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Le rosé s’impose dans les gammes de champagne

Auteur

Frédérique
Hermine

Date

08.09.2025

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Tous les opérateurs, grandes maisons, coopératives et vignerons, ont au moins un champagne rosé en portefeuille. Autrefois anecdotique, la production de champagne rosé est devenue incontournable. Cet essor est propice à l'expression de styles variés. Tour d'horizon et décryptage d'une tendance.

Le champagne rosé a longtemps été perçu comme un produit de niche, même si de grandes maisons comme Ruinart et Veuve Clicquot s’en sont fait les ambassadeurs depuis plus de deux siècles. Chez les vignerons et les coopératives, il restait marginal. Au début du siècle, il représentait moins de 1% de la production champenoise. Depuis, il connaît un essor spectaculaire. Longtemps associé à une consommation féminine, à l’instar des rosés tranquilles, il a su s'émanciper. L'engouement a également gagné l'export avec près de 20 millions de bouteilles de champagne rosé expédiées. Parmi les plus grands amateurs, les États-Unis (plus de 16% des expéditions), mais également l'Autriche, la Russie, la Grèce. Sur des petits marchés comme le Qatar, le Nigéria, Indonésie, Porto-Rico, leur pourcentage sur les expéditions totales dépasse 20%. Grande-Bretagne, Suisse, Allemagne et Espagne sont aussi de grands consommateurs.

Valorisation sans cannibalisation

La plupart des cuvées sont d'assemblage (obtenu en incorporant de 5 à 20% de vin rouge avant la deuxième fermentation en bouteille), mais certains vignerons tels Collard-Picard, Jean Velut, De Lozey, André Fays, Huguenot-Tassin, Desboeufs et Fils... ont opté pour des rosés de saignée (ou de macération courte pour les raisins noirs). Ils sont souvent plus vineux et puissants. Leur couleur varie entre rose pâle et rose cerise en passant par des nuances saumoné, orangé, fraise et framboise. Le champagne rosé a également l'avantage de s'accorder avec de nombreux plats à base de fruits de mer, de saumon, sucrés-salés, des desserts aux fruits rouges... Pour la campagne estivale portée par le chef Philippe Etchebest, le champagne rosé de Fernand Lemaire avait été associé à un tiramisu aux fraises avec les biscuits roses de Reims.

champagnes rosés
©F.Hermine

David Archer, directeur marketing et développement du SGV (Syndicat Général des Vignerons), estime que « les opérateurs ont besoin de diversifier leurs champagnes et d'élargir leur gamme. Le champagne rosé complète leur offre sans cannibaliser les cuvées traditionnelles. Et en général, il est mieux valorisé même si la différence n'est pas énorme, dans une fourchette en moyenne de 3 à 6% ». Les visuels de la communication du SGV sont également déclinés avec un rosé tout en s’insérant dans les mêmes catégories de dégustation que les blancs : Vif, Fruité et Intense. Nous avons également demandé à Geoffrey Orban, directeur d’Educavin et ambassadeur de la bannière collective, de nous confier son analyse de la catégorie.

Quelle est la tendance sur les champagnes rosés? Sont-ils toujours en progression?

Après un engouement très fort pour le rosé, ils baissent un peu depuis deux ans. Mais depuis dix-quinze ans, nous étions en progression constante jusqu'à atteindre 12%. Ça reste néanmoins un marché marginal. Aujourd'hui, le rosé représente à peu près 10% des vins de la Champagne. Mais les rosés se maintiennent mieux en ce moment que les bruts classiques. Les vignerons s'attachent de plus en plus à faire des rosés qui ont de la personnalité, avec des méthodes de vinification spécifiques. On constate par exemple ces dernières années l'introduction de la macération carbonique pour aller rechercher encore plus de fraîcheur et de fruits, et éviter les tannins sur les pinots noirs avec de belles maturités. Taittinger par exemple utilise cette méthode, Champagne Pannier également. Les champagnes communiquent d'ailleurs peu sur les techniques car beaucoup testent différentes méthodes.

Les champagnes rosés sont davantage en recherche de fruit?

Lorsque les maturités sont là, l'idée est en effet d'aller rechercher vraiment le fruit avec des macérations plus précises. Ça fait déjà 2-3 ans qu'on récolte des pinots noirs, quelles que soient les régions de Champagne, qui sont plus tournés vers des arômes de cerise. Avant, on était sur des cerises aigres; maintenant plutôt sur des cœurs de pigeon, des burlats ou des bigarreaux, en tout cas des cerises bien mûres. Il y a aussi de plus en plus de rosés de macération même s’ils restent très minoritaires en comparaison des rosés de saignée. Avant, à part Ruinart, on en trouvait surtout dans la Côte des Bar. Avec le réchauffement climatique et des années comme 2018, 2019, 2020 et 2022, ils se sont développés. Quelques cuvées sont même travaillées sous bois. De plus, la tendance dans les maisons est de faire son propre vin rouge. Mais toutes n'ont pas de cépage noir ou d'installations pour ça. Dans ce cas, elles s'approvisionnent chez les gros faiseurs à Cumières, Tours s/Marne, Bouzy ou dans l'Aube. Aujourd'hui, dans le vignoble, ça bouillonne!

A qui s'adressent ces cuvées?

À tous. On constate que la tendance est à l'extension de gamme. Il n'est plus rare de voir des vignerons qui proposent 15 ou 16 cuvées dans leur gamme. Et elles s'adressent autant aux prescripteurs qu'aux consommateurs qui aiment bien changer et ont la volonté de découverte car ils ont entendu parler des nuances de terroir, des différences de vinification et de goût. Et ça les interpelle. Les gammes n’ont pas été révolutionnées mais on constate un regain d’intérêt d’un public qui comprend que le champagne est aussi complexe qu’un vin…parce que c’est un vin !

Quelles sont les questions que les consommateurs vous posent le plus sur les champagnes rosés ?

Surtout comment ils sont faits. Il y a encore une telle méconnaissance sur le sujet. Le rosé est moins considéré comme un vin de célébration que le blanc, il est perçu un peu plus frivole. De ce fait, on ne s'imagine pas qu'il y a derrière une technique assez pointue. Cela concerne d’ailleurs l'image du vin rosé de manière générale. On a encore beaucoup de remarques du type : 'Le rosé, ce n'est pas du champagne'. Heureusement, les mentalités changent avec la connaissance.


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