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[Portrait] Franck Launay, le chemin jusqu’aux Terrasses-du-Larzac

Auteur

Willy
Kiezer

Date

09.06.2022

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Terre de reconversions, la vigne a toujours attiré de nouveaux vignerons. C’est le cas de Franck Launay, ancien avocat parisien qui a senti l’appel du vignoble languedocien. Portrait d’un homme comblé et de son domaine, soumis aux aléas d’un secteur en transition.

Chemin d’une reconversion

C’est en 2018 que Franck Launay fonde avec Matthieu Dibon « Le Chemin », son associé lui aussi néo-vigneron. Ils reprennent tous les deux 5 hectares de vignes déjà certifiés à l’agriculture biologique, une chance pour ces passionnés de vins en général, bio en particulier. Franck Launay a exercé pendant près de 15 ans le métier d’avocat. Spécialisé dans le droit du travail, il a d’abord travaillé comme collaborateur puis a créé son propre cabinet. Le métier lui plaisait, il gagnait bien sa vie mais il a très vite senti un essoufflement : “Je faisais beaucoup d’heures et à chaque fois que je partais en vacances je ne décompressais pas. Je m’en suis rendu compte lors d’un voyage à Bali, ce tourisme à mille à l’heure m’a fait comprendre qu’il me fallait autre chose”. Une vie très active qu’il partageait déjà avec sa compagne, également avocate, qui l’a suivi dans le sud.

Parallèlement, Franck Launay entretenait sa passion pour le vin avec un groupe de copains non moins passionnés – dont faisait partie Matthieu Dibon - qui se retrouvait pour des sessions de dégustation à l’aveugle. “Une passion qui a commencé lorsque j’étais à l’école d’avocat en 2004”. Puis au fur et à mesure des découvertes, il est allé à la rencontre de vignerons. “En échangeant avec des vigneronnes et des vignerons, qui m’ont pour certains encouragés à franchir le pas,  je me suis progressivement convaincu que je pouvais faire quelque chose de cette passion pour le vin”.

En 2016, il prend une grande décision, celle de la reconversion. Il cède sa clientèle à ses associés et sera suivi de son acolyte qui deviendra également son partenaire. Plus tard en 2018, il passe un brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole et trouve en même temps des vignes, celles de Laure Gasparotto sur l’appellation Terrasses-du-Larzac, un terroir qui sonnait comme une évidence pour le néo-vigneron : “Les Terrasses cochent toutes les cases. Des terroirs incroyables, un climat méridional dont j’avais besoin, des terres encore économiquement abordables et une belle dynamique entre les vignerons de l’appellation”.

Une certaine idée du vin

Installé à Gignac, le chai n’est qu’à quelques kilomètres des parcelles. Les deux hommes possèdent aujourd’hui 9 hectares et les cépages cultivés sont la syrah, le grenache, le carignan, le cinsault et une pointe d’Alicante, un cépage teinturier pour lequel ils ont beaucoup d’affection. La quasi majorité des vignes se situent à Arboras, au pied du Mont Saint-Baudille.

Franck Launay s’interroge en permanence sur comment cultiver au mieux, avec le moins d’impact possible sur les sols et la vigne tout en visant un rendement suffisant pour vivre. “Je tiens beaucoup à la qualité et à la vie de mes sols que je souhaite travailler le moins possible en trouvant le bon équilibre avec un enherbement maîtrisé”.

Même précision au chai où le vigneron a une certaine idée du vin. “On souhaite faire évidemment le meilleur vin possible, abordable et qui reflète le terroir”. Pour cela, les moûts sont vinifiés sans intrant oenologique et les fermentations sont indigènes. Durant l’élevage, seul le sulfite est utilisé à dose homéopathique. Les vins destinés à l’AOP Terrasses-du-Larzac passent près de deux ans en élevage en fûts de plusieurs vins avant leur mise en bouteille. Un temps que le jeune vigneron estime nécessaire pour la qualité gustative de ses cuvées.

Pas rose tous les jours

Les reconversions professionnelles sont belles mais sont souvent ponctuées d’embûches. Même avec un bon matelas financier et une situation stable, “sans ma compagne, rien ne serait possible”. Depuis leur installation en 2018, les deux vignerons ont déjà connu des millésimes délicats. La crise du mildiou en 2018, “quasiment pas de carignan pour notre première année”, la sécheresse de 2019, puis les gels des 7 et 8 avril 2021 - “nous avons essuyé 30% de perte avec le gel” – ont été autant d’aléas ayant impacté fortement le rendement du domaine.

Des déconvenues qui n’ont pas entaché le moral de Franck Launay, bourré de modestie et de courage, “ça fait partie du jeu, l’agriculture est une école de la modestie et de la persévérance”. Espérons que le millésime 2022 sera plus clément pour un domaine qui n’est qu’au début de son chemin…

Terre de vins a aimé :

Cuvée Le Chemin 2019 - Terrasses du Larzac (19 € TTC au domaine)- Cépages grenache (58%), syrah (26%) et carignan (16%)

Un superbe vin rouge structuré avec de la profondeur en bouche. Un nez sudiste sur les fruits noirs mais porté par de la fraîcheur et de l’élégance. Une bouche tendue, bien suave et ronde. Un vin destiné à la garde mais également à point dès à présent.