Accueil Le changement climatique fait débat aux Rencontres Rhodaniennes

Le changement climatique fait débat aux Rencontres Rhodaniennes

Auteur

Marie-Pierre
Delpeuch

Date

14.02.2023

Partager

Déjà, en 2018, les Rencontres Rhodaniennes se penchaient sur les problématiques du changement climatique. Cinq ans plus tard, il n’est plus question de constater mais bien d’agir. La filière viticole a des moyens à sa disposition. Le changement c’est maintenant ?!

Initié par l’Institut Rhodanien*, le colloque destiné aux professionnels de la filière a réunit scientifiques, techniciens et vignerons, sur la thématique du changement climatique et des leviers d’actions. Le constat et les différents scénarios présentés par Renan Le-Roux, ingénieur de recherche à l’INRAE, sont toujours aussi alarmants. Augmentation des températures et des phénomènes extrêmes : canicules, sécheresses, hausse de la pluviométrie en automne et baisse en été et en hiver, bousculent et bousculeront le cycle végétatif de la vigne. Les périodes de gel printaniers ou d’épisodes de grêle ont déjà fortement marqué le vignoble. Les avancées de tous les stades phénoliques sont constatées. Dans le Ventoux, par exemple, il y a désormais 25 jours de décalage sur la vendange, par rapport à 1989. S’ajoutent à cela, une baisse du poids des baies, une baisse des rendements, une augmentation forte du degré alcoolique et de l’acidité. Sans oublier l’évolution de nouvelles maladies et leur propagation vers d’autres secteurs, ou encore la baisse de la disponibilité en eau. Le processus est enclenché, il va se poursuivre et aura des répercussions sur l’ensemble du cycle.

Irrigation, désalcoolisation, institutions

La présentation d’Alain Deloire, professeur à Sup Agro Montpellier, sur l’impact et les conséquences du déficit et du stress hydriques, rappelle que la vigne a besoin d’eau durant tout son cycle, particulièrement du débourrement à la floraison. Avec un raccourci rapide, l’irrigation n’est ni une panacée, ni une baguette magique, mais d’autres alternatives sont possibles. Par exemple, en matière d’œnologie, la désalcoolisation des vins, par voie biologique avec les levures non-Saccharomyces qui offre des résultats, mais qui a aussi des impacts sur la production d’acide ascétique et sur l’oxygénation. Une option impossible pour les domaines certifiés bio, puisque interdite.

Les pratiques viticoles, comme la taille, la conduite et la gestion des sols, l’agroforesterie, l’orientation des plantations vers de nouvelles expositions ou altitudes sont en bonne voie. L’implantation de nouveaux vignobles dans les régions septentrionales non-productrices, n’est plus une utopie, mais pas une panacée, non plus. Au chai, l’utilisation de l’eau et sa préservation, la gestion des effluents sont des points cruciaux.

Côté institutions, le changement s’effectue du côté des cahiers des charges des ODG. Les AOC doivent s’engager vers une évolution, par exemple avec la réduction des GES et les cépages résistants. Quid de l’INAO ? Philippe Pellaton, président de l’interprofession rhodanienne et du comité régional de l’INAO, a souligné que « des variétés à des fins d’adaptation de nouveaux cépages résistants aux maladies ou au réchauffement sont autorisées à hauteur de 5 % sur l’exploitation et dans l’AOC. Toute mise en œuvre prend du temps ». Oui, mais il y a urgence !

Enseignement et consommateurs

De jeunes étudiants en BTS viti-oeno étaient présents aux rencontres. Ont-ils pris conscience des enjeux ? Nicolas Richard, œnologue, intervient pour la première année au lycée viticole d’Orange. Il a le sentiment qu’ils sont peu sensibilisé au constat et aux conséquences et s’engage à les former dans ce sens. « Ils ne sont qu’au début de leur future carrière. Nous faisons des simulations sur les vins du futur, d’ici 20 ans tout aura changé ». Comment vont-ils gérer des vins à 17° ? Autre questionnement, les consommateurs, accepteront-ils ces impacts et ces innovations, ainsi qu’une augmentation fort probable du prix de vente ?

* Composé d’Inter Rhône, du Syndicat général des côtes-du-rhône et de l’Institut Français de la Vigne et du Vin. Ces trois structures mutualisent leurs moyens respectifs pour construire un pôle de recherche appliquée pour les vignobles de la Vallée du Rhône.