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La nouvelle vie du domaine Le Trébuchet

Auteur

Laura
Bernaulte

Date

06.04.2023

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A 43 ans, Jean-Guillaume de Giacinto redonne, depuis plus de deux ans, vie à la propriété familiale de l’entre-deux-mers. Nées de son vignoble en conversion à l’agriculture biologique, ses quatre premières cuvées rouges en appellation bordeaux ont vu le jour sur le millésime 2021, dans un style sur la buvabilité participant du renouveau bordelais. Découverte.

L’idée de reprendre à son compte les vignes familiales trottait dans l’esprit de Jean-Guillaume de Giacinto de longue date. Ce sont ses grands parents, débarqués de leur Vénétie natale dans les années 1930, qui ont acquis en 1959 ces terres situées à Les Esseintes, entre Langon et La Réole. Au départ axés sur la polyculture, ils ont implanté une quinzaine d’hectares de vignes à la fin des années 1960. Après 60 ans en fermage, ni le père ni le grand-père de l’actuel exploitant ne souhaitant embrasser la vocation viticole, ce n’est qu’au premier jour de 2021 que le domaine a retrouvé une direction familiale avec le retour de Jean-Guillaume de Giacinto. Entre une certification en agriculture biologique effective en 2023, le choix de proposer des vins frais et fruités accessibles dès leur prime jeunesse et un packaging moderne, le néo-vigneron ne manque ni de motivation ni d’idées pour inscrire ce domaine de 25 hectares, surplombant la vallée du Dropt, dans son temps.

Pour ne pas trébucher
Si dès le départ l’envie était bien là, Jean-Guillaume de Giacinto prend le temps de se doter des armes nécessaires pour se lancer sereinement en solo. Déjà diplômé d’un BTSA technico-commercial boissons vins et spiritueux, il maîtrise à la perfection la partie commerciale, mise en pratique neuf ans durant au sein de Cash Vin, puis lors du déploiement de l’enseigne Dock du vin. Celui qui confie avoir « toujours été impressionné par le travail des vignerons, découvert notamment au fil de ses différents voyages professionnels » saisit la balle au bond lorsque le fermier du Domaine Le Trébuchet annonce son départ fin 2020. Pour se sécuriser sur les parties production, gestion et juridique, « sur lesquelles je n’étais pas à l’aise », avoue-t-il, il suit un Mastère spécialisé en management des domaines viticoles à Bordeaux Sciences Agro. « Une expérience géniale pour étudier la faisabilité de la reprise de ce vignoble », qui lui donne la sérénité nécessaire pour se lancer.

Le Trébuchet nouveau
Pour mener à bien son projet, le néo-vigneron, qui s’est alloué les services de l’œnologue Julien Belle (Œnoteam) dispose d’un beau terroir vallonné et diversifié d’un seul tenant composé d’argiles, sables et limons, peu soumis aux aléas climatiques grâce aux dix hectares de forêt de chênes centenaires qui l’encerclent. Dès 2020, sûr de ses convictions, Jean-Guillaume de Giacinto demande au fermier en place de convertir les vignes à l’agriculture biologique. Débutant piano, il remet en état le vignoble, restaurant les palissages en mauvais état et complétant les ceps manquants parmi les vieilles vignes de cabernet sauvignon (3,8 ha), cabernet franc (1,7 ha), merlot (1,3 ha) et malbec (1,3 ha). Le vigneron introduit aussi 0,4 ha de petit verdot, dont l’entrée en production est prévue cette année. « Comme dans la vie, il y a des grands, des petits, des vigoureux ou un peu moins, plus y a de diversité mieux c’est pour que tout se développe et vive dans les meilleures conditions », commente-t-il .

Côté bâtiments, une étable et des chais ont le mérite d’exister, mais n’ont pas été exploités pendant 60 ans. Remettant « un maximum de choses en état de fonctionnement et aux normes », Jean-Guillaume de Giacinto restaure les cuves de 65 à 100 hL, les dote de thermorégulation, entreprend des travaux électricité et crée un chai d’élevage à côté dans vieilles étables.

Sur ces bases révisées, il s’attaque sans plus attendre à la partie commerciale, abandonnant la vente en cave coopérative pour restaurer la mise en bouteilles sous le nom du domaine.

Une démarche commerciale atypique
Ayant passé la majorité de sa carrière « à vendre les vins des autres, j’avais des idées, raconte le néo-vigneron. En tant que retailer, je voyais ce qui se faisait dans régions qui ont apporté un dynamisme qui manquait encore il y a peu à Bordeaux, comme sur les quinze dernières années les Pays d’Oc, les Corbières, la Loire. » Son parti pris donc : grâce à des vinifications douces en infusion lente, proposer en appellation bordeaux des vins « frais, fruités et souples avec une structure tannique pas trop imposante, accessibles, à la buvabilité immédiate et qui donnent envie d’y revenir ! » Pour bâtir sa gamme, il décide de travailler de façon originale par type de contenants, avec des cuvées en éditions limitées, aux noms évocateurs du mode d’élevage retenu. Sa cible : les circuits traditionnels, restaurants et établissements bistronomiques, caves, bars à vin, et certains sites internet.

Première née sur le millésime 2021, la cuvée Grès, monocépage cabernet franc « inspiré de son cousin pinot noir », élevé sept mois en œuf en grès, un « contenant poreux qui assure une oxydation naturelle » pour un résultat « humble et soyeux » (13-15 €). La même année, sort la cuvée Porcelaine, assemblage à égalité de merlot et cabernet franc passé sept mois dans de surprenantes amphores en porcelaine, ne marquant pas le vin et conservant sa fraîcheur intacte pour un rendu « brut et aérien » (13-15 €). Plus récemment, la famille s’est agrandie avec deux nouveaux membres, dont la mise en bouteille a été réalisée en février. 100 % cabernet sauvignon passé un an en amphores en terre cuite venues tout droit de Toscane, la cuvée Terracotta est un vin paré de plus de rondeur et de sucrosité, rehaussées de touches dynamisantes fumées et mentholées (12-15 €). Enfin, dans une approche plus bordelaise, la cuvée Oak est issue d’un assemblage de tous les cépages du domaine (50 % cabernet sauvignon, 20 % cabernet franc, 20 % merlot, 10 % malbec), élevé un an en barriques neuves à chauffe légère et grain fin. Plus puissant et expressif, entre des notes de fruits rouges et noirs et une touche subtilement biscuitée, ce vin est porté par une trame structurée aux tanins souples (15-18 €).

Accompagnant la démarche, dans une envie de casser les codes traditionnels, le marketing se met au diapason avec des étiquettes colorées graphiques et épurées, mentionnant en deux mots bien choisis des traits identitaires de la cuvée considérée.

Et demain
Après un peu plus de deux ans dans ses nouveaux habits, le vigneron, qui concède « avoir vécu des débuts difficiles dans ce métier de gaillard, entre la découverte de ce nouveau milieu professionnel et la pression sanitaire », se dit « d’ores-et-déjà satisfait de ces premières cuvées. Je commence à vraiment m’immerger dans le métier, à prendre du plaisir, et j’ai plein de projets car Le Trébuchet possède un joli potentiel de développement », annonce-t-il. Parmi eux, « possiblement pour 2023 » une cinquième cuvée élevée dans de œufs en béton, l’envie de faire du vin blanc, celle d’aller vers la biodynamie et de mettre en place des visites au domaine pour faire découvrir son travail et vendre ses vins directement à la propriété.