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Le fabuleux destin de la bouteille bordelaise

Auteur

La
rédaction

Date

27.12.2012

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Dans leur ouvrage « Bordeaux, l’art et le vin » (éditions de l’Horizon chimérique), Jacques Sargos et Robert Coustet explorent la façon dont les arts ont célébré ou mis en valeur le vin de Bordeaux dans toutes ses dimensions. La bouteille bordelaise y occupe une place de choix : invention anglaise, son esthétique a conquis le monde.

Avec la bouteille de coca, c’est sans doute la forme de bouteille la plus connue du monde. Avec sa forme cylindrique idéale pour le stockage, et son épaulement carré parfait pour la décantation du vin, la bouteille bordelaise n’est pas seulement l’indispensable contenant des crus fabriqués dans les vignobles de Gironde : elle a aussi conquis une forme d’hégémonie sur la planète vin, contribuant à la réputation des crus bordelais comme référence.

Une affiche du publicitaire Cassandre (alias Adolphe Jean-Marie Mouron), cubiste et dépouillée, traduit parfaitement en 1935 l’élégance racée de celle qu’on appelait le « frontignan » avant que ne s’impose le terme de bordelaise. L’éditeur Jacques Sargos souligne tout ce que la bouteille doit à l’influence anglaise. « Dès 1730, on produit des bouteilles selon la méthode anglaise dans les verreries bordelaises comme Mitchell cours de Verdun (qui migrera à Bacalan et sera plus tard reprise par Vieillard) ou à la manufacture de Bourg-sur-Gironde », détaille Sargos. On doit en effet aux Britanniques l’invention d’un verre épais et fondu à la houille, qui lui donne sa couleur sombre nécessaire au vieillissement du vin en bouteille. On bouche celle-ci avec des bouchons de liège du Portugal, autre innovation des négociants d’outre-Manche, et on la conditionne déjà dans des caisses de bois « à la mode d’Italie ».

Source d’inspiration

La forme actuelle à l’épaule carrée, très adaptée à la religion anglaise de la décantation, apparaît nettement sur les catalogues au début du XIXème siècle et se perfectionne pour se figer vers 1850. Et c’est le début à Bordeaux d’une production verrière à l’échelle industrielle, pilotée par le négoce puisque la mise en bouteille au château n’apparaîtra vraiment qu’après la Première Guerre mondiale.

« Et si le plus bel objet d’art lié au vin de Bordeaux était la bouteille même ? », interroge Jacques Sargos. Pour les publicitaires, c’est l’évidence comme en témoignent les affiches de Cassandre ou de Roger van Gindertael pour la maison Nicolas et son « Nectar, gentleman livreur » tenant des bouteilles en éventail.

La bordelaise, objet industriel et succès commercial, a aussi conquis le domaine de l’art, explique Sargos : « On la découvre sur des natures mortes cubistes de Juan Gris ainsi que sur des toiles sensibles de son ami Tobeen (NDLR : auquel le musée des Beaux-Arts de Bordeaux vient de consacrer une exposition). Avec Philippe de Rothschild, elle est devenue le support de tableaux-étiquettes munis des plus grandes signatures. »

Christophe Lucet

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