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Lucas Leclercq, le nouveau sourire du Château Fourcas Dupré

Auteur

Jean-Charles
Chapuzet

Date

01.10.2019

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L’ancien directeur technique du Château Lafon-Rochet n’aura pas mis longtemps pour se trouver un point de chute. Le temps du transfert, Lucas Leclercq prend même du galon en devenant directeur général du château Fourcas Dupré à Listrac. Portrait.

Au mois de mars de l’année 1969, le gouvernement français décide de limiter la vitesse sur les routes nationales à 110 km/h. Les Français grondent et, sans lien aucun, en ce printemps érotique, Lucas Leclercq voit le jour dans une maternité toute parisienne. Les parfums d’asphalte et le vacarme de la capitale accompagnent son enfance. Le papa, originaire du Nord, travaille chez Simca. La maman, prof de dessin, a des racines bourguignonnes. Dans l’appartement de Neuilly sur Seine, le gamin rêve de grands espaces, imagine les fermes Playmobil au milieu de la campagne. C’est sa Baleine Blanche. « Je ne sais pas pourquoi, j’aimais les vaches, le lait, les parfums des aliments alors j’ai très vite eu l’envie d’être ingénieur agricole », confie Lucas avant d’ajouter : « On allait de temps en temps en Normandie ou en Bretagne, ça me plaisait ». Le bac D (filière scientifique option biologie) en poche, il s’inscrit dans une école d’ingé’ à Lyon, l’ISARA, pour se diriger vers l’agro-alimentaire. Avec les poteaux, il fait bien tomber quelques quilles de beaujolais et de la vallée du Rhône mais il reste davantage fasciné par Yoplait, Danone qui sont installés dans le bassin. Il y a quelques fils de viticulteurs (dont Philippe Pellaton de Laudun) dans sa promo et, au fil des années, il trouve que le vin a une saveur particulière.

De Suze-la-Rousse à Cheval Blanc

Vient le temps de passer sous les drapeaux, Lucas Leclercq fait dans la coopération en Argentine. Il importe des produits phytosanitaires pour le secteur agricole dans sa globalité. Il profite de quelques week-ends pour déguster des malbecs du côté de Mendoza ou des carménères au Chili. Le vin le titille de plus en plus. En pleine crise de la vache folle, Lucas intègre un labo parisien pour remplacer dans la cosmétique ou la pharmaceutique les produits d’origine animale par des produits d’origine végétale. Nous sommes au milieu des années 1990. Lucas voyage beaucoup et gagne bien sa vie. Au bout d’un septennat, durant lequel il rencontre Anne-Charlotte (et accueille sa première fille, Capucine), il se voit faire autre chose. « Ce n’était pas ce que je voulais faire, c’est passionnant en matière de biochimie mais l’attrait du vin est plus fort », cède Lucas. Il démissionne et part se former pour la dégustation à Suze-la-Rousse. C’est un projet de vie : Anne-Charlotte suit ! L’étape suivante est le DNO. Il est refusé, il a 31 ans.

Il écrit au culot à Pierre Lurton pour bosser une saison dans les vignes de Cheval Blanc. C’est oui. Le directeur technique de l’époque, Kees Van Leeuwen, a vu que Leclercq courait le marathon et ça lui plait. « Parfois, ça tient à peu de choses… », sourit Lucas. Il analyse les terroirs, il dirige une équipe. Cette fois, il est accepté en DNO, à Dijon, afin d’être proche de son épouse et de sa fille qui vivent à Paris. Pour sa formation, il faut trouver un stage, il frappe à la porte d’un tout petit domaine de la côte de Nuits, la Romanée-Conti. « En fait, personne n’ose, alors Aubert de Villaine a été d’accord, j’ai été pris avec Olivier Berrouet que j’ai connu à Cheval Blanc », précise Lucas. Les deux stagiaires réalisent en 2003 une étude de terroir avec, pour l’anecdote, de modestes encas autour d’un pâté croûte et d’une Romanée Conti 1994. Titulaire du DNO, et père d’une deuxième fille, Agathe, Lucas Leclercq signe un contrat avec la famille Audy, des négociants bordelais et propriétaires du Clos du Clocher, du Château Bonalgue, etc. C’est l’effet boomerang pour un retour sur la rive droite bordelaise.

De Lafon Rochet à Fourcas Dupré

Il apprend à gérer des domaines jusqu’en 2009 où un Grand Cru Classé 1855 lui fait de l’œil. Le château est à Saint-Estèphe, il est jaune et son propriétaire porte des pantalons rouges. Directeur technique de Lafon Rochet, Lucas Leclercq accompagne Michel Tesseron et son fils Basile aux destinées de ce cru stéphanois. Il travaille avec le consultant Pierre Masson dans l’idée de convertir le vignoble en biodynamie. « J’ai beaucoup appris, on a énormément travaillé sur les terroirs, je crois qu’on a fait progresser Lafon Rochet, je faisais aussi de la représentation, j’ai fait un MBA de gestion de propriété en parallèle », explique–t-il. Après presque dix ans et les remous médiatiques liés aux propos de Basile Tesseron sur le bio en 2018, Lucas Leclercq se dirige vers la sortie. Il tempère : « Dans tous les cas, il n’y avait pas de poste de directeur général possible, c’est naturellement Basile le DG ». Le rebond s’est fait à Listrac, au Château Fourcas Dupré récemment acheté par l’homme d’affaires breton Gérard Jicquel.

Lucas Leclercq découvre 1,2 hectares de blanc et 46 hectares de rouge, un terrain de jeu qui l’enthousiasme avec pour consultant, comme une cerise sur le gâteau, Eric Boissenot. « J’arrive directement pour les vendanges, donc ce n’est pas tout à fait mon millésime mais c’est une parfaite entrée en matière et je connais déjà un peu le Médoc… », confie-t-il. A l’évidence, la question du bio se pose. « Bien sûr, la biodynamie est mon aspiration, mais je sais désormais qu’il faut que tout le monde soit à fond dans cette démarche, il n’y pas de demi-mesure, la stratégie est d’intégrer rapidement les fondamentaux, de former et convaincre les équipes, investir dans un matériel adapté, puis mettre des parcelles en protection phytosanitaire en utilisant que des produits utilisables en bio et biodymanie : rendez vous dans 2 ou 3 ans », répond Lucas Leclercq.

Le rendez-vous est pris d’autant que le voisin Fourcas Hosten en est cours de certification à l’horizon 2021 pour le rouge. Listrac n’a pas dit son dernier mot.