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Le vin nature, une plus juste valorisation des vignerons 

Laurene et Guillaume - L'appétit du vin @HenryClemens

Auteur

Henry
Clemens

Date

20.02.2024

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On évoque trop peu que Bordeaux abrite aussi des distributrices et distributeurs de vins nature. L’Appétit du Vin, créé par Laurène Amiet il y a presque dix ans, désormais co-dirigé par Guillaume De Mecquenem, est un acteur important de la reconnaissance d’une production longtemps boudée et désormais plébiscitée. Deux acteurs essentiels qui sont persuadés que de nouveaux styles de vin sont possibles et convaincus qu’ils peuvent être un élément de reconquête du consommateur ?

Parlez-moi de l’Appétit du Vin
Laurène : J’ai démarré il y a neuf ans à Bordeaux où je côtoyais assidûment l’équipe du Bô Bar qui m’a initiée aux vins nature. Une source d’inspiration clairement à l’origine de mon désir de créer ma société de distribution de vins. J’ai commencé par faire le tour des salons de vins nature en France. Il était important que je rencontre les vigneronnes et les vignerons avec lesquels j’allais travailler. J’ai tout d’abord distribué deux puis trois vignerons, aujourd’hui nous en sommes à une trentaine. 

Pourquoi souhaitiez-vous distribuer des vins nature ?
Laurène : Ce qui m’a tout de suite plu chez ces gens-là, c’est leur liberté, la dimension vertueuse et un questionnement sur le quoi et le comment consommer. Fondamentalement j’avais envie de m’émanciper des vins conventionnels et traditionnels.

Guillaume : Pour Laurène cet engouement date aussi de la période où elle était sommelière à Londres pour de grands établissements dans lesquels elle adhérait de moins en moins à des vins qui ne lui correspondaient plus, et côté de ça elle découvrait l’existence de vins nature dans le célèbre bar à vin Terroirs à Londres.

Votre offre est composée uniquement de vins nature ?
Laurène : Non ! Même si on nous colle souvent cette étiquette. Nous ne faisons pas que du nature. Le dénominateur commun reste bien entendu la certification environnementale, c’est ainsi que nous proposons des vins labellisés Vin Méthode Nature, AB, Demeter ou Biodyvin. 

Guillaume : Des vins issus de vignobles sans intrants, avec peu de soufre mais la véritable porte d’entrée reste le goût. Lorsque tu tournes un peu en rond avec les vins conventionnels, le nature, la biodynamie ou la bio permettent d’ouvrir à d’autres goûts, d’élargir la palette gustative. À vrai dire cette approche ouvre un autre champ moins normé et moins marketé. 

Êtes-vous des militants ?
Laurène : Notre action peut s’apparenter à du militantisme. Un militantisme forgé à partir de convictions fortes concernant la défense de l’environnement. Je dirais cependant que nous sommes plutôt des acteurs engagés et partisans. 

Guillaume : Les bases de L’Appétit du Vin sont partisanes dans la mesure où si on veut protéger notre environnement, ça passe obligatoirement par une évolution de l’agriculture dont une issue est l’agriculture biologique. C’est un minimum requis mais nous savons qu’en AB il existe des vins paramétrés comme des vins conventionnels. Nous recherchons des vins moins codifiés en prenant par exemple en compte la buvabilité, la simplicité et la capacité d’un vin à être moins fatigant. La biodynamie nous intéresse, non pas pour son côté ésotérique, mais parce que cette pratique amène la vigneronne, le vigneron à s’intéresser à l’agriculture, à observer le comportement de la plante. Des pratiques, avec celles rencontrées chez les nature, qui permettent de faire émerger des goûts de cépages, de lieux, de terroirs, ce que ne permet pas toujours la viticulture conventionnelle. 

Aviez-vous des vins girondins à la carte dès le départ ?
Laurène : Au départ non. Aujourd’hui Bordeaux et le Sud-Ouest représentent environ 30 % de notre offre parce que de plus en plus de vignerons répondent à nos attentes. J’ajoute qu’en étant à Bordeaux nous nous sentons dans l’obligation de les promouvoir, un peu comme des ambassadeurs de notre région. Nous venons de rentrer le domaine des Quatre Vents en Puisseguin-Saint-Émilion, qui suscite un vrai intérêt, comme Ad Vinam ou Pueyo, lorsque nous les avons intégrés à notre offre.

Participez-vous d’une meilleure valorisation les vins, de la compréhension d’un métier ?
Guillaume : Le fait d’être par exemple en biodynamie, ou de s’émanciper des normes d’une appellation, permet souvent aux vigneronnes et aux vignerons de valoriser leur vin différemment. On a l’impression qu’on peut s’approcher d’un prix plus juste, de valoriser son vin au niveau de son coût de production. Ça permet souvent de faire un parallèle entre les coûts de production et le prix de vente même si la valorisation d’un vin diffère selon que vous avez 5 hectares ou 50 hectares. Les nouveaux entrants, qu’ils soient nature, bio ou biodynamie, sont souvent sur des petites surfaces et à la tête d’entreprises à taille humaine. Chez ces derniers on constate plutôt une propension à vouloir réduire encore.

Que dites-vous de l’arrivée de plus gros acteurs sur ce marché de niche ?
Guillaume : Ce qui nous distingue, c’est que lorsque nous allons chercher une vigneronne ou un vigneron nous allons également chercher une personne. Dans la valorisation d’un vin, il y a la rencontre et il est hors de question de distribuer un vin sans avoir préalablement rencontré la personne qui élabore le vin. Concernant l’arrivée de plus gros metteurs en marché, je crois que ça permet de toucher un plus grand nombre de gens qui se questionnent sur ce qu’ils ont dans le verre et sur ce qu’ils aiment. C’est une bonne chose. Il est important cependant de ne pas dénaturer l’esprit, la philosophie initiale, là où bien souvent l’opportunisme attire aujourd’hui ces distributeurs, ce qui n’est pas forcément une bonne chose. 

Laurène : Notre force reste la proximité avec nos clients, la flexibilité, la réactivité et notre capacité à répondre à des demandes ad hoc qu’elles émanent de restaurateurs, de cavistes, de fromagers ou d’épiciers. On est à la fois proches de nos clients et des producteurs. 

La tendance de ce marché ?
Laurène : Des vins nature sans défaut ! (rire) Je dirais que les gens ont beaucoup bu des vins sur le fruit, faciles à boire. J’ai l’impression qu’à Bordeaux on revient lentement vers des profils de vins plus structurés, voire charpentés. Ils renouent peut-être un peu avec une identité plus bordelaise. En Gironde, l’œnophile reste attaché, il me semble, à une certaine complexité.

Guillaume : Nos vins peuvent également être une des réponses à la crise. Les gens se mettent à boire de la bière, ce qui est vrai ailleurs et à Bordeaux où pourtant on pourrait trouver des alternatives à la bière avec des bulles, des pet’nat, des vins un peu plus acides, moins alcoolisés et plus désaltérants. S’il est peu dans les usages de prendre un verre de vin après un repas, il faut peut-être que le vin se fasse une place dans ces interstices pour retrouver des consommateurs. Les vins de notre catalogue se prêtent à ce type de consommation hors cadre.