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Le géant du vin Castel face à son ex-associé

Auteur

AFP

Date

22.12.2025

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Castel, géant français du vin et des boissons, est engagé dans une longue bataille judiciaire avec son ancien intermédiaire en Chine, un homme d'affaires helvético-canadien initialement au cœur des montages financiers du groupe et désormais poursuivi à Bordeaux pour chantage.

Agé de 77 ans, Kuan Tan a été à partir de 1998 l'homme de confiance de Castel sur le marché chinois, par le biais de plusieurs coentreprises associant Changyu, grand nom historique du vin en Chine, et le groupe numéro un du vin en France et géant de la bière en Afrique. Une société baptisée VASF Singapour, détenue à 30% par l'intermédiaire né au Cambodge et à 70% par Castel, avait été créée pour percevoir les bénéfices dégagés par les coentreprises chinoises et les reverser, après commission, à Zaïda, filiale du groupe bordelais établie à Gilbraltar. Après 2010, la rupture entre Castel et Kuan Tan se solde par deux protocoles financiers prévoyant le versement d'environ trois millions d'euros à l'intermédiaire, qui juge ensuite n'avoir pas été suffisamment indemnisé. « J'ai beaucoup souffert de cette situation », a déclaré à l'AFP l'intermédiaire helvético-canadien, s'estimant « volé ». Castel ne « doit plus rien » à Kuan Tan depuis ces protocoles signés en 2010 et 2011, réplique Bruno Quentin, avocat du groupe.

Des messages litigieux

Devant ce désaccord, l'affaire a tourné au bras de fer judiciaire avec plusieurs décisions civiles défavorables à Kuan Tan, jusqu'à une plainte pénale de Castel pour chantage, révélée par le journal Sud-Ouest. Le géant du vin reproche à Kuan Tan plusieurs messages litigieux en 2016-2017, dans lesquels il mettait en garde contre les conséquences de ce conflit et le risque de devoir alerter le fisc français. Castel y voit « des tentatives de chantage » de la part d'un ancien partenaire réclamant de l'argent « sans fondement ». « Les messages, c’est : Nous avons un problème, il faut qu'on s'arrange », assure Pierre Blazy, avocat de Kuan Tan. « Qu'on l'ait viré comme un malpropre, il ne peut pas l'accepter. »

L'homme d'affaires soupçonne le groupe bordelais d'avoir « artificiellement » minimisé les bénéfices des sociétés chinoises, donc ses commissions. « On est sur des sommes fabuleuses », à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros de bénéfices en Chine, assure Me Blazy. En consultant les comptes des coentreprises publiés par Changyu, la défense de Kuan Tan chiffre à 34 millions d'euros de 2002 à 2019 le bénéfice cumulé revenant à VASF France, filiale de Castel et maison mère de Zaïda, qui n'a déclaré que 11 millions d'euros de produits d'exploitation sur la période, selon ses bilans annuels. « Si la quote-part versée par les partenaires chinois a été artificiellement minorée, le groupe Castel en a été victime comme Monsieur Kuan Tan », rétorque Me Quentin.

"Déballage"

En 2024, l'entreprise fondée par Pierre Castel (99 ans) a réalisé un chiffre d'affaires de 6,5 milliards d'euros, dont 1,1 milliard dans le seul secteur du vin avec de nombreuses marques grand public (Baron de Lestac, Listel, Kriter, cavistes Maison Nicolas...). Le groupe basé à Blanquefort, près de Bordeaux, a lui-même fait l'objet de plusieurs enquêtes pénales dans le dossier Kuan Tan. La première, pour présentation de comptes inexacts, s'est soldée par un non-lieu pour prescription. Une autre enquête, ouverte en 2022 pour blanchiment de fraude fiscale, est toujours « en cours », a déclaré à l'AFP le parquet national financier (PNF), qui a procédé à « plusieurs auditions ». Enfin, une information judiciaire a été ouverte à Bordeaux après une plainte avec constitution de partie civile déposée en mai par Kuan Tan pour blanchiment de fraude fiscale.

En parallèle, Castel a subi un redressement fiscal ciblant les bénéfices perçus par Zaïda à Gibraltar, à hauteur de « quelques millions d'euros », reconnaît Me Quentin, selon qui « ce volet fiscal est définitivement tranché ». Sans exclure un accord amiable de dernière minute, Me Blazy espère faire de l'audience correctionnelle, dont la date reste à fixer, un « déballage sur la façon dont Castel a pu se débarrasser d'un collaborateur de plus de quinze ans ». Ce procès « est celui de Monsieur Kuan Tan et non celui du groupe Castel ou de son organisation », rétorque Me Quentin.

Article écrit avec AFP.


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