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Renaissance des vignes autour du lac d’Annecy

Auteur

Jean-Michel
Brouard

Date

11.07.2022

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Délaissée depuis des décennies, la vigne fait l’objet de projets enthousiasmants autour du lac d’Annecy où l’on redécouvre la qualité de ces terroirs historiques.

Parfois, la naissance d’un projet tient à une simple rencontre. En l’occurrence celle d’un propriétaire d’un terrain situé à Talloires juste derrière la célèbre Auberge du Père Bise tenue par le non moins célèbre chef Jean Sulpice, 2 étoiles au guide Michelin. Cette parcelle située à une trentaine de mètres au-dessus du lac était autrefois couverte de vignes comme en témoigne une vieille photo retrouvée par le propriétaire.

©Collection Château de Menthon

Très rapidement, ce dernier va avoir l’envie de renouer avec le passé viticole des lieux et en parler à Jean Sulpice qui va immédiatement adorer l’idée. Héraut de son territoire, le chef met un point d’honneur à mettre en avant les producteurs locaux. C’est donc naturellement qu’il va mettre en contact le propriétaire avec un vigneron des environs, Philippe Héritier. Là encore, pas de hasard dans ce choix car outre son domaine viticole des Orchis (6,3 ha sur Frangy), Philippe est également héliciculteur ! Ses escargots, des gros gris, sont réputés et il aime rappeler que c’est une recette où ils étaient mis en exergue qui a fini de convaincre les inspecteurs du guide Gault&Millau de nommer Jean « Chef de l’Année » en 2017 ! Une réflexion de plus de 3 ans va alors s’engager pour construire un projet viable et pérenne. « Bien sûr, le lieu est superbe, une véritable carte postale, mais je devais être sûr qu’il y avait bien un terroir de qualité », explique Philippe. Plusieurs éléments vont le convaincre. Tout d’abord, un sol d’une grande diversité amenée par le glacier qui a formé le lac. « Un verrou glaciaire se trouve juste au-dessus de la parcelle et traditionnellement ce sont des sites viticoles très intéressants », poursuit-il. « Et puis, à quelques encablures se trouvent l’abbaye millénaire de Talloires et l’ermitage de Saint-Germain. Les moines construisaient toujours dans des lieux favorables en termes telluriques. Et c’est vrai qu’il y a une force inexplicable sur cette parcelle que ressentent la plupart des personnes qui la découvre. Ajoutez à cela une lumière et un micro-climat exceptionnels provenant de la réverbération lacustre et de son humidité régulatrice. Le terroir était donc fantastique et nous avons initié le projet ».

Un clin d’œil au passé tourné vers l’avenir

Dans des écrits de 1958, le célèbre ampélographe Pierre Galet parlait des vins de Talloires « très prisés des tables parisiennes ». On trouvait alors planté de la mondeuse blanche, cépage fondamental puisqu’il s’agit de la mère de la magique mondeuse noire, elle-même mère de l’exceptionnelle syrah. On trouvait également de la douce noire, de la molette, du gringet et de l’altesse. De vieux cépages qu’un nombre croissant de vignerons replantent aujourd’hui. C’est le cas de Philippe qui en avait dans son domaine et va ainsi pouvoir sélectionner des bois après la taille en 2021 afin de réaliser une sélection massale chez un pépiniériste en vu de leur réintroduction. Celle-ci a eu lieu du 17 mars au 6 avril dernier, 7000 pieds plantés d’un seul tenant sur les 1,2 ha de la parcelle, avec l’aide notamment des élèves du lycée agricole de Poisy (classe de CAP viticulture). Et quitte à créer un patrimoine végétal pour les décennies à venir, autant lui donner toute les chances d’assurer sa pérennité. Une technique nouvelle a donc été utilisée. Seules 4 racines ont été conservées pour chaque cep afin d’éviter que celles-ci ne s’entortillent année après année. Positionnées dans 4 directions distinctes, celles-ci vont pouvoir aller explorer plus librement le terroir. Le tout porté par une approche biodynamiste. Un travail immense qui reçoit un accueil très positif des habitants de la région. Nombreux sont ceux qui appellent Philippe pour étudier la possibilité de réintroduire de la vigne sur leurs parcelles de bord de lac. D’autres projets ont d’ores et déjà été menés à bien. Et notamment par le frère de Philippe, Florent, qui lui a replanté des vignes au pied du magnifique château de Menthon-Saint-Bernard. Un symbole puissant de la renaissance de cette viticulture lacustre qui fait écho également à tout le dynamisme actuel de la viticulture savoyarde portée entre autres par toute une génération de passionnés à l’image des membres de l’association des Pétavins, tous viticulteurs bio.