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Pourquoi le Guide Michelin mise sur le vin

Grappe Guide Michelin

La grappe du Guide Michelin (photo Gaëlle Cloarec)

Auteur

Mathieu
Doumenge

Date

05.12.2025

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Dans un contexte de crise de la filière, l'annonce d'une évaluation des domaines viticoles par le Guide Michelin à compter de 2026, par le biais d'un système de "Grappes" équivalant aux étoiles pour les restaurants, est plutôt une excellente nouvelle. On vous explique pourquoi.

C'était la grande annonce de cette semaine, dévoilée mardi matin dans le cadre prestigieux du restaurant La Tour d'Argent, à Paris : le Guide Michelin se lance donc dans le vin. Le fameux guide gastronomique, créé en 1900 et distribuant depuis 1926 les "Étoiles de bonne table" qui ont forgé sa réputation, ne cesse d'accélérer ses diversifications sous la houlette de son directeur international Gwendal Poullennec. Après avoir élargi son champ ses dernières années aux démarches environnementales des restaurateurs (Étoile Verte), aux sommeliers (Prix de la Sommellerie) et plus récemment à l'hôtellerie (les Clefs Michelin qui saluent les meilleurs établissements), le guide rouge mise désormais pleinement sur le vin en dévoilant un ambitieux programme de recommandation des domaines viticoles. Dès 2026 seront donc attribuées des "Grappes" (l'équivalent bacchique des fameuses "Étoiles" ou macarons) qui viendront saluer l'excellence de la production. Cette reconnaissance se concentrera d'abord sur les vignobles de Bordeaux et de Bourgogne, avant de s'ouvrir ensuite aux autres régions françaises, puis internationales. Elle sera dévoilée dans le courant de l'année prochaine, sur le site et les applications du groupe.

Cinq critères d'évaluation

Durant sa présentation, Gwendal Poullennec a insisté sur les cinq critères qui prévaudront à l'évaluation des domaines : Qualité de l’agronomie (la santé des sols, l’équilibre des ceps ainsi que les soins apportés à la vigne), Maîtrise technique (la maîtrise technique en cave, une vinification précise et rigoureuse, produisant des vins bien élaborés, reflétant le terroir et le cépage, sans défauts perturbants), Identité (mise en valeur des vigneronnes et vignerons qui créent des vins exprimant la personnalité, le lieu et la culture qui les ont façonnés), Équilibre (évaluation de l’harmonie entre acidité, tanins, bois, alcool et sucrosité), Constance (les vins sont jugés sur plusieurs millésimes afin de vérifier leur constance dans la qualité, même lors des années difficiles). La mise en œuvre de ces critères s'appuiera "sur l’expertise d’inspecteurs dédiés dans le vin, tous professionnels et salariés du groupe Michelin. Cette équipe qui effectue ses recommandations de façon collégiale en toute indépendance réunira des spécialistes du vin et de nouveaux inspecteurs spécialement recrutés".

Quatre niveaux de reconnaissance

Le Guide Michelin présentera donc quatre niveaux de reconnaissance pour les domaines sélectionnés :
- Trois grappes : "des producteurs d’exception. Quel que soit le millésime, les amateurs de vin peuvent s’orienter vers les productions du domaine en toute confiance".
- Deux grappes : "des producteurs d’excellence qui se distinguent par une qualité et une constance remarquables au sein de leur terroir".
- Une grappe : "des producteurs de grande qualité qui élaborent des vins de caractère et de style, particulièrement réussis lors des meilleurs millésimes".
- Sélectionné : "des producteurs de confiance, choisis pour leur constance et leur qualité, dont les vins bien faits promettent une expérience de qualité".

Quelles synergies avec le Wine Advocate ?

Il est important de rappeler qu'en 2016, le Guide Michelin a absorbé la référence de la critique vin outre-Atlantique, Robert Parker Wine Advocate. Si la nature exacte des synergies entre l'équipe du Michelin et celle du Wine Advocate demande à être précisée pour ces futures "Grappes", il est évident que le colossal fonds de dégustation déployé par l'équipe Parker (plus de 500 000 vins commentés !) représente une assise essentielle pour évaluer les domaines. Le travail, contrairement à la critique des restaurants, ne pourra se faire anonymement, les inspecteurs ayant besoin de se présenter pour pouvoir recueillir tous les éléments d'information qui leur permettront d'établir leur hiérarchisation. Mais le Guide Michelin insiste bien sur la notion "d'indépendance, d'intégrité et de rigueur" de ses équipes. Gwendal Poullennec complète : "avec Robert Parker, on n'a pas acheté un nom, mais un savoir-faire complémentaire, des archives, un énorme travail d'analyse. La collégialité va occuper une place majeure dans notre travail, au côté de la présence terrain, en prenant le temps de bien faire les choses, dans la tradition du Guide Michelin".

Dans un contexte chahuté pour la filière

Reste une interrogation : à un moment où la filière vin traverse une crise profonde et où la consommation est en grande transformation, le moment choisi est-il le plus approprié pour le Michelin ? Gwendal Poullennec n'a aucun doute : "nous n'ignorons rien du contexte actuel, mais nous croyons que c'est justement dans ce momentum que nous avons un rôle important à jouer au côté des domaines français et internationaux, dans une transmission de la culture du vin. Nous connaissons bien notre audience : 83% des 25-24 ans et des 35-44 ans ont déjà utilisé les outils du Michelin, ils voyagent, ils découvrent, ils sont en attente d'expériences fortes, y compris dans leur relation au vin. C'est en leur offrant notre expertise que nous pouvons répondre à cette attente, et à consolider les passerelles avec le vin qui existent depuis les tout débuts du Guide Michelin". Les archives historiques relèvent en effet que, dès les premières éditions du guide et les premières étoiles attribuées, la qualité du vin servi à table était mise en avant par les inspecteurs...

Beaucoup reste donc à préciser, et les prochains mois permettront d'y voir plus clair sur la stratégie exacte du guide rouge. Mais dans une période chahutée pour la filière, ce coup de projecteur sur le vin de la part d'un acteur à la telle surface d'audience mondiale ne saurait être une mauvaise nouvelle.

Gwendal Poullennec (2e à gauche) avec l'équipe de La Tour d'Argent.