrouvez l’intégralité de cette interview dans « Terre de Vins » n°28, actuellement en kiosques.
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