Accueil Le classement de Saint-Emilion déjà contesté

Le classement de Saint-Emilion déjà contesté

Auteur

La
rédaction

Date

07.09.2012

Partager

Déjà à l’origine de l’annulation du classement de 2006, le Château Croque-Michotte, qui vient de se voir encore refuser le statut de Grand Cru Classé, remet en question l’organisation du nouveau classement et menace de le faire abroger une seconde fois. Les explications de Pierre Carle, propriétaire du domaine.

Depuis les premières rumeurs du matin jusqu’à l’annonce officielle du nouveau classement de Saint-Emilion, ce sont surtout les « heureux élus » qui ont fait les gros titres. Pavie, Angélus, La Mondotte, Valandraud… Peu ont finalement parlé des inévitables déceptions engendrées par ce jugement, si lourd de conséquences pour ceux qui s’y soumettent. Pierre Carle se rappelle à leur bon souvenir. Le propriétaire du Château Croque-Michotte, qui avait initié – avec d’autres – le processus d’annulation du classement de 2006, s’est vu une nouvelle fois refuser le statut de Grand Cru Classé. Il conteste la validité de ce classement 2012 et menace de saisir, comme il y a six ans, le tribunal administratif.

« Croque-Michotte est une vieille propriété de Saint-Emilion, dans la même famille depuis plus d’un siècle, explique-t-il. Nous sommes situés à 330 mètres de Cheval Blanc, nous avons été Grands Crus Classés depuis la création du classement. Et en 1996, nous avons été déclassés, sans trop d’explications. Nous avons alors fait tous les efforts pour nous conformer aux exigences du cahier des charges pour réintégrer le classement. Et pourtant en 2006, nous avons été refusés. Déjà à l’époque, le mode opératoire de la commission était très contestable – il l’était surtout sur le déroulement des dégustations à l’aveugle, et c’est ce qui nous a donné raison, entraînant l’annulation du classement ».

L’histoire se répète

L’histoire se répèterait-elle ? Pour Pierre Carle, « depuis son annonce fin 2010, ce nouveau projet de classement est sur de mauvais rails. Manque de transparence, revirements incessants. Juste un exemple : nous avons déposé notre dossier de candidature le 30 septembre 2011, les critères de sélection n’ont été officiellement annoncés que le 8 juin 2012. » Et ce n’est qu’un des vices de procédures que le viticulteur pointe du doigt. Dans un communiqué publié aujourd’hui, il énumère entre autres : « utilisation de documents géologiques contre l’avis formel et répété de l’auteur de ces documents ; contradictions diverses entre les propres appréciations de la commission ; critères d’évaluation surprenants sans rapport avec la qualité du vignoble et des vins (salle de séminaire, chambre d’hôtes, gîtes, doublage des analyses de bois et de bouchons etc.) ; formule de bonus-malus sur les notes des vins »…

Pierre Carle n’hésite pas à dénoncer une forme d’acharnement contre Croque-Michotte, mais aussi une injustice commise envers d’autres déclassés, les châteaux Corbin-Michotte et La Tour du Pin Figeac. Quelles en seraient les raisons ? « On a certainement voulu nous faire payer l’annulation du classement de 2006. Mais il faut remonter à 1996, à notre premier déclassement… Ce que je sais c’est que dans l’intervalle j’ai été souvent été approché pour vendre la propriété, je ne sais pas si c’est lié… »

Aujourd’hui, le propriétaie de Croque-Michotte ne va pas par quatre chemin : « soit la commission de classement et l’INAO revoient leur avis avant que le Ministre de l’Agriculture ne valide le classement, soit nous attaquons en justice, auquel cas nous sommes persuadés d’avoir 9 chances sur 10 de l’emporter et de faire annuler le classement. J’en serai désolé pour Saint-Emilion, mais il n’y a aucune raison de tolérer cette injustice ». Du reste, s’il obtenait gain de cause, Pierre Carle affirme qu’il resterait solidaire de Corbin-Michotte et La Tour du Pin Figeac : « je demande le classement de tous les candidats, et une totale remise à plat des critères pour le prochain classement ».

Du côté de Saint-Emilion, on se veut rassurant : « nous sommes dans un état de droit, concède Franck Binard, directeur du Conseil des Vins de Saint-Emilion, n’importe qui peut contester ce classement. Mais franchement, personne ne veut revivre le cauchemar de 2006. Nous avons tout fait pour trouver une solution par le haut, par la qualité, pour rendre ce classement irréprochable dans tous ses critères, nous sommes donc assez confiants ».

Mardi 11 septembre à 11 heures, Pierre Carle tiendra une conférence de presse au Château Croque-Michotte pour exposer ses intentions. Le feuilleton de Saint-Emilion n’est peut-être pas terminé…

M.D.